Mariage posthume: doit-on verser la dot à une morte ?

Vendredi 6 Juillet 2018 - 19:06

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La célébration d’une union entre une personne vivante et l'autre morte est ancrée dans les traditions au Congo. La société voudrait qu’un homme qui a recouru au concubinage épouse sa conjointe qu’il n’a pas pu honorer par le mariage de son vivant.

Célébrer un mariage avec une concubine défunte consiste, en Afrique, à verser la somme équivalente de la dot en espèce pour compenser le déshonneur causé à cette dernière. Monnaie courante au Congo et dans bon nombre de pays africains, cette pratique dérange certains Congolais qui estiment que l’union entre un vivant et une morte ne relève pas de la normalité. « Le mariage est un événement béni et heureux qui ne doit pas être fait dans des circonstances aussi tragiques. Cette idée d’épouser le cadavre de sa femme est une tradition absurde qui mériterait d’être bannie. Une amende raisonnable peut être acceptée dans la mesure du possible mais lier un homme vivant par les liens sacrés du mariage avec une morte n’est pas normal », estime Laura Lossele, une jeune étudiante de la diaspora.

Richie Ondon, une chrétienne résidant à Brazzaville, renchérit:« Ce n’est pas biblique cette action et le mieux pour nos frères et pères, c’est de ne pas consentir au mariage clandestinement ». 

Selon Gurney, un jeune Congolais, « il est judicieux de réaliser la dot pour ne pas avoir à se soumettre à ce genre de pratique car ne peut être victime que celui qui n’est pas reconnu manifestement par sa belle-famille comme gendre. Le plus souvent, c’est une amende de dédommagement pour mariage officieux et aussi pour bénéficier de quelques rituels de protection, même si certaines ethnies en abusent ».

Le montant à verser pour la dot posthume varierait entre quatre cent mille et sept cent mille FCFA, voire plus, selon les avis de quelques citoyens congolais, témoins des faits pour certains. Le gain l’emporte souvent sur le chagrin et les modalités diffèrent suivant les ethnies ou les classes sociales des familles concernées.

L’application du code de la famille simplifierait l’officialisation des unions

Selon la loi, « la dot a un caractère de symbole. Elle est facultative. Elle peut être payée en nature ou en espèce ou sous les deux formes. En aucun cas son montant ne pourra dépasser la somme de cinquante mille francs. Elle n'est pas remboursable. La demande d'une dot supérieure à ce montant ou son versement est réprimée conformément aux dispositions du code pénal », rappelle l’article 140 de la loi n°073-84 du 17-10-1984 portant code de la famille congolais.

Cette résolution juridique existe mais elle n’est pas appliquée par une majeure partie de Congolais. Dans les faits, la somme à verser pour la dot est démesurément élevée que celle fixée par la loi. Un véritable frein auquel se heurtent les jeunes hommes aspirant à officialiser leur union. « Je fréquente une fille depuis deux ans et je voudrais faire d’elle mon épouse car elle répond fortement à mes attentes. Ma seule préoccupation, c’est le coût total des frais de cérémonies coutumière et officielle qui représentent des millions. Je pense que si du côté des parents de la femme l’on revoyait cette situation en respectant les textes de loi, de nombreuses jeunes filles ou femmes ne s’éterniseraient pas à résider chez leur père ou encore ne recourraient pas à un mariage non reconnu. Car même lorsqu’on veut faire simple, c’est difficile d’y arriver », en juge un jeune Congolais qui a requis l’anonymat.

Mamie Dimi, une étudiante en droit, ajoute: « Même lorsqu’on veut négocier, il ne faut pas jouer les durs en fâchant les chefs de famille sinon ce sont des difficultés qui s’en suivront avec des cas bizarres de sorcellerie à travers la stérilité, l’échec, la maladie et biens d’autres ».

C’est dans un élan de conscientisation face au problème que le message de la 42e assemblée plénière de la Conférence épiscopale du Congo exhortait les chefs de famille à s’appliquer avec courage, avec force et à accomplir dignement leur mission. « Chers chefs de famille, votre place n’est plus à démontrer et votre responsabilité est capitale. L’impact de votre action peut être positif ou négatif, selon que vous agissez conformément ou non à la volonté de Dieu. C’est sur vous que repose la cohésion de la famille, en matière de dot, de gestion d’héritage et de conflits, de traitement des veuves, des veufs et des orphelins. Dans cet ordre d’idées, à la lumière de la tradition et de l’Évangile, nous dénonçons la pratique illégale qui consiste à demander une dot trop élevée. Respectez ce que prévoit le code de la famille (art. 140). Nous condamnons la pratique du mariage posthume (versement de la dot lors du décès de la conjointe) », soulignait l'assemblée plénière.

Merveille Atipo

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