Italie : à banane, banane et demie

Samedi 3 Août 2013 - 17:54

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Un journaliste angolais s’empare de l’insulte à la banane contre la ministre Kyenge pour la retourner à l’Italie : la toile s’enflamme

Il y a quelques jours, la ministre italienne de l’Intégration, Cécile Kyenge Kashetu s’est vue traiter de singe. Et pour bien faire comprendre la portée de l’insulte raciste qui en a indigné beaucoup dans la classe politique italienne, un militant du parti xénophobe de la Ligue du Nord a jeté des bananes sur le podium où la ministre tenait un discours sur l’immigration. Ce n’était là que le dernier en date d’une série d’actes racistes, d’insultes et de débordements verbaux d’une rare ignominie. « J’ai dit qu’elle ressemblait à un orang-outang? Bon, ce n’était pas du racisme, seulement une appréciation esthétique. » Signé : Roberto Calderolli, vice-président du Sénat italien, membre de la Ligue du Nord.

On en serait resté là si cette insulte n’avait fait florès sur les réseaux sociaux racistes comme dans la vie publique en Italie. Roberto Calderolli a fini par s’excuser. Il ne s’est pas démis de ses fonctions malgré la pression, mais le climat lourd ne s’est pas allégé pour autant. Des appréciations peu flatteuses en veux-tu en voilà, la classe politique italienne en a collectionné. D’ailleurs, c’est simple : Mme Cécile Kyenge Kashetu a fini par se fâcher contre ce flot ininterrompu de boue. Et pour finir, elle a décidé de boycotter un congrès de la Ligue du Nord, expliquant que son leader du moment, Roberto Maroni, ne s’était pas plié à une exigence de simple courtoisie : renier publiquement les faits et gestes des militants de son parti.

C’est maintenant que l’insulte à la banane traverse la Méditerranée et gagne l’Afrique centrale. Cécile Kyenge Kashetu est originaire de la République démocratique du Congo. Ses « frères » ont décidé de venger la « sister ». Sur la toile, un journaliste de la TV angolaise vient de lancer une campagne aussi simple qu’originale : aller en nombre manger de la banane devant l’ambassade d’Italie à Luanda. « Que tous ceux qui se sont sentis discriminés par les derniers épisodes de racisme intervenus en Italie s’unisse à la protestation », peut-on lire sur la page Facebook du confrère. La date de la manifestation n’est pas encore connue, mais on raconte que quelques 500 personnes se disent prêtes à s’y joindre en Angola et dans d’autres pays d’Afrique centrale devant les représentations diplomatiques italiennes.

Naturellement, comme dans tout débat sain, il n’y a pas que des partisans débonnaires à cette démarche. Une dépêche de presse rapporte les propos de personnes bougonnant : « l’Afrique a ses problèmes, qu’avons-nous à nous mêler des problèmes de l’Italie ? Cécile Kyenge est Italienne ; que les Italiens combattent eux-mêmes leur racisme ! » Mais les plus indignés ne sont pas cet avis : « La question du racisme nous concerne bel et bien. Le fait que cette dame soit née au Congo ne nous exonère pas de la lutte pour l’égalité raciale », répliquent-ils. Deux opinions, un thème : le racisme. Une date à fixer : les marchands de bananes doivent se frotter les mains.

Lucien Mpama