Jean-de-Dieu Kourissa : « Le repli identitaire cause de façon souterraine des dégâts entre les Congolais »

Samedi 7 Juin 2014 - 1:45

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

À quelques jours de la célébration de la Journée de l’unité nationale au Congo, le député de la première circonscription de Poto-Poto et président de l’association Désir d’unité (ADU) explique la philosophie de la Journée scientifique qui aura lieu ce 10 juin à Brazzaville sous le thème « du repli identitaire au vivre ensemble »

Les Dépêches de Brazzaville : Le 10 juin prochain sera organisée à Brazzaville une Journée du vivre ensemble qui prévoit des exposés et débats autour des concepts d’unité et de cohésion nationales. Pourquoi une telle initiative à ce moment précis ?
Jean-de-Dieu Kourissa : C’est une initiative qui s’inscrit dans la dynamique de la mise en œuvre des initiatives culturelles, intellectuelles, scientifiques susceptibles de rendre irréversible la paix si précieuse pour le développement intégral du Congo. En ce moment, parce que depuis que l’ADU existe il y a quelques mois, la sortie officielle n’avait pas encore été organisée. Vu ses objectifs, elle a voulu se saisir de cette date symbolique de notre histoire pour marquer son existence. Aussi, l’ADU n’entrevoit pas là une activité ponctuelle. Elle s’inscrit dans la durée. Elle plaide pour une raison pratique de l’amour du Congo. L’ADU vise par ailleurs une approche dynamique, souple et simple et non pas facile qui se propose d’anticiper, en toute prudence et intelligence, sur les tendances significatives de la société congolaise qui se fonde sur le principe d’espérance qui nous solidarise.

Vous parlez d’« obstacle ethnique », de « repli identitaire », et même d’« hystérie identitaire ». N’est-ce pas trop fort ? Le Congo est-il autant miné par ses entités sociologiques que sont les ethnies ? Qu’est-ce que les conférences de mardi pourront y apporter si cela est vraiment le cas ?
Les conférences de mardi constituent un appel à la réflexion critique et autocritique du délitement du lien social et des nouvelles formes de sociabilité au Congo et en Afrique. Elles travaillent à dégager le rôle déterminant de la culture du désir d’unité par delà l’ethnocentrisme. En faisant de la volonté du « vivre ensemble » son cheval de bataille, l’ADU vise la construction d’une citoyenneté mondiale inclusive et tolérante, pour reprendre l’heureuse formule du philosophe congolais, Charles Zacharie Bowao.

Au centre de la Journée du vivre ensemble se trouve l’association Désir d’unité que vous présidez. Bien au-delà  de cette manifestation, quelle est, de manière succincte, la philosophie de cette organisation ?
L’ADU a choisi d’organiser cette journée scientifique en vue d’amener l’élite intellectuelle congolaise à prendre conscience d’un fait, plutôt d’un phénomène émergent et persistant, c'est-à-dire le repli identitaire qui, par défaut, semble aller de soi pour tous les Congolais. Plus même, il passe entre les Congolais, inaperçu et le fait même est en passe de tomber dans l’oubli. C’est donc une question précise et précieuse qui  traverse de part en part les pans entiers de toutes les couches sociopolitiques du Congo. Le repli identitaire cause de façon souterraine des dégâts entre les Congolais ; c’est un phénomène bizarre qui s’est emparé  des réflexes négatifs dont font preuve quelques Congolais les poussant ainsi à rejeter les autres (autrui), à les oublier en faisant comme s’ils n’existaient pas et ce, quelquefois, sans le vouloir. Il est donc urgent et même nécessaire d’y réfléchir pour en dénoncer l’inconsistance éthique, les carences intellectuelles et les impostures ethnocentristes.

Pensez-vous sincèrement que vous, les politiques, souvent accusés ici d’instrumentaliser les ethnies et les régions, êtes le mieux placés pour mener à bonne fin l’idée du vivre ensemble au Congo?
L’ADU est membre à part entière de la société civile du Congo. Et elle l’est entièrement non pas par habitude, mais par attitude. Pareille attitude se veut fondamentalement critique, et donc rationnelle. Elle se donne comme orientation la construction d’une réflexion de type scientifique, c’est-à-dire pluridisciplinaire, interdisciplinaire et transversale. Fort de cela, elle ne saurait être ravalée au bas niveau des considérations politiques, voire politiciennes. Il s’agit de repenser l’action politique de manière à éviter la déchéance des individus, la déshumanisation de la société congolaise. Le recours à l’élite intellectuelle est un dépassement du cadre étriqué de la politique. Ainsi, l’idée du politique n’est pas incompatible avec le souci majeur qui est celui de construire raisonnablement un Congo sur fond d’un être ensemble à la faveur d’un amour sans visage et sans rivage.

Vous avez des activités qui vont au-delà de la journée du 10 juin (unité nationale) et de la ville de Brazzaville ?
La journée scientifique du 10 juin n’est que la première activité d’une vision qui va s’élargir au moyens d’autres activités, au nombre desquelles nous pouvons compter des jeux, des concours, des émulations, des dégustations des mets venant de tous les départements du Congo, des conventions des chefs de village, des émulations des couples mixtes et une caravane de l’unité nationale.

Propos recueillis par Thierry Noungou