Musique : Freddy Kebano, homme de culture et d’avant garde

Vendredi 30 Août 2019 - 13:32

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Freddy se souvient et raconte : les jeux de lumières, les pattes d’éléphant, Berlin Est, le sens du spectacle… Et c’est toujours un délice à écouter.

Freddy Kebano est un homme de culture ayant porté toutes les casquettes, celles de journaliste, d’animateur radio, puis d’animateur télé, chanteur, musicien, arrangeur, ingénieur du son, conseiller auprès du ministre de la Culture…  Ce grand monsieur de la musique congolaise peut se vanter de riches et multiples collaborations : Papa Wemba, Zao, Les Bantous de la Capitale, Mbilia Bell, Koffi Olomide, Kally Djatou, pour ne citer que ceux-là. Dans nos colonnes, le 8 août, il évoquait d’ailleurs une autre de ses multiples collaborations, celle-ci avec Fernand Mabala, récemment disparu, alors que Freddy était ingénieur du son à l’IAD.  

« J’ai esquissé les premiers jeux de lumières »

On sait moins que Freddy Kébano est aussi celui qui, le premier, a esquissé au Congo Brazzaville ce qu’on appelait les jeux de lumières. Jamais avare d’anecdotes sur la musique d’autrefois, il raconte : « C’est sûr, nous autres musiciens, on n’avait rien, ni stroboscope, effets lasers ou quoi : rien ! Alors, pour mes spectacles, j’allais emprunter des projos aux plateaux de télévisions et des gélatines. Tout était rudimentaire, très artisanal, on faisait preuve d’imagination et de débrouillardise, fabriquant des contacts maisons pour allumer ou éteindre les lumières, selon les couleurs choisies pour le spectacle.  Au rythme de la musique et des lumières, j’ajoutais parfois des bruitages sortis d’un petit magnétophone à cassette ». Maugréant contre les playbacks de la musique d’aujourd’hui, il a toujours prôné la musique live et le sens du spectacle : «   Outre la tenue de scène, il y avait aussi la tenue de scène, c’était pour moi et le public d’alors, une chose importante. Moi, j’étais habillé tout en noir avec un pantalon pattes d’éléphant, à la mode en ce temps-là, et des boots. J’arborai une coupe Afro à la Jimmy Hendrix, avec un ruban noué autour de ma tête ». 

« Je me suis évanoui à Berlin »

Un de ses meilleurs souvenirs de scène reste ce concert à Berlin, à l’époque où le mur de Berlin, construit en août 1961, est appelé « le mur de la honte », coupe la ville en deux et sépare les deux Allemagne, celle de l’ouest et de l’est. Nous sommes en 1973, à la dixième édition du Festival mondial de la jeunesse et des étudiants, et Freddy Kébano est alors membre du Group'rouge. Un groupe qui s'est distingué lors de ce festival en recevant la médaille d’or de la « Performance artistique » pour l’originalité de sa musique.  Clément Ossinondé, chroniqueur musical le plus sollicité de la place de Paris pour sa parfaite connaissance de l’histoire de la musique Congolaise, a écrit à ce propos : « Le Group’rouge  peut être considéré comme le groupe précurseur d’une mouvance intello et le premier au Congo a opté en 1971 pour un style alors avant-gardiste : la world music. »

Le style du groupe, très orienté pop, rock et folk, était effectivement tourné vers des aspirations très modernes pour l’époque et résolument novatrices au Congo. Et Freddy Kébano de préciser : « Que ce soit pour les effets lumières ou la tenue de scène, j’ai toujours eu une certaine vision de mon métier d’alors, toujours eu la volonté d’innover. Forcément, si la qualité musicale est toujours le plus important, il faut prendre également soin de l’attitude sur scène pour accrocher le public ». En riant, Freddy ajoute : « Vers la fin de ce concert à Berlin, après avoir tordu mon instrument dans tous les sens, y ajoutant distorsions et larsens, j’étais allé jusqu’à faire semblant de m’évanouir sur la scène. Peut-être aurai-je pu être acteur car le public s’est réellement inquiété de mon sort, des brancardiers m’ont emporté, des infirmiers ont voulu me réanimer…  Quelques minutes après, j’étais comme par enchantement réanimé pour repartir dans un solo endiablé sous un tonnerre d’applaudissements. C’est aussi ça la musique, une sorte de mur à faire tomber entre le public et la scène, pour ensemble être dans les mêmes émotions, les mêmes énergies ».

Le « mur de la honte », lui, tombera en novembre 1989, l’année d’après le groupe allemand Scorpions sort le tube mondial « Wind of change » [Traduction : Un vent de changement] qui était devenu en quelque sorte l’hymne de la chute du mur de Berlin pour toute une génération et avait occupé la première place dans les hits allemands.

 

Phillipe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Freddy Kebano

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