Ne Kunda Nlaba : « l’histoire de Kimpa Vita mérite d’être connue dans le monde entier »

Mercredi 7 Juin 2017 - 11:18

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Producteur, réalisateur, scénariste, monteur, acteur et politologue africain, Ne Kunda Nlaba a réalisé le documentaire « « Kimpa Vita : La Mère de la Révolution Africaine » qui sera diffusé à Kinshasa en juillet prochain.

 

Les Dépêches de Brazzaville : Qu’est-ce qui vous a poussé à réaliser votre dernier film « Kimpa Vita »? Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire de ce personnage ?

Ne Kunda Nlaba : le choix de réaliser ce documentaire vient tout d’abord du besoin et de l’urgence qu’a le peuple africain actuellement de se réapproprier et d’écrire sa vraie histoire. Nous avons connu beaucoup d’évènements dans notre passé. Beaucoup de grands personnages historiques africains et Kongo qui ont marqué l’histoire et qui se sont battus demeurent inconnus ou moins connus. Ils sont peut-être connus à travers de mauvaises versions ou des versions falsifiées et racontées par les Occidentaux ou par l’oppresseur. En outre, le personnage Kimpa Vita m’a beaucoup fasciné vu sa contribution dans la lutte contre l’esclavage qui a ravagé notre continent et détruit notre puissant royaume Kongo. À l’époque, le royaume Kongo et l’Afrique étaient envahis, détruits, pillés… Ses filles et ses fils réduits en esclave, massacrés et déportés. Et voir une jeune femme de 20 ans se lever et faire face à l’oppresseur parmi tant d’hommes qu’il y avait dans le royaume, c’est extraordinaire. Cette histoire mérite d’être connue dans le monde entier et Kimpa Vita mérite un hommage digne de son nom.

LDB : Quel est l'enjeu du film ? Quel message vouliez-vous faire passer ?

NKN : l’idée derrière ce film est de promouvoir la personne de Kimpa Vita et son combat, et, en même temps, faire la promotion du royaume Kongo et de l’histoire africaine en général. L’histoire de Kimpa Vita est tellement importante que ça peut influencer tous les Africains, femmes et hommes dans divers domaines de la vie. Elle est un modèle de courage, de résistance et d’aspiration à la liberté. Elle nous apprend à être fier de ce qu’on est, à être fier de notre couleur de peau, de nos origines, de notre culture et aussi de notre spiritualité africaine qui a existé bien avant l’arrivée des Occidentaux en Afrique subsaharienne au 15e siècle.

LDB : Comment avez-vous vécu le fait de vous plonger dans cette histoire ?

NKN : C’était une expérience très intéressante et difficile en même temps. J’ai effectué mes études en R.D.Congo jusqu’au niveau universitaire, mais je n’ai pas eu l’opportunité, à travers l’école, d’étudier l’histoire de Kimpa Vita et d’autres grandes figures comme Simon Kimbangu. Ce qui est dommage, car nous avons étudié suffisamment l’histoire de l’Europe, la révolution française, Jeanne D’Arc, Napoléon Bonaparte et autres mais nous avons juste survolé notre propre histoire.  Donc, j’ai découvert Kimpa Vita à peine en 2006 à travers le centre d’éveil spirituel africain « Vuvamu » à Kinshasa. Ce qui m‘a permis de maitriser le sujet. Mais, un tel sujet qui date de plusieurs siècles et qui est occulté, a rendu difficile la compréhension auprès de certaines personnes. Il était difficile de trouver des personnes qui pouvaient soutenir le projet. C’est grâce à la passion et la ténacité qu’on s’est battu jusqu’au bout. Mais cela m’a permis de faire des découvertes, notamment celle de l’Angola et des traces du royaume Kongo. 

LDB : En combien de temps avez-vous réalisé le film et quels sont les défis auxquels vous avez dû faire face ?

NKN : Nous avons à peu près pris 2 ans et demi pour concrétiser ce grand projet. Nous avons débuté le développement et la pré-production depuis 2013 et nous avons réalisé les premières interviews la même année pour nous aider à faire une bande d’annonce. Nous avons continué et achevé la production en 2015 puis fini avec la post-production en Juillet 2016. Les difficultés financières ne nous ont pas permis de faire le travail dans le délai prévu. Voilà pourquoi il y a eu aussi ce décalage. Nous avons tourné des interviews à Paris, à Milan, à Kinshasa, à Luanda et à Mbanza Kongo (la capitale du royaume Kongo) où nous avons aussi tourné quelques scènes de reconstitution avec les acteurs de la ville. Le documentaire est une symbiose de la narration, des interviews des portraits historiques, des images que nous avons créées spécialement pour le film et des vidéos de reconstitution de certaines scènes de l’histoire. Nous avons aussi composé 2 chansons originales qui seront aussi disponibles en ligne sur Itunes. Faire un travail pareil sur un personnage historique de plusieurs siècles passés, et vu que nous sommes confrontés à un problème de falsification historique, ce n’était pas si facile que ça. Je dois relever aussi un autre problème sérieux de quelques divergences dans les écrits des missionnaires catholiques, des historiens européens et des historiens/écrivains africains. Malgré ça, nous nous sommes plus penchés sur la version des mouvements d’éveil spirituel negro Africain, notamment celle du centre Vuvamu basé à Kinshasa en R.D.Congo qui fait un grand travail de restauration de notre histoire, et aussi la version de peuple Kongo ou des historiens/écrivains Kongo. Hormis cela, l’autre grande difficulté était le manque des archives visuelles (photos/vidéos) car elles n’existaient pas dans le temps, à part quelques portraits laissés par les missionnaires catholiques de l’époque.   

LDB : Comment le film a-t-il été accueilli dans les différents festivals où il a été projeté ? Le public découvrait l’histoire de Kimpa Vita ou bien il la connaissait déjà ?

NKN : Le film a été très bien accueilli par le public dans des festivals et aussi dans des grandes premières que nous avons organisées dans plusieurs villes du monde, car le public présent attendait ce film depuis plusieurs années. Il y a eu des pleurs et de la joie en même temps. Dans le public, il y a des gens qui connaissent l’histoire et le personnage mais pour beaucoup d’entre eux c’est une découverte. Mais en réalité, le film a permis au public de découvrir des choses jamais entendues nulle part. Même ceux qui connaissent l’histoire, affirment avoir appris beaucoup de choses et obtenu des précisions. Donc, le film a répondu aux questions des Africains. Ce qui fait que partout où nous sommes passés, nous avons reçu des standings ovations.  La première mondiale de diffusion du film a eu lieu à Luanda le 04 août 2016 au centre culturel Brésil-Angola. Nous avons ensuite diffusé successivement le film le 11 août 2016 à Mbanza Kongo en Angola en passant, à Paris le 29 octobre 2016 au Cinéma le Brady, à Londres le 11 novembre 2016 au cinéma Peckhamplex, à Bruxelles le 02 décembre au cinéma Aventure au festival Congolisation en janvier 2017, au festival international du film panafricain de Cannes en avril 2017, le Festival Afrykamera en Pologne en mai 2017 et tant d’autres.

LDB : Avez-vous pu retrouver les traces de la famille de Kimpa Vita ou du moins avez-vous effectué des recherches ?

NKN :  Malheureusement, le temps et les contraintes budgétaires ne nous ont pas permis de concrétiser tout ce qui était prévu dans notre planning, notamment de rencontrer la famille biologique. Sa descendance, a-t-on appris, réside dans un village d’Angola . Nous qui n’habitons pas l’Angola, et sommes partis pour une première fois et directement pour le tournage, on ne connaissait pas l’environnement. Il était très difficile de rechercher sa descendance suite aux réalités du terrain. Mais ce n’est que partie remise, on pourra le faire prochainement.

LDB : Vous prévoyez de diffuser le film à Kinshasa fin juillet. Qu’est-ce qui est prévu exactement ? Où le film sera-t-il diffusé ?

NKN :  Le mois de juillet, c’est le mois Kimpa Vita, car elle a été brulée vive le 02 juillet 1706. Et chaque année, de grandes manifestations sont organisées à son honneur à travers le monde par quelques mouvements panafricains. C’est ainsi que nous sommes décidés de faire cette grande première à Kinshasa en fin juillet 2017 au Ciné Kin et au théâtre de Verdure dans le cadre des 310 ans de Kimpa Vita. Une conférence de presse sera organisée quelques jours avant puis la grande projection du film suivie d’une séance de questions/réponses. Par la suite, nous allons procéder à plusieurs diffusions dans plusieurs villes et sur des chaînes de télévision. Mais avant ça, le film sera également diffusé au Congo International Film Festival dans la ville de Goma le 18 juillet 2017.

LDB : Quels sont vos projets cinématographiques ?

NKN : Pour l’instant je suis en train de travailler sur le long-métrage de fiction « Afro Beat » un film de compétition dance Afrobeat qui sera entièrement tourné à Londres bientôt. Le film met en valeur la musique Afrobeat mais traite en même temps des problèmes d’emploi, de racisme et de discrimination que subissent les noirs. En dehors de ça, je suis en train de travailler sur un documentaire sur le royaume Kongo. Et en juillet 2017, nous lancerons les préparatifs de Kimpa Vita version fiction qui sera tournée l’année prochaine, car le projet Kimpa Vita se décline en trois versions : documentaire, fiction et animation.     

Biographie de Ne Kunda Nlaba

Né à Kinshasa en R.D.Congo, Ne Kunda Nlaba est un producteur, réalisateur, scénariste, monteur, acteur et politologue africain.

Gradué en sciences politiques et administratives, détenteur d’un diplôme en L3 City and Guild Media Industries Production au Lambeth College à Londres et un diplôme en Film Production and Film Studies à University of West London; Ne Kunda Nlaba est propriétaire et Chief Executive Officer (C.E.O) de la société de production cinématographique Labson Bizizi-Cine Kongo Ltd et la société de distribution des films Afrika Bizizi Distribution Ltd basées à Londres et Kinshasa, et est concepteur de Bizizi Box.

Artiste engagé, en passant par le théâtre, le rap, la danse contemporaine, la photographie et les médias ; il réunit toute cette expérience et long parcours pour exprimer sa vision du monde et aussi pour se connecter non seulement avec le public africain mais aussi avec le plus grand public du monde à travers ses oeuvres cinématographiques. Il compte faire du film un remède qui pourra faire vivre l’homme pendant longtemps.

Il fait sa première apparition cinématographique en tant qu’acteur principal dans le court-métrage « Un Virus A l’Ecole » de Alain Ndontoni en 1999. Il a joué dans plusieurs pièces de théâtre et conte tels que « Shella » 1998, « Pasteur Contre Evangéliste » 1999 avec la compagnie Heaven Boyz, « Cri de Détresse et d’Espoir » 2005, « Nsengane » (Conte) 2007 avec Virunga Théâtre et a aussi participé à la création des spectacles de danse contemporaine tels que « Na Nini ? » et « Bataille Sans Fin » avec la compagnie Diba Dance. Il fonde sa compagnie de théâtre, Virunga Théâtre et la maison de culture Labson Cultur’arts à Kinshasa en 2004, crée le Festival Solo ou Mosi, un festival des arts de la scène en solo ou one man show qui a connu sa première édition en 2005 et sa deuxième édition en 2007 à Kinshasa. Il travaille en 2006 avec Canal 5 télévision puis avec le Centre Culturel Mbongi’Eto du griot Ne Nkamu et le projet Kiamvu-le Pont en tant que Chargé de Communication et reporter.

Il reçoit la révélation de Bizizi, l'art Négro-Africain de l'image animée (comparable au cinéma) puis commence sa carrière cinématographique en 2007 et produit son premier court métrage d’horreur « The Next » en 2009 à Londres.

 

Filmographie

 

1. « The Next » (2009), court métrage.

Rôle : producteur, réalisateur, scénariste, acteur & monteur.

2. « The Steel Pan » (2010) documentaire.

Rôle : producteur, réalisateur, scénariste & monteur.

3. « Living Without Living » (2011) documentaire de 16 min.

Rôle : producteur, réalisateur, scénariste & monteur.

4. « Chérie Bondowe » (2012), son premier long-métrage de fiction.

Rôle : producteur, réalisateur, scénariste, acteur & monteur.

5. « Abeti Masikini : Le Combat d’une Femme » (2015) film documentaire.

Rôle : co-producteur et co-Réalisateur.

6. « Kimpa Vita : La Mère de la Révolution Africaine » (2016) film documentaire.

Rôle : réalisateur, producteur, scénariste & monteur.

7. « Afro Beat » (actuel projet) Long métrage de fiction.

Rôle : producteur et réalisateur.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photo1 Ne Kunda Nlaba Photo2 L'affiche du film Photo3 L'actrice angolaise Sanny Sessa, originaire de Mbanza-Kongo, dans le rôle de Kimpa Vita Photo4 une vue du film

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