Justice : malaise à la Cour constitutionnelle

Samedi 5 Novembre 2016 - 14:28

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Des récents échanges de courriers entre le président de la Haute Cour et certains de ses collègues absents à l’audience du 17 octobre ayant approuvé le glissement du calendrier électoral en disent long sur la dégradation des relations entre les juges de la plus grande juridiction du pays.

Depuis le 17 octobre dernier, la Cour constitutionnelle s’est empêtrée dans une grave crise interne qui tend à éroder sa crédibilité. À cette date, elle avait rendu un arrêt autorisant la Commission nationale électorale indépendante (Céni) à publier un nouveau calendrier allant au-delà des délais constitutionnellement prévus pour l’organisation de la présidentielle. Ce qui fâche dans cet arrêt, ce sont les circonstances ayant prévalu à sa publication, à commencer par le quorum qui avait fait défaut. En l’absence de quatre juges, le président des céans, en l’occurrence le juge Benoît Lwamba Bindu, avait quand même autorisé la tenue de l‘audience publique évoquant « l’importance de la cause » au mépris des dispositions légales qui exigent la présence de tous les membres de Haute Cour pour une audience ou pour délibérer.

Le quorum minimum requis pour que la Cour constitutionnelle statue valablement est d’au moins sept juges sur les neuf qu’elle compte. Or, dans le cas d’espèce, ils étaient à peine cinq à avoir délibéré sur une question aussi vitale touchant l’avenir du cycle électoral dans le pays. À l’exception d’un seul juge dont l’absence pouvait se justifier pour cause des soins à l’étranger, les trois autres, à savoir Jean Louis Esambo, Vunduawe Te Pemako et Banyaku Luape, ont été considérés par le président de la Haute Cour comme des « indociles » ayant séché une activité légale de leur juridiction. Piqué par une sainte colère, le président Benoît Lwamba est monté au créneau accolant à ses pairs absentéistes des demandes d’explications. Là où le bât blesse, c’est que cet épisode lié à la gestion interne de l'institution a été mis sur la place publique à grand renfort des postes sur les réseaux sociaux des correspondances adressées aux juges incriminés.

Ca qui a fait bondir le juge Vunduawe Te Pemako, qui dans sa réplique, regrette qu’une « question relevant de la gestion interne de la Cour constitutionnelle » ait été portée à la connaissance du chef de l’État et du garde des sceaux. Sur la même lancée, l’ancien directeur de cabinet du défunt Maréchal Mobutu a stigmatisé le fait que certains juges de la Cour constitutionnelle qui émettent des avis contraires « continuent à être ainsi exposés par la divulgation du secret des délibérations au profit des personnes extérieures à la Cour ».  Tout en évoquant une « impossibilité morale de siéger à l’audience du 17 octobre », il fait savoir que le projet de l’arrêt autorisant le « glissement » du calendrier électoral ne lui avait pas été remis en vue de présenter ses éventuelles observations.

Tant sur le fond que la forme, la procédure de la saisine de la Haute Cour par la Céni n’a pas convaincu le juge Vunduawé qui a préféré s’éclipser pour ne pas cautionner une irrégularité qui allait le décrédibiliser et préjudicier sa carrière d’enseignant. Les deux autres juges incriminés se réservent encore de réagir à la correspondance du juge-président qui, d’après Félix Vunduawe, « manque singulièrement d’élégance et de courtoisie ». C’est notamment le cas du juge Jean-Louis Esambo accusé de « s’être évaporé dans la nature peu avant la tenue de l’audience du 17 octobre sans prétexte d’un motif quelconque ». Autre grief : il aurait rejeté systématiquement les appels téléphoniques du chef de juridiction, foulant au pied toute déférence due à ce dernier.

Entre les lignes, on comprend que les débats préalables à la publication de cet arrêt ont été houleux. « Aucune de mes raisons ne devrait échapper à votre autorité », s’est empressé de répondre l’un des juges accusés, ouvrant toutes grandes les vannes de la spéculation dans une affaire qui sent le règlement des comptes. « Les professeurs d’universités ne sont pas des jouets entre les mains des hommes politiques », entend-on dire dans les milieux intéressés apportant ainsi de l’eau au moulin de ceux qui en appellent à la restructuration de la Cour constitutionnelle inféodée, selon eux, au pouvoir en place.            

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Les juges de la Haute Cour en séance publique

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