Mines : la société Argo-Heraeus SA accusée d’avoir fondu de l’or pillé en RDC

Mardi 5 Novembre 2013 - 14:36

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La justice suisse a ouvert, le 3 novembre, une enquête pour « présomptions de blanchiment d’argent en relation avec un crime de guerre et de complicité de crime de guerre ».

L’ONG suisse Track Impunity Always (Trial), a déposé, le week-end dernier, une dénonciation pénale contre l’entreprise suisse Argor-Heraeus, l’un des premiers affineurs de métaux précieux au monde, pour « blanchiment aggravé de matières pillées ». Il et reproché à cette société d’avoir fondu près de trois tonnes d’or pillé en RDC entre 2004 et 2005 lors du conflit armé en Ituri. Dans le cadre de cette procédure, la justice suisse a ouvert, en début de semaine, une enquête.

Pour l’avocat de Trial, Bénédict Moerlosse, qui est intervenu dans les ondes de radiookapi.net, la valeur de ce minerai est estimée à quarante millions de dollars américains. À l’en croire, l’affinage de l’or fourni par un groupe armé est considéré par le Code pénal suisse comme un crime de guerre et mérite d’être sanctionné pour lutter contre le financement des conflits armés. « Le but de la procédure que nous menons est de faire que tous les maillons de la chaîne qui alimentent les conflits armés liés aux ressources naturelles soient sanctionnés », a-t-il expliqué.

De l’avis de ce juriste, en effet, la quantité d’or affinée par Argor n’est pas énorme. Mais c’est une question de principe. « On cherche à envoyer un signal fort. Il n’est pas possible pour des entreprises de blanchir des matières premières pillées ou, comme dans d’autres cas, de se rendre complices de crimes de guerre. Elles seront surveillées et dénoncées », a-t-il prévenu.

Expliquant l’action menée par son ONG, le directeur de Trial, Philippe Grant, a estimé qu’« Argor savait ou devait pour le moins présumer que la matière première qu’elle traitait provenait d’un pillage, qui est un crime de guerre », selon les Conventions de Genève. Il est noté qu’une équipe de cette association est revenue récemment de l’Ouganda avec des faits nouveaux. Ce qui a permis, a-t-il relevé, de pouvoir récolter des preuves utiles pour une affaire pénale.

À en croire l’association, les miliciens du Front nationaliste intégriste finançaient leurs activités grâce au trafic d’or. Alors que l’or visé a été pillé dans une concession contrôlée par cette milice près de la localité de Mongbwalu, au Nord de Bunia en Ituri.

Argor-Heraeus nie les faits

Dans un communiqué cité dans la presse, l’entreprise suisse a balayé ces accusations d’avoir été ravitaillée par les groupes armés. « Argor-Heraeus n’entretient aucune relation d’affaires avec des sociétés en Ouganda et Congo. Elle n’a donc jamais effectué d’achat/vente, ni de paiement d’aucun genre dans cette région », a-t-elle souligné. La société s’est, par contre, dite surprise par la plainte et a décliné toute responsabilité. Elle a, en outre, estimé que les enquêtes menées peu après les faits par l’ONU, le secrétariat d’État à l’Économie et l’Autorité des marchés financiers l’ont mise hors de cause.

On rappelle qu’en 2005 et 2006, alors qu’ils enquêtaient sur la violation de l’embargo sur les armes visant la RDC, un groupe d’experts de l’ONU avait déjà établi la responsabilité d’Argor et d’autres entreprises britannique et ougandaise dans le pillage et le trafic d’or.

Retraçant le circuit de cet or, il a été indiqué qu’un homme d’affaires congolais propriétaire d’une compagnie aérienne s’occupe du transport de l’or qu’il l’achemine vers l’Ouganda où une entreprise locale, Uganda Commercial Impex (UCI) le rachète. Cette dernière le vend, à son tour, à une entreprise britannique basée à Jersey, Hussar, qui fait appel au suisse Argor pour le transformer en lingots.

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Les chercheurs d'or à Ituri