Province du Haut-Katanga : l’entreprise La Valley accusée de violer les droits des communautés locales

Mercredi 24 Octobre 2018 - 15:00

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La société, spécialisée dans le traitement et la commercialisation d'eau minérale, mènerait ses activités sans tenir compte des droits des villageois dans la contrée où elle s'est installée. 

L’Institut de recherche en droits humains (IRDH) a fait savoir, dans son bulletin électronique du week-end dernier, que l’entreprise La Valley, installée dans le Haut Katanga, a été mise devant ses responsabilités face aux droits des communautés locales. Les chercheurs en droits économiques, sociaux et culturels de cette association ont été saisis par des représentants de quatre villages de cette province qui réclamaient à La Valley le respect de leurs droits fondamentaux. Ces villageois exigent notamment d’accéder à la source d’eau potable de Kikanda, au cimetière, aux champs et à la petite forêt qui pourvoie aux plantes médicinales. « Les notables sollicitent la protection contre la privation de leurs seuls moyens d’existence, tirés de leurs ressources naturelles, situés approximativement à 20 km de Lubumbashi, sur la route Kasenga, aux villages de Shamako, Lupembe, Mulutula et Kayeye, localité de Kikanda, secteur Bukanda, groupement Shindaika, territoire de Kipushi, dans la province du Haut-Katanga », ont souligné les chercheurs de l’IRDH.

La Valley, explique l’IRDH, est une entreprise constituée de capitaux indiens qui a pour objet social le traitement et la commercialisation d’eau minérale. Son projet incriminé consisterait à capter l’eau douce des roches de la localité de Kikanda, la traiter et la mettre en bouteille, dans un but lucratif. « Par la construction de la clôture qui empêche d’accéder au cimetière, l’entreprise La Valley viole nos droits fondamentaux. Cet acte perturbe nos croyances et le respect dû à nos morts. Par ailleurs, nous ne savons plus organiser sereinement des cérémonies d’enterrement des nouveaux morts », a expliqué le chef Shamako, cité par l’IRDH, qui a indiqué, par ailleurs, que le cimetière de Kikanda était l’un de ceux répertoriés et réservés aux indigents par la mairie de Lubumbashi. Le sépulcre le moins cher, dans le cimetière voisin de Kasangiri, a poursuivi cette association, coûte mille cinq cents dollars américains.

Un argumentaire soutenant la position des villageois

Dans son plaidoyer, l’IRDH décline plusieurs arguments des villageois soutenant leur position sur la violation de leurs droits fondamentaux par cette entreprise. En plus du fait que la majorité n'a comme unique et seule source d’approvisionnement en eau que celle de Kikanda dont l’accès leur est empêché par La Valley qui aurait également empêché aux villageois d’accéder à leurs champs ainsi qu’aux plantes médicinales que l’on trouve dans la contrée. « Comment pouvons-nous vivre, si nous ne savons pas cultiver ? La terre est notre unique moyen de production des vivres. Une partie de nos récoltes est consommée et l’autre est vendue, afin de pourvoir à d’autres besoins », se plaint le chef Lupembe dont les apitoiements ont été rapportés par l’IRDH qui souligne que le cas de ces villages en détresse révèle que l’entreprise rend la vie intenable et contraint la population à fuir les lieux, sans aucune forme de compensation.

Insensibilité aux cris d’alarme

L’IRDH indique, par ailleurs que les 17 septembre et 17 octobre, il avait adressé deux lettres à cette entreprise pour lui rappeler les faits décriés, tels que rapportés par différentes correspondances des notables des quatre villages en détresse. A l'en croire, « lesdites missives sont restées sans suite, confirmant ainsi les plaintes contre l’indifférence totale de l’entreprise, face à l’appel à son sens de responsabilité sociétale et au respect des droits de l’homme ».

Cette association souligne, cependant, que les notables de ces villages ont, le 23 mai dernier, dénoncé un avis favorable d’acquérir les terres des villageois que l’entreprise aurait obtenu du chef de secteur Bukanda. Ce qui amène ses chercheurs à rappeler qu’en matière d’acquisition des concessions des milieux ruraux, le consentement des communautés locales organisées autour de leurs notables et le pouvoir coutumier constitue le point de départ. « Le chef de secteur Bukanda n’était qu’un administratif de la territoriale qui ne pouvait aliéner les droits collectifs garantis aux villageois », ont fait observer ces scientifiques et défenseurs des droits de l’homme qui, confrontant les faits allégués au droit, notent que l’article 56 de la Constitution de la République prohibe tout acte, tout accord, tout arrangement ou tout autre fait qui a pour conséquence de priver les personnes physiques de tout ou partie de leurs propres moyens d’existence tirés de leurs ressources ou de leurs richesses naturelles. « L’Etat garantit le droit à la propriété […] collective acquis conformément à […] la coutume », nappelle l'IRDH, s'apputant sur l’article 34 de la Constitution  qui protège la propriété villageoise.

Soulignant que le contexte du Haut-Katanga était un environnement hautement minier et se référant aux villages des alentours des entreprises minières, l’IRDH renseigne que les notables en détresse rappellent que le législateur minier protège les terres rurales, en disant qu’aucune entreprise ne peut occuper un terrain situé à moins de nonante mètres des limites d’un village. Par ailleurs, argumente l'association, la RDC étant partie à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, cette dernière dispose à son article 21 que « les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles. Ce droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé. En cas de spoliation, le peuple spolié a droit à la légitime récupération de ses biens ainsi qu'à une indemnisation adéquate […] ».

Fort de toutes ces réalités, les chercheurs de l’IRDH recommandent à l’entreprise incriminée de reconsidérer son interdiction d’accéder au cimetière, à la source d’eau potable, aux plantes médicinales, aux champs des villageois et autres moyens qui leur assurent la vie. Ces défenseurs des droits de l’homme exhortent le procureur de la République près le Tribunal de grande instance du territoire de Kipushi, d’ouvrir une enquête, afin de déterminer les responsabilités pénales de cet ancien chef de secteur incriminé, dans l’intérêt de la population des villages précités. Le gouverneur de la province du Haut-Katanga est, quant à lui,  appelé à suivre parallèlement le côté administratif du dossier.

Lucien Dianzenza

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