Littérature : les romans de la rentrée

Jeudi 5 Septembre 2019 - 20:48

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Doit-on parler de rentrée littéraire française ou francophone, tant les auteurs qui font cette rentrée en France sont éclatés dans tout l’univers francophone ? Parmi les trois cent trente-six romans français à paraître depuis août jusqu’en septembre, on retrouve aussi bien des Belges comme Amélie Nothomb ou des Camerounaises comme Léonora Miano. Mais peu importe ce débat, ce qui compte c’est que ces auteurs devront se frayer un chemin vers les lecteurs et aussi vers les prix littéraires d’automne pour les plus vernis dont les romans auront captivé notre attention.

En attendant, dans cette revue hebdomadaire, nous vous proposons deux romans qui ont retenu notre attention et dont l’un est totalement en phase avec l’une des actualités phare de notre époque : le changement climatique.

Patrick Deville publie « Amazonia » (Seuil)

Avec « Amazonia », Patrick Deville propose un somptueux carnaval littéraire dont le principe est une remontée de l’Amazone et la traversée du sous-continent latino-américain, partant de Belém sur l’Atlantique pour aboutir à Santa Elena sur le Pacifique, en ayant franchi la cordillère des Andes. On découvre Santarém, le rio Negro, Manaus, Iquitos, Guayaquil et on finit même aux Galápagos, plausible havre de paix dans un monde devenu à nouveau fou, et qui pousse les feux de son extinction. Le roman remonte jusqu’aux premières intrusions européennes des pays traversés, Pérou, Équateur, Brésil, en se servant du grand fleuve Amazone, avec les anecdotes des personnages croisés, aussi brillamment pour ne pas perdre le lecteur dans des histoires multiples, sans que cela paraisse haché, dans la quête d’or et de richesses, selon une géographie encore vierge, pleine de légendes et de surprises.

Plus tard, les explorateurs établiront des cartes, mettront un peu d'ordre dans le labyrinthe de fleuves et affluents. Des industriels viendront exploiter le caoutchouc, faisant fortune et faillite, le monde va vite. Dans ce paysage luxuriant qui porte à la démesure, certains se forgent un destin : Aguirre, Fitzgerald devenu Fitzcarrald, Darwin, Humboldt, Bolívar. Ce voyage entrepris par un père avec son fils de 29 ans dans l’histoire et le territoire de l’Amazonie est aussi l’occasion d’éprouver le dérèglement du climat et ses conséquences catastrophiques. Un superbe livre de découvertes et d’Histoire.

Grand voyageur et esprit cosmopolite, Patrick Deville dirige la Maison des écrivains étrangers et traducteurs (MEET) de Saint-Nazaire et la revue du même nom. Né en 1957, il est l’auteur d’une douzaine de romans dont le très remarqué « Peste & Choléra « (Seuil 2014).

Kaouther Adimi publie « Les petits de Décembre » (Seuil)

Dans ce roman, l’auteur nous raconte la révolte inattendue d’un groupe d’enfants en Algérie, contre deux généraux qui veulent s’approprier un terrain vague au cœur de leur cité pour y construire leurs maisons. Sauf que ce terrain vague est le lieu où tous les enfants du quartier jouent au foot depuis 20 ans. Et les enfants ne comptent pas se laisser faire. Les deux généraux sont pris au dépourvu. Ils savent combattre les opposants au régime et les islamistes, mais que faire face à des enfants ? Kaouther Adimi construit un roman remarquable. Sensible grâce à la force de ses personnages, la fraîcheur de ces enfants affranchis de la peur qui musèle les parents.

Ce roman est aussi enrichissant par le biais du journal qu’écrit Adila, militante pendant la guerre d’Algérie, arrêtée à 17 ans, humiliée, torturée, qui retrace les grandes lignes historiques du pays.

Avec cette photo d’un pays corrompu, l’auteur rend hommage à l’ancienne génération qui s’est battue, qui vit aujourd’hui avec les peurs et les cicatrices du combat, et montre l’état d’esprit d’une nouvelle génération, prête à défendre ses droits. Plus que cela, elle nous montre la société algérienne, sa corruption, la lâcheté de toute une génération qui s’est murée dans la peur et a renoncé à ses idéaux. Ces jeunes enfants font souffler un vent de fraîcheur sur tout ça, mais en révélant les renoncements de leurs prédécesseurs, ils ne sont pas toujours bien vus. Ce livre est une belle photographie sur l’Algérie contemporaine.

Titulaire d’une licence de langue et littérature françaises obtenue en Algérie, Kaouther Adimi est diplômée en lettres modernes et en management des ressources humaines à Paris où elle vit et travaille depuis 2009. Ses nouvelles ont été distinguées à deux reprises par le prix du jeune écrivain francophone de Muret (2006 et 2008) et par le prix du FELIV (Festival international de la littérature et du livre de jeunesse d’Alger) en 2008. « L’Envers des autres », son premier roman publié en mai 2011 aux éditions Actes Sud a auparavant été édité en Algérie par les éditions Barzakh sous le titre « Des ballerines de Papicha » en juin 2010. Elle a obtenu le Prix de la Vocation en 2011. En 2016, paraît son deuxième roman « Des pierres dans ma poche » aux éditions du Seuil (Publication Barzakh en novembre 2015). Il a bénéficié d’un succès critique et de sélections sur de nombreuses listes de prix.

 

Boris Kharl Ebaka

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