Journée internationale des peuples autochtones : lumière sur le village Lifouri

Samedi 9 Août 2014 - 15:30

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La célébration, le 9 août de chaque année, est l’occasion de porter un regard sur les peuples autochtones. Ici et là, des manifestations sont souvent organisées par le gouvernement, en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) pour condamner les injustices à l'égard de cette minorité. Comment vivent les peuples autochtones ? Quelles sont leurs attentes ? Les lignes ont-elles bougé depuis le vote de la loi portant promotion et protection de leurs droits ? Reportage au cœur de Lifouri, un village situé dans la sous-préfecture de Kindamba, dans le département du Pool.

Au départ du village Loukouo, la voie qui conduit vers le village Lifouri est difficilement accessible, même en saison sèche. Cette piste serpente la savane arbustive sur plusieurs kilomètres et se termine sur un ensemble d’hameaux. Nous voici à Lifouri.

Le village semble désert aux premières de la journée car nombreux de ses habitants sont en forêt, vaquant à leurs occupations quotidiennes. Le regard du citadin est d’abord attiré par une espèce de paillotte géante, construite avec un mélange de pailles et de terre cuite. Visiblement, le hangar est menacé d’effondrement. Pourtant, c’est bien ce lieu qui sert d’école pour les enfants de Lifouri. Malheureusement, « L’unique appelé volontaire qui y prestait avait déserté depuis longtemps faute de rémunération », nous dit notre guide de circonstance.

Dans cette balade, à la découverte de Lifouri, nous croisons l’équipe de vaccination qui échange avec Rute, une jeune femme dont l’enfant née cinq mois avant n’avait jamais reçu le BCG. La  raison c’est que le premier poste de santé se trouve à environ quatre heures de marche, soit 25 km. Dans la foulée, un jeune d’une trentaine d’années s’approche de l’équipe pour présenter sa plaie, infectée, priant ainsi l’équipe de le soigner. L’infirmier du groupe lui fixe rendez-vous à Kindamba pour des soins appropriés, sans trop y croire. Car nous confie cet agent de santé : « peu d’entre eux acceptent de faire cette distance. Surtout quand il s’agit d’aller se faire soigner. »

Il faut attendre l’après-midi pour voir la majorité des habitants de cette contrée, enfants compris, sortir de la forêt. Pendant que l’équipe médico-sociale profite de vacciner contre la polio, certains Autochtones nous expliquent les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. Lorsqu’on demande à l’un des autochtones s’il n’avait pas ramené du gibier, il nous laisse comprendre que la forêt ne rapporte plus. Il explique que les produits de la cueillette servent essentiellement à la consommation au sein de la famille.

Autochtones ou pygmées ?

Interrogé sur le changement d’appellation, autochtone au lieu de pygmée, celui qui était plus ou moins instruit nous avoue que rien n’a changé dans leur vie, les relations avec les autres populations étant demeurées telles qu’elles étaient avec une domination de Bantous qui les prennent pour des êtres inférieurs.

Situé au milieu de nulle part, Lifouri donne l’image d’un village coupé du reste du monde. Pas de couverture téléphonique,  pas de poste de santé, pas d’école et le village n’est desservi par aucun moyen de transport en commun. Ils ignorent tout de la loi sur la promotion et la protection des peuples autochtones et même du Forum international sur la population autochtone  de l’Afrique centrale (FIPAC) dont ils disent ne ressentir aucun effet. À Lifouri, tout manque. Même l’acte de naissance !

Les acteurs qui s’occupent de la question des autochtones devaient  descendre sur le terrain pour évaluer l’impact des décisions prises loin de ses huttes et cases.

 

Jocelyn Francis Wabout

Légendes et crédits photo : 

1- Des populations autochtones dans la cour à Lifouri (DR) ; 2- Le hangar qui sert d'école à Lifouri (DR)