Loi Fatca : des bouleversements dans le système financier mondial

Lundi 7 Juillet 2014 - 19:16

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Plus de 80 000 établissements financiers, répartis dans une centaine de pays dont la RDC, ont accepté de coopérer avec les États-Unis d’Amérique dans le cadre de la mise en application de la Loi Foreign account Tax Compliance Act (Fatca) qui les oblige à livrer des informations stratégiques sur les clients américains disposant des comptes et dépôts au-delà d’un montant de 50 000 dollars US. 

Entrée en vigueur le 1er juillet, cette loi controversée pour son unilatéralité engage le pays de l’Oncle Sam dans un tournant majeur dans sa lutte contre l’évasion fiscale. Si certains pays s’y sont engagés sans conditions, comme la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Espagne, d’autres par contre y ont adhéré avec des réserves. C’est le cas de la Suisse. En effet, la loi pourrait entraîner un bouleversement interne majeur au niveau des institutions du secteur financier si elle est appliquée par un grand nombre de pays, estiment déjà les analystes financiers. D’emblée, la Fatca vient tordre le sempiternel « secret bancaire » qui est à l’origine même du contrat tacite passé entre le client et sa banque, car cette dernière joue désormais le rôle d’intermédiaire entre son client et l’administration fiscale américaine en fournissant des informations à des fins fiscales.

Malgré tout, le trésor américain a confirmé l’engagement ferme de quelques pays dont la Suisse, le Luxembourg et les Îles Caïman. Votée en mars 2010, mettant ainsi fin à un long processus enclenché en 2001, cette réglementation invite les banques étrangères à informer systématiquement le fisc américain pour l’aider à combattre les comptes logés dans les paradis fiscaux et très faiblement imposés localement. Comme mesures de rétorsion, en cas de faille, ces banques s’exposent à des sanctions, notamment une retenue à la source de 30% sur tous les revenus de sources américaines à destination des titulaires récalcitrants, c’est-à-dire les revenus bruts qu’elles perçoivent aux États-Unis. Il s’agit d’une loi qui s’applique non seulement aux banques mais aussi aux compagnies d’assurances, aux fonds d’investissement et aux sociétés de gestion. Autre mesure coercitive, le législateur américain prévoit aussi de bloquer l’accès au marché des capitaux américains à toutes les institutions financières défaillantes.

Les critiques les plus acerbes reprochent à l’administration Obama, visiblement en difficulté pour financer sa politique sociale, de chercher à traquer la population américaine transfrontalière. Pour ces analystes, les conséquences pourraient être vraiment désastreuses pour les États-Unis. En effet, selon eux, il s’agit d’abord d’un coup dur porté contre l’indépendance du secteur privé. Cette mesure risque d’entraîner des fermetures de comptes et un déferlement des clients vers les banques opérant dans les pays qui ont signé l’accord avec des réserves. Au pire, il y aura des renoncements de citoyenneté des grosses fortunes. Du côté des officiels américains déterminés à ouvrir un front contre l’évasion fiscale, l’on estime que cette loi ne fait que renforcer une collaboration déjà active. Cette politique pourrait porter des fruits, au regard des millions d’expatriés américains dans le monde. Le Canada à lui-seul pourrait compter plus d’un million d’américains. L’autre question à débat est le financement supplémentaire nécessaire pour sa mise en œuvre. En Suisse, les banques l’ont estimé à 250 millions d’euros.  

Laurent Essolomwa