Rapprochement Paris-Luanda-Kigali-Bruxelles : la RDC alerte les institutions internationales

Lundi 4 Juin 2018 - 19:40

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Alors que les présidents rwandais, Paul Kagame, et angolais, João Lourenço, sont en passe d’être reçus cette semaine par les autorités belges, Kinshasa se déploie diplomatiquement en saisissant notamment l’ONU et l’Union africaine avec, à la clé, un plaidoyer censé recadrer la perception européenne vis-à-vis des enjeux politiques en cours dans le pays.  

En République démocratique du Congo (RDC), on refuse d’être gagné par la naïveté. Le chassé-croisé diplomatique qui s’observe ces derniers temps avec l’axe Paris-Bruxelles comme plaque tournante, est perçu d’un très mauvais œil par le Congo officiel. Les propos débités par le président français, en marge de l’audience qu’il a accordée récemment à l’Elysée au Rwandais Paul Kagame, n’arrêtent de hanter les esprits en RDC. « La France viendra en soutien des initiatives des pays de la région et de l’Union africaine qui est de faire appliquer les accords (de la Saint-Sylvestre 2016) », dixit Emmanuel Macron qui, dans la foulée, reçut l'Angolais João Lourenço, irritant davantage les autorités de Kinshasa. Faisant fi de la réaction musclée de ces dernières qui lui prêtèrent  l’intention de chercher à perpétrer un chaos en RDC en s’appuyant sur ses voisins, Emmanuel Macron est demeuré statique et inflexible, n’écoutant que la voix de sa propre raison.  

Dans la ville haute, les « initiatives » dont a parlé Emmanuel Macron sont prises très au sérieux. Pour certaines langues, elles dissimuleraient des velléités déstabilisatrices nourries contre la RDC dont les dirigeants ne seraient plus en odeur de sainteté avec certaines grandes puissances telles la France. Prenant la mesure du danger, Kinshasa a opté pour la contre-offensive. Plutôt que d’assister impuissante au « complot » qui se trame à l'extérieur en dehors d’elle, la RDC a finalement opté pour une diplomatie agissante soutenue par un plaidoyer censé livrer la bonne version de sa situation politique actuelle. Il est question, selon le Congo officiel, de détruire le nouvel alibi trouvé par les nostalgiques du passé colonial, à savoir la poursuite laborieuse du processus électoral, laquelle leur offre une nouvelle fenêtre d’opportunité pour s'ingérer dans les affaires intérieures congolaises et se substituer au peuple congolais pour décider de son devenir.   

Le remake à Bruxelles

Alors que les présidents Paul Kagame et Joao Lourenço, auréolés de leurs titres respectifs de président en exercice de l’Union africaine et de président de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), sont attendus cette semaine à Bruxelles, Kinshasa estime que l'heure est venue de foncer diplomatiquement pour sauver ce qui peut l'être. De nouvelles discussions sur la crise en RDC se feront sans doute invitées lors des échanges entre les deux chefs d’Etat africains et les autorités belges.    

Les autorités congolaises redoutent, à juste titre, que Bruxelles avec laquelle elles sont en froid ne puisse jouer une mauvaise partition en accompagnant, sans trop réfléchir, le projet  macabre qui se met en selle contre Kinshasa. Pour donner du répondant à ces « initiatives » dont on est loin de connaître les tenants et les aboutissants, le vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères, Léonard Shé Okitundu, séjourne depuis quelques jours à l’étranger. Bien avant d’entamer son périple européen, il a eu, la semaine dernière à Kinshasa, des entretiens avec le ministre d’Etat belge, François-Xavier de Donnea. « Il y a une volonté de maintenir et de renforcer le dialogue pour aboutir à des solutions à nos problèmes afin que les relations entre les deux Etats soient consolidées. La volonté de la Belgique est de trouver un régime de croisière normale dans ses relations avec le Congo », avait déclaré l'homme d’Etat belge cité par l’Agence congolaise de presse. Est-ce à dire que la capitale kinoise tente de compenser la perte visible de Paris, en se rabattant sur Bruxelles ? La question vaut son pesant d’or.

A l'étranger, le ministre congolais a été tour à tour reçu, d’abord le 1er juin, par le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, et, deux jours après, par le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat. Tant à New York qu’à Addis-Abeba, le message du missi dominici de Kinshasa qui redoute un isolement diplomatique était le même : faire comprendre à ces instances internationales que la situation politique en RDC n’est pas aussi calamiteuse qu’on la présente. Bien au contraire, les raisons d’espérer sont palpables avec un processus électoral qui rassure. Léonard Shé Okitundu a eu la mission de faire comprendre à ses interlocuteurs que le processus politique est sur une bonne dynamique et que le chronogramme électoral est en train d’être respecté, conformément au calendrier publié par la Céni. Tout en déplorant le « climat de suspicion permanent » et la tendance à une « dramatisation négative outrancière » sur la question de la RDC par certains pays et institutions alors que sur l’échelle démocratique sous-régionale et régionale, il a fait observer que la RDC avance malgré tout.   

Appropriation africaine de la solution en RDC

En réaction, le secrétaire général des Nations unies a affirmé qu’« il n’y a aucun agenda politique en RDC de la part de son organisation qui n’a aucun parti pris et qui respecte la souveraineté et la primauté du peuple congolais dans ses choix politiques qui seront exprimés lors des votes ». Les Nations unies, a-t-il dit, souhaitent que l’objectif d’organisation des élections apaisées, crédibles et transparentes soit atteint dans les meilleures conditions et dans le respect de la Constitution et des lois de la RDC.

Quant à Mahamat Faki, il a salué les avancées dans les préparatifs des élections et renouvelé la disponibilité de son institution à accompagner le processus politique en RDC par des élections crédibles, apaisées et transparentes. Il a, par ailleurs, plaidé pour une appropriation africaine de la solution en RDC qui passe par la responsabilisation du leadership africain dans les questions continentales « afin d’éviter que certains partenaires étrangers ne viennent de manière cavalière s’immiscer dans les affaires africaines sans mandat ».

Côté angolais et rwandais, l’on continue à rassurer : « Il n'y a pas de concertation en cours entre l'Angola et le Rwanda sur le Congo, ni de complot ». Seule l'importance de respecter les engagements pris par les Congolais eux-mêmes comme celui d'organiser les élections d'ici à la fin de l'année est mise en relief. Rien de plus.   

 

Alain Diasso

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