Joseph Kabila à Der Spiegel : « Nous n’avons pas encore demandé un référendum »

Lundi 5 Juin 2017 - 14:55

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Une longue interview du président de la République accordée le 3 juin au magazine allemand Spiegel alimente la chronique politique de ces dernières heures. Joseph Kabila qui a longtemps observé un mutisme sur les enjeux politiques de son pays est finalement sorti de sa réserve pour décrypter l’actualité et éclairer la lanterne des Congolais sur certaines matières à controverse telles que les élections.

President Kabila during his interview: "When Europe senses danger, it needs to do something to keep all these Africans at home where they belong."A ce sujet justement, Joseph Kabila a tenu, de prime abord, à justifier la non-tenue des scrutins en décembre 2016. Le nombre exponentiel des électeurs à gérer ainsi que la guerre à l’Est enclenchée par le M23 en sont les principales raisons.  « C’est principalement parce que nous n’étions pas bien préparés. En 2011, nous avons eu 32 millions d’électeurs inscrits, maintenant nous avons entre 42 et 45 millions d’électeurs inscrits auxquels nous devons répondre. La deuxième et la plus importante raison: après 2011, le groupe rebelle M23 à l’Est du pays a commencé une guerre. Nous devions mettre toutes nos ressources à la disposition des Forces armées », a-t-il expliqué. Et d’ajouter : « Vous pouvez organiser des élections chaque jour, même demain. Mais que sera le résultat des élections chaotiques? Encore plus de chaos! ».

Quant à l’échéance de décembre 2017 fixée dans l’accord du 31 décembre obtenu sous la médiation de la Cénco, Joseph Kabila rappelle à ses interlocuteurs n’avoir rien promis aux Congolais sur  cette question. « Je n’ai rien promis. J’aimerais que les élections se déroulent le plus tôt possible. Mais nous voulons des élections parfaites, pas n’importe quelles élections », a-t-il déclaré renvoyant la balle à la Céni, seule habilitée à organiser les élections. A ceux qui pensent qu’il n’y a pas de volonté de politique sincère de tenir ces élections avec, en arrière-plan, un projet de reférendum visant à changer la constitution aux fins de baliser la voie à un troisième mandat présidentiel, la réponse de Joseph Kabila est presqu’inattendue. « Quand ai-je parlé de changer cette règle? Personne aujourd’hui ne peut produire une déclaration orale ou écrite de moi qui parle de changer la constitution ».

Il rappelle avoir déjà tout clarifié à ce sujet tout en indiquant que le changement de la Constitution est constitutionnel. « Dans la constitution, il y a le mot «référendum». Vous pouvez modifier la constitution par référendum. Mais nous n’avons pas encore demandé un référendum. Jusqu’à ce jour, nous n’avons pas encore organisé de réunion ou de discussion sur la façon de modifier la constitution », a-t-il fait observer. Aux journalistes qui voulaient lui tirer le vers du nez en rapport avec son éventuel troisième mandat qui découlerait d’une interprétation de la Constitution, Joseph Kabila note que cet exercice est du ressort des Cours et tribunaux, et que « nulle part dans la constitution on parle d’un troisième mandat ». C’est, a-t-il ajouté, « une invention provenant de cerveaux éclairés quelque part en Europe ou ailleurs ». Et de trancher finalement sur la question en ces termes : « La constitution est très claire quant à savoir comment et quand le président transmet le pouvoir. Il ne peut donner le pouvoir qu’à un successeur élu ».

L’affaire Katumbi est juduciaire

Autre point abordé au cours de cette interview concerne le cas Moïse Katumbi, l’opposant congolais en exil condamné à trois ans de prison dans une affaire de spoliation immobilière. « Il n’y a pas de procès entre le gouvernement et Katumbi en tant qu’individu », dixit Joseph Kabila pour qui il n’y a que la justice qui est habilitée à statuer sur sa situation, même pas les évêques catholiques. Il exhorte l‘ex- gouverneur du Katanga à s’adresser à la justice de son pays et relativise tout ce qui se dit à propos de ce dernier notamment sur son influence, supposée ou réelle, auprès des masses populaires. La réponse du raïs est toute simple : « Si vous pensez que quelqu’un est au-dessus de la loi parce qu’il a 1 ou 2 millions de personnes qui le suivent, nous ne serions pas un Etat de droit ». Joseph Kabila déclare ne pas avoir de défi ni de stratégie pour contrer ce candidat potentiel à la prochaine présidentielle présenté en Occident comme porteur d’un nouvel espoir. « Les Congolais décideront de l’avenir de ce pays. Nous parlons de la démocratie », a-t-il déclaré en substance.

Concernant les dernières sanctions de l‘Union européenne et des Etats-Unis prises contre certaines personnalités congolaises, Joseph Kabila indique que « la bonne chose aurait été de partager les évaluations » avec la RDC « et les personnes impliquées ». Et d’ajouter d’un ton ferme : « les sanctions ne nous empêcheront pas d’organiser les élections. Et ce n’est pas le genre de pression qui nous poussera à faire autre chose ».

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Joseph Kabila Kabange

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