Justice : la défense du père Gratien interjette appel

Lundi 6 Mars 2017 - 21:29

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Les avocats italiens du prêtre d’origine congolaise, Gratien Alabi, accusé de meurtre et condamné ont introduit in extremis un recours en appel.

C’est quelques heures avant la date butoir fixée par la justice pour la recevabilité de leur requête que les deux avocats du père Gratien Alabi ont interjeté appel. Vendredi, en effet, Me Riziero Angeletti et Me Francesco Zacheo, les avocats défenseurs du moine congolais condamné en octobre dernier à 27 ans de prison ferme, ont enfin introduit leur argumentaire. Ils entendent démonter les 250 pages de motivations par lesquelles le procureur de la Cour d’assise d’Arezzo, dans la région des Marches, avait présenté à la Cour pour affirmer son « intime conviction » que le moine avait tué une paroissienne.

Signe d’embarras ou difficultés à réunir tous les éléments de leur contre-attaque devant la Cour, les avocats qui avaient 90 jours pour contester la condamnation de leur client le 24 octobre 2016 se sont décidés aux derniers instants. Jour funeste pour le moine congolais, sa condamnation avait été prononcée le jour-même de son 52è anniversaire. Les 90 jours aux avocats expiraient dimanche. Leur démarche voudrait prouver qu’ils ont enfin réuni des éléments – ou le courage – pour appeler de la justice un examen moins passionné du dossier. Et donc des conclusions qui leur avaient semblé, à l’époque, ayant été dictées par les seules pressions de l’opinion.

Car l’affaire fut un scandale géant, qui divisa y compris la diaspora africaine elle-même en Italie. Il y a trois ans, un jour de mai, disparaissait d’un petit bourg des Marches, la paroissienne Guerrina Piscaglia. Mariée au bedeau de la paroisse, la dame de 50 ans n’a jamais plus donné signe de vie depuis. La justice présume qu’elle a été assassinée par le prêtre dont elle était aussi amoureuse, suivant des témoignages et des messages retrouvés dans le téléphone et l’ordinateur portables du moine. Et il s’est chargé de faire disparaître, d’une manière ou d’une autre, le corps de sa victime par peur de scandale.

Les avocats ont eu beau jeu de faire observer que la justice ne pouvait s’appuyer sur des présomptions pour accuser de meurtre un prêtre sans casier judiciaire dans une affaire sans cadavre. Et trimbaler à travers le petit village de Cà Raffaello, un jour de foire locale qui plus est, le corps (sans vie ou non) d’une personne assez corpulente sans être vu de personne, est un scénario seulement digne des meilleurs polars ! Mais l’opinion cherchait un coupable et les juges ne voulaient pas la décevoir, ont soutenu les avocats qui se sont battus bec et ongles. En vain. Se drapant dans la dignité de son « intime conviction », le procureur d’Arezzo avait asséné: 27 ans de prison ferme !

Désormais les avocats espèrent que la Cour d’appel examinera les choses avec moins de passion, prendra une décision loin des clameurs médiatiques dans le sens de la justice. Et elle examinera les faits et non des opinions d’autant que, soutiennent-ils, le père Gratien Alabi est soumis à des conditions pénibles dans son monastère des Prémontrés où il est assigné à des mesures drastiques ( bracelet électronique au pied, interdiction de sortir d’un périmètre déterminé ou de rencontrer des personnes concernées par l’affaire). Si la Cour accède à ces requêtes et qu’elle ne demande pas à écouter de nouveaux témoins, la décision sera prononcée dans deux mois. À suivre donc.

Lucien Mpama

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