Migrants : tout faire pour fermer la « route libyenne »

Jeudi 17 Novembre 2016 - 16:22

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Au moins 20 morts ont été enregistrés en Méditerranée depuis le début de la semaine. On n’est pas sûr de croire que l’hécatombe va s’arrêter 

Sur le front des migrations, chaque jour ressemble au précédent : des départs en masse depuis les côtes libyennes et des débarquements désespérés à Lampedusa. Avec des récits hallucinants sur la traversée et sur le nombre de personnes s’étant noyées lorsqu’une embarcation s’est retournée sous le coup des vagues. Ou que, moteur en avarie, des survivants disent avoir bu leur urine pour ne pas mourir de soif en pleine mer. Récits d’apocalypse mais toujours ferme volonté de gagner à tout prix l’Europe.

Le ministre italien des Affaires étrangères était en visite au Mali, au Niger et au Sénégal la semaine dernière. Paolo Gentiloni a fait part de la détermination de son pays à continuer à sauver des vies en mer. Les garde-côtes italiens sont à pied d’œuvre pour aller toujours au secours des canots de migrants en détresse. Mais cette opération, co-assurée par la mission européenne Frontex et des organisations humanitaires, reste coûteuse. C’est pourquoi, a dit M. Gentiloni aux autorités des trois pays africains visités, il faut sauver les vies au départ, pas à l’arrivée ni pendant la traversée.

L’Italie a accueilli plus de 172.000 migrants depuis le début de l’année, et les flux ne semblent pas prêts de tarir. Pour M. Gentiloni, il faut fermer « la voie libyenne » de transit des migrants qui, de pays en pays, gagnent le Niger puis le désert libyen pour se trouver au plus près des points de départ des bateaux vers l’Europe. Le prix d’une telle entreprise est fort en termes de privations, de sévices subis, de dangers encourus et d’argent dépensé à tous les contrôles des forces de l’ordre ou des bandes de passeurs. Mais rien n’y fait. Toujours on meurt et toujours on repart.

La lutte contre l’immigration clandestine passe aussi par des mesures accrues contre les réseaux et les trafiquants. Dans une semaine, va s’ouvrir en Sicile le procès de l’Erythréen, Medhanie Yehdego Mered. A 35 ans, il est accusé par la justice italienne d'être « le général » d'un réseau de passeurs ayant envoyé vers l'Europe jusqu'à 8.000 migrants par an, dans des conditions si sordides que beaucoup ne sont jamais arrivés. Mais son avocat, Me Michele Calatropo, affirme photos à l’appui que l'homme qui avait été arrêté en mai à Khartoum et extradé début juin en Italie, s'appelle en réalité Medhanie Tesfamariam Berhe. Il y a donc erreur sur la personne.

Il y a toujours des ficelles pour passer au travers des mailles du filet. Mais depuis le début de l’année, 3000 Africains ont péri noyés en Méditerranée. Rien que dans le canal de Sicile, 18 personnes sont mortes noyées depuis lundi : sept certifiés dans un canot en détresse qui a fait état de plus de 130 disparus, selon le témoignage des humanitaires de Médecins sans frontière (MSF). C’est une tragédie sans fin intolérable, déplore l’ONG.

Pour sa part, Paolo Gentiloni essaie d’appeler de nouveau l’Europe à son devoir de solidarité avec l’Italie, qui fait face seule au poids de cette pression migratoire intenable. « C’est un détonateur potentiel » pour l’Europe, avertit-il. « Nous donnons une très mauvaise image de l’Europe au monde ». Pour lui, l’Italie « corrige fort heureusement cette image auprès de l’opinion publique internationale ».

Mais le patron de la diplomatie italienne reste convaincu que le langage de la vérité est le seul bon, pas la démagogie ou le populisme ni le racisme. « Nous ne devons pas entretenir nos concitoyens dans l’illusion qu’il existe une manière d’arrêter le phénomène, si ce n’est en s’engageant au côté des pays africains ; transformer ce phénomène d’irrégulier à régulier », en le gérant avec les communautés.

Lucien Mpama

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