Salon du livre africain à Paris : le décloisonnement des esprits multiculturels

Jeudi 21 Mars 2024 - 13:30

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A l’ère où la vie digitale fait diversion, Paris s’est transformée en royaume de la plume, accueillant la troisième édition du Salon du livre africain du 15 au 17 mars. Face à la célèbre fontaine aux lions de la mairie du sixième arrondissement, la littérature afro descendante a rugi sa puissance. 

Le rendez-vous pré printanier tant attendu avec cette année la Côte d’Ivoire en invitée d’honneur aura attiré les passionnés et les curieux, mais surtout toutes les générations et les univers, en faisant résonner les lustres de la mairie par la densité des pas traversant les parquets. Tout style confondu, du roman à l'essai, du conte à la bande dessinée (BD), les auteurs de renommée ou novices ont dialogué avec un public féru de connaissance.

Les journées placées sur le thème « Décoloniser les imaginaires, repenser les futurs » se sont déclinées entre expositions, ateliers, conférences, tables rondes et arts scéniques.

Des auteurs tels que Samuel René Pefoura du royaume Bamoun ont pris la parole, rendant hommage à l’histoire du royaume Foumban, rassemblant coutumes spirituelles et sociales au travers d’un recueil conçu avec Serge Ngouncaco : “Vision et grandeur du peuple Bamoun” un voyage entre peinture, poésie et spiritualité. Le thème principal en étant le nguon, inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco comme méthode de gouvernance africaine à préserver. Un livre véritable outil de reconnexion entre les ancêtres et leurs enfants du monde.

L'empreinte congolaise a été particulièrement honorée et reconnue à tous niveaux. Le 16 mars a eu lieu une double gratification : le Grand prix Afrique 2023 adressé à Dibakana Mankessi pour Le psychanalyste de Brazzaville, édité par Les Lettres Mouchetées à Pointe-Noire, tandis que Dieudonné Niangouna recevait le Prix Afrique d’avant-garde pour La mise en papa publié aux Editions L'œil d'or à Paris.

Ensuite, par la présence de la ministre en charge de la Culture du Congo, Lydie Pongault, venue saluer les lauréats et assister à la table ronde sur le métissage en hommage à Henri Lopes. Animée par Jean-Noël Schifano, auteur et directeur de la collection Continents Noirs (Gallimard), qui a salué l’écrivain prolixe avec émotion : « Il est de toute l’Afrique ! » et lu quelques écrits de celui qui nous a quittés le 2 novembre 2023. Ce temps de partage a laissé place à des évocations touchantes de sa femme Christine, de Boniface Mongo Mboussa ou encore d’Eugène Ebodé qui en a salué « l’esprit pétillant... l’homme libre tourné vers la lumière ».

Tout au long du week-end, on aura retrouvé une sélection d’artistes pertinents, motivés et conscients des enjeux afro littéraires modernes. Parmi eux, Jephté Mbangala (Editions Pangolin), Marien Fauney Ngombe (Editions Les lettres Mouchetées), ou Jocelyn Danga (Editions Nzoi).

Les œuvres dédiées à la jeunesse ont aussi séduit l'intérêt du public, notamment les Éditions Ayo fondées par Katenda Bukumbabu et Mujawamariya, tout droit venues de Bruxelles, proposant des histoires à l’image de la réalité des enfants afro européens, tout en ayant un pied au cœur des mythes et traditions africains.

Non loin de la section jeunesse, l’aventure aura guidé les visiteurs dans le monde de la BD avec Alphonse Madiba dit Daudet (“Les Tribulations”, Editions L’Harmattan) qui a sensibilisé la diaspora par son trait, proche de l'animation. Daudet qui confie se sentir libre de sa pleine expression : "La BD est à la fois littérature et cinéma, un bon vecteur pour exposer notre société”. On notera que les questions liées à l'histoire touchent de plus en plus de jeunes auteurs très connectés au continent et à la terre Kongo.

Toute l’attention s’est enfin portée vers Bruce Mateso (“Le Royaume Kongo sous Vita Nkanga”, Editions Paari) qui rassemble archives et témoignages des voix oubliées par les récits universels. Il franchit les portes des bibliothèques universitaires et municipales en Europe, vulgarisant l’histoire africaine tout en menant des ateliers de Pointe-Noire à Brazzaville auprès de collégiens et lycéens, qui réagissent avec enthousiasme : “Ils sont heureux d’entendre que nous sommes aussi actifs et stratèges de nos histoires et pas toujours passifs”.

Le Salon du livre africain a clôturé ses portes en ayant tenu ses promesses. Les participants ont bénéficié d’opportunités professionnelles, d’un libre accès à la culture et surtout du plaisir de repartir avec l'embarras du choix des œuvres et un peu d’Afrique dans le cœur.

Le Grand prix Afrique bientôt centenaire

L’Association des écrivains de langue française (Adelf) qui fête bientôt son centenaire décerne annuellement le Grand prix Afrique (des écrivains de langue française), ancien Grand prix littéraire d’Afrique noire. L'Adelf, reconnue d'utilité publique depuis le 19 juillet 1952, a pour but de promouvoir l’œuvre des écrivains qui, à travers le monde, s’expriment en français. A travers son prix, l’association a récompensé depuis 1961 des écrivains confirmés comme Henri Lopes, Amadou Hampâté Bâ ou encore Ahmadou Kourouma.

 

Kaïgé-Jean Bale Simoës de Fonseca

Légendes et crédits photo : 

La ministre en charge de la Culture, Lydie Pongault, et le lauréat du Grand prix Afrique, Dibakana Mankessi / DR

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