Pôles de croissance : les Zones économiques spéciales menacées

Jeudi 24 Avril 2014 - 17:45

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Les architectes congolais s'insurgent contre des projets cautionnés par la Banque mondiale, qui risquent d’annihiler quatre années d’études et toutes les avancées réalisées dans le cadre de cette conception du gouvernement liée à la « Révolution de la modernité ».

La Société des architectes du Congo (SAC) a vivement exprimé ses inquiétudes face aux menaces qui pèsent sur les Zones économiques spéciales (ZES) de Maluku et du Katanga.

Dans une lettre adressée au directeur des opérations de la Banque mondiale (BM) sur le Projet de développement des pôles de croissance à l’ouest (PDPC) dont copies ont été réservées au chef de l’État ainsi qu’aux institutions nationales et internationales, les architectes congolais se sont dits surpris par l’intervention du responsable dudit projet, Pape Demba Thiam, qui propose la création des technopoles à Maluku et au Katanga, en lieu et place des ZES. « Tout en saluant l’initiative du projet, nous sommes désolés de constater que le démarrage même du projet viole certains principes fondamentaux de la bonne gouvernance en matière de passation des marchés publics », ont-ils fait remarquer dans cette correspondance envoyée à trente-cinq destinataires, en plus de tous les architectes de la RDC.

Citant un article publié dans Forbes Afrique du mois d’avril, la SAC dénonce une violation flagrante de la loi relative aux marchés publics et ses textes d’application, qui consacrent la libre concurrence comme principe élémentaire de passation des marchés publics. Cette structure voudrait, en effet, être fixée sur la modalité d’engagement des cabinets Atepa et Atelier 3, nonobstant le préfinancement consenti, qui ont présenté les projets d’architecture « KinTech 2020 » et « Kin Mic City », pour lesquels le gouvernement de la RDC, à travers la BM aurait mobilisé les fonds de développement. L’estimation établie à un milliard de dollars de réalisation est tirée de quelle étude de faisabilité préalable ? La mise en place des technopoles s’accroche à quelle réalité socioéconomique de la RDC, en général et de la ville-province de Kinshasa et de la ville de Lubumbashi, au Katanga, en particulier ? S’accorde-t-elle à un schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme mis à jour ?, sont autant de questions que la SAC se pose et qui expriment ses préoccupations.

Revirement de la Banque mondiale

Pour les architectes congolais, en soutenant de tels projets et cette façon de faire, la BM se fourvoie, en voulant une chose et son contraire, à la fois. Ils ont clairement vu en l’attitude de cette institution de Brettons Wood, un détournement de sa vision en la matière, qui est d’encourager l’émergence d’un secteur privé en Afrique à travers des procédures claires et transparentes. Devant cette réalité, l’opinion fait également constater que le projet des ZES que les intentions de Pape Demba Thiam veulent annihiler et qui est aussi soutenu par la BM a déjà dépassé le niveau des études pour celui de la réalisation ou de la mise en œuvre. Dans ces avancées, il a, par exemple, été noté que la ZES de Maluku aurait même déjà un titre de propriété. « Les experts soutiennent que les technopoles sont un pari trop risqué pour l’avenir. En cherchant à mettre en place le projet des technopoles, le gouvernement et la Banque mondiale tiennent-ils compte des efforts, des énergies et des moyens tant financiers que matériels consentis notamment pendant les quatre années qu’ont duré les études de faisabilité du projet des ZES ? », se demande-t-on.

La promotion de la jeunesse congolaise

Dans leur plaidoyer, les architectes congolais ont noté que leur profession, à l’instar de toutes les autres, est également soumise à des règles. C’est dans cette optique qu’interviendraient les accords de l’Union internationale des architectes (UIA), qui régissent notamment l’exercice de la profession d’architecte dans un pays hôte. Il y a également la réglementation type de l’Unesco concernant les concours internationaux d’architecture et d’urbanisme adopté en 1956 et révisé en 1978.

Par contre, relevant les potentialités que l’on trouve en RDC en matière d’architecture, notamment ses institutions de formation, la SAC a rappelé que la RDC est un pays dont la population est très jeune, regorgeant des talents et une diversité culturelle et que la création de la richesse passerait par l’émergence d’une classe moyenne à travers des opportunités. « Tous ces Congolais formés ici et ailleurs sont également disposés à apporter leur expertise pour l’aménagement de notre territoire », a noté cette association pour qui l’émergence d’une classe moyenne en RDC passera obligatoirement par l’accès, pour les bureaux d’études congolais, aux grands projets nationaux.

Pour ces architectes, loin d’être rassurés, les explications qui soutiennent ce projet des technopoles réconfortent leur idée selon laquelle la BM fait fi de ses propres recommandations quand certains intérêts ou les intérêts de certains sont en jeu. « Doit-on comprendre que la BM et le gouvernement congolais, de concert, ont fait le constat de carence d’architectes et de planificateurs compétents dans le pays, ou du moins, dans la sous-région, s’accordant en conséquence sur un gré à gré des bureaux compétents et mécènes de surcroit ? », se sont-ils demandé.

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

Un bâtiment en construction à Kinshasa, réalisé par des architectes congolais/Photo LDB