Opposition : Dissensions au sein de la plate-forme "Lamuka"

Mercredi 25 Décembre 2019 - 14:30

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

« Il faut faire la guerre au Rwanda pour rétablir la paix dans la région », a déclaré l’ex-Premier ministre, Adolphe Muzito, au cours d’une récente conférence de presse, accusant au passage Kigali d’être derrière les violences armées récurrentes dans la partie est de la RDC. Une approche que ne partagent pas ses pairs, Moïse Katumbi et Jean Pierre Bemba, qui l’exhortent à revenir sur ses dires.

Les propos virulents et peu diplomatiques tenus, le lundi 23 décembre, à Kinshasa par l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito ont grandement secoué l’édifice Lamuka qui affiche déjà quelques fissures, signe que la cohésion au sein de cette plate-forme de l'opposition est désormais mise à rude épreuve. Au cours de cette sortie médiatique, l’actuel coordonnateur de Lamuka a poussé l’outrecuidance jusqu’à soutenir l’idée d’une guerre que la RDC engagerait contre le Rwanda à qui il impute la responsabilité des violences récurrentes que connaît la partie est du pays.

C’est, d’après ce cadre du Parti lumumbiste unifié (Palu), la seule alternative pour espérer voir cette partie du pays recouvrer la paix. Dans le même ordre d’idées, Adolphe Muzito a exhorté la Communauté économique des pays des grands lacs (CEPGL) à jouer pleinement son rôle en tant qu’institution sous-régionale, afin de résoudre éventuellement les conflits entre ses membres. « Il faut faire la guerre au Rwanda pour rétablir la paix dans la région. Ce pays influe sur la politique congolaise. L’Ouganda aussi. Nous ne pouvons faire la paix qu’en menaçant le Rwanda, en occupant son territoire si possible. Ce n’est pas un objectif en soi, c’est une posture si rien ne change », a indiqué Adolphe Muzito plus que jamais convaincu par la pertinence de ses propres convictions.

C’est à un véritable lynchage médiatique qu’a finalement eu droit l’ex-Premier ministre Adolphe Muzito, sur fond de critiques acerbes. Ses partenaires de Lamuka, en l’occurrence, Moïse Katumbi et Jean Pierre Bemba, sont montés au créneau pour lui signifier leur désapprobation. Dans un communiqué conjoint publié quelques heures après la sortie médiatique de celui que ses partisans surnomment « Fumunsi », ces deux responsables de Lamuka se sont vite désolidarisés de lui. Pour eux, le camarade Muzito, à travers sa vision belliciste, marche à contre-courant des idéaux de leur plate-forme.  « Tout en se désolidarisant énergiquement de ces propos, nous tenons à rappeler qu’au regard du droit international et des accords bilatéraux avec ce pays voisin, une telle démarche ne peut en aucun cas recevoir l’approbation des forces vives locales », peut-on lire dans ce communiqué conjoint.

Pour les deux responsables de Lamuka qui refusent de suivre leur pair dans ce qu’ils considèrent comme un égarement, le combat dans lequel leur regroupement politique s’est engagé consacre le respect des lois nationales et des prescrits internationaux. Des lois que quiconque, fût-il coordonnateur de Lamuka, ne peut enfreindre, font-ils observer. « Lamuka lutte pour l'érection d’un État de droit fort͕ pacifié͕, inclusif et prospère͖. Toute autre considération de nature à s’écarter de cet idéal ne saurait recueillir notre soutien », soutiennent Jean Pierre Bemba et Moïse Katumbi dans leur communiqué. Et d’inviter leur collègue du Palu à revenir sur ses propos  de manière à ne pas compromettre l͛'idéal qu’ils défendent en synergie avec les cadres et militants de Lamuka pour le bien de la population congolaise.

Pour rappel, la RDC a été ravagée par deux guerres régionales (1996-1997 et 1998-2003). Le pays a longtemps entretenu des relations en dents de scie avec ses voisins du Rwanda et de l’Ouganda qu’elle accuse de vouloir le déstabiliser. A l’opposé,  les deux Etats voisins précités considèrent la RDC comme une base arrière des milices hostiles à leurs régimes. Depuis un quart de siècle, la partie orientale du pays (Kivu et Ituri principalement) est en proie à l’insécurité en raison de la présence des dizaines des groupes armés locaux et étrangers.

Entre-temps, les rapports entre la RDC et ses deux voisins, l’Ouganda et le Rwanda, se sont nettement améliorés sous le leadership de Félix Tshisekedi. Dans ce contexte, déclarer la guerre au Rwanda tel que soutenu par Adolphe Muzito risque d’amener le pays dans une voie sans issue avec des conséquences incalculables sur les Grands lacs africains, préviennent maints analystes.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Les leaders de Lamuka lors d'une conférence de presse à Kinshasa

Notification: 

Non