Les souvenirs de la musique congolaise : Jean Serge Essous trois « S », sa vie et son œuvre (3)

Jeudi 22 Février 2024 - 20:34

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Au cours de la décennie 1960, Jean Serge Essous est le chef incontesté de l’orchestre Bantous de la capitale qu’il dirige avec brio, au regard de ses prestations artistiques et de la plus-value qu’il apporte en son sein. Les mélomanes de l’époque disaient qu’il incarnait la force des Bantous.

Aussitôt après sa création, l’orchestre Bantous s'impose sur le microcosme musical congolais malgré la défection d’Edo Ganga et Loubelo de la Lune qui font un come-back dans l’Ok Jazz, Dicky Baroza et Dignos Ndingari qui font leur entrée dans Cercul Jazz. Essous, animé par un sentiment d’amertume adresse une diatribe aux dissidents dans sa chanson intitulée « Lolaka lua boso » où il dit, entre autres : « Ba ninga ba landi nde bomengo » , « Ngai se molema » , « Ba ninga ba kimi na lipopo » (lipopo diminutif du nom de la ville de Léopoldville), « Ngai se na Bea » (Bea diminutif du nom de la ville de Brazzaville), que l’on peut traduire par : « Les amis avec qui nous avons construit l’édifice Bantous nous ont faussé compagnie et sont repartis pour Léopoldville à la recherche du bonheur, quant à moi, pour l’amour de mon pays et de l’orchestre Bantous, j’y reste ». Le vide laissé par les dissidents sera comblé par l’arrivée de Papa Noël (guitariste) et Bukassa Jojo dit Jojo le beau gars (chanteur).

Avec l’arrivée de Nino Malapet (saxophoniste) en 1961, Essous abandonne la clarinette et opte pour le saxophone, formant ainsi un duo étincelant avec lui. Une discographie d’œuvres chantées en espagnol telles « Pavacillar », « Oiga mambo », « Tcha tcha tcha parati », « Guayira Guatanamera » est à l’actif de Jean Serge Essous. La naissance de l’orchestre Tembo, en 1965, fut un tournant dans son parcours musical.

Pour la petite histoire, l’orchestre Tembo, dirigé des mains de maître par Daniel Loubelo de la Lune (ancien sociétaire de Bantous), a en face de lui plusieurs groupes musicaux qui se disputent le leadership, à savoir Bantous de la capitale, Cercul Jazz, Negro Band, ... La rivalité était de taille mais la plus remarquée fut celle qui naquit entre les Bantous et Tembo lors de leurs prestations dans les différents bars dancing de Brazzaville où affluaient les mélomanes. Au lendemain de sa création, Tembo bénéficie d’un apport de l’Etat qui lui octroie des instruments flambants neufs. Il bénéficie du soutien multiforme de quelques dignitaires du régime, membres de la Jeunesse du Mouvement national de la révolution (JMNR), de la Défense civile (Bras armé du régime), organes issus de la Révolution des 13,14,15 août 1963.

Tembo, appelé orchestre révolutionnaire, chantait et louait les œuvres du pouvoir en place. Certains ténors de la JMNR regardaient d’un mauvais œil l’évolution de l’orchestre Bantous et en manifestaient une antipathie. Ils militaient alors pour sa dislocation, le taxant de contre révolutionnaire parce que non seulement créé sous l’abbé Fulbert Youlou mais aussi, soutenu par des personnalités de ce régime déchu telles que Jaques Bankaites (commerçant), les ministres Prosper Gandzion qui fut président d’honneur de l’orchestre , Frédéric Nzalakanda et autres mais aussi, soit disant, pour son non engagement à la cause de la révolution.

Au fil des temps, une rivalité revêtant les allures d’une guéguerre fut ouverte entre Jean Serge Essous et Daniel Loubelo de la Lune, cofondateurs de Bantous devenus des farouches ennemis. Cette rivalité fut entretenue et alimentée de polémiques interminables, d’invectives et attaques de toutes sortes émanant des fanatiques et sympathisants des deux groupes musicaux et dont les médias en assuraient parfois le relais. L’on se souviendra également d’un tract annonçant la mort d’Essous, conçu par un fanatique de Tembo et distribué dans toute la ville, dans le but de le terroriser et le dissuader afin qu’il abandonne l’orchestre Bantous dont il incarnait la force. A suivre.

Auguste Ken Nkenkela

Légendes et crédits photo : 

Jean Serge Essous/DR

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