Santé : « Les indicateurs de santé du Congo sont en dessous du niveau économique », estime le Pr Richard Bileckot

Mercredi 3 Août 2016 - 20:10

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Coordonnateur national de la composante « formation initiale » du Projet d’appui au développement des ressources humaines de la santé (PADRHS), le Prof Richard Bileckot est inspecteur général de la santé au Congo. Dans une interview exclusive, il revient sur la formation des formateurs animée par des experts canadiens en faveur de vingt paramédicaux.

Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Vous êtes coordonnateur national de la composante « formation initiale » du PADRHS, financée par l’AFD, quel est le bienfondé d’une telle formation ?

Pr Richard Bileckot (Pr R B) :  La santé se mesure avec des indicateurs. La situation sanitaire des populations demeure un grand défi pour le Congo. En effet, les indicateurs montrent que la situation de la santé est restée mitigée au cours des dernières années. Ceci a conduit le gouvernement congolais à élaborer en 2006, un premier plan national de développement de la santé pour une période de 5 ans afin de remédier à cette situation. A cet effet, en 2010, l’Agence française de développement a octroyé une subvention au Congo pour financer le Projet d’appui au développement des ressources humaines de la santé (PADRHS) qui vise à améliorer la gestion des ressources humaines de la santé et la formation initiale des personnels paramédicaux, afin d’améliorer la qualité des prestations des services de santé au Congo par la formation initiale des personnels paramédicaux.

En effet, les indicateurs de santé du Congo sont en dessous de notre niveau économique. Normalement, si vous avez beaucoup d’argent, vous vous soignez mieux, or au Congo, nous avons eu beaucoup d’argent et nos indicateurs étaient même moins bons que ceux des pays qui étaient beaucoup plus pauvres que nous. Alors que nous sommes un pays à revenu intermédiaire, les femmes meurent plus que dans certains pays pauvres, ce qui n’est pas normal. Quand on a fait analyser la situation (analyse du Plan national du développement sanitaire (PNDSS 2006-2011), nous nous sommes rendu compte que si le Congo n’est pas performant du point de vue de la santé, c’est parce que son personnel pose problème. Il n’est pas forcement de qualité et il n’est pas suffisant non plus.

Donc, si les femmes meurent plus en accouchant au Congo qu’ailleurs, c’est parce que nos sages-femmes ne les accueillent pas bien, elles les arnaquent un peu, surtout que dans le travail d’accouchement, il y a une procédure, une manière d’être, une manière de faire « le partogramme » que nos sages-femmes n’ont pas appris à l’école et qu’elles n’utilisent pas même après avoir reçu une formation continue.

LDB : quelle est la situation sanitaire actuelle au Congo ?

Pr R B : Ces maux font que nous enregistrions beaucoup de décès maternels. Par exemple, nous étions descendus de 2005 à 2011, de 781 décès pour 1000 naissances vivantes à 426. Mais de 2012 à 2015, nous sommes remontés à 433 décès pour 1000 naissances vivantes. Quand nous avons analysé cela, nous nous sommes dit qu’il fallait changer la formation du personnel de santé. Il y a trois personnes de santé qui sont essentielles en dehors du médecin et du pharmacien. Il y a l’infirmier, la sage-femme et le technicien de laboratoire. Pour avoir un bon diagnostic, un bon traitement, il faut ces trois personnes. Donc, le gouvernement a demandé à l’Agence française de développement (AFD) un financement pour la mise en œuvre du Projet d’appui au développement des ressources humaines en santé. Ce projet a trois composantes : la gestion des carrières, la gestion des ressources humaines au niveau du ministère. Nous sommes en train de construire des hôpitaux généraux, il faut déjà planifier le nombre de médecins. Normalement le nombre attendu pour ces hôpitaux est de 3965, c’est pourquoi l’Etat va encore envoyer une autre vague. S’agissant des infirmiers, en 2021 il en faudra au moins 15 000, les sages-femmes c’est à peu près 900.

La deuxième composante de ce projet, c’est la formation continue « Paramed » qui a pris fin avec le recyclage de 1550 agents (infirmiers, sages-femmes, techniciens de laboratoire), mais cela ne suffit pas. Il faut maintenant former les infirmiers et les sages-femmes autrement.

La troisième composante concerne la formation initiale. Elle se fait au niveau de l’enseignement technique et professionnel où sont formés les sages-femmes, les infirmiers et les techniciens de laboratoire, or le Congo a souscrit au LMD. Le chef de l’Etat a pris une décision en 2008 pour qu’on forme les gens au Congo au système LMD et récemment les instances de formations en Afrique ont décidé de former les gens selon l’approche par compétence. Ce qui se fait déjà dans les écoles, les collèges. Quand nous avons analysé tout cela, nous nous sommes dit que désormais il faut former les sages-femmes, les infirmiers et les laborantins selon le LMD. Si nous le faisons, ils ne peuvent plus être formés dans des écoles paramédicales mais à l’université, notamment à la Faculté des sciences de la santé. Nous espérons que plus tard ce sera Pointe-Noire et nous verrons après Owando et Ouesso.

Mais si tu veux former des gens, il faut des enseignants. Ici, il y a vingt enseignants qui sont formés par une professeure infirmière. Nous n’avons que des infirmiers diplômés d’Etat, nous avons également quelques licenciés infirmiers mais nous n’avons pas de masters infirmiers ou des docteurs infirmiers. Depuis deux semaines, il y a eu deux femmes professeures sages-femmes qui sont venues aussi faire la formation. Ces vingt personnes sont destinées à former dès la rentrée prochaine, si les deux ministères concernés (enseignement technique et supérieur) l’autorisent, comme le souhaite le gouvernement, les sages-femmes, les infirmiers et les laborantins à la faculté de médecine. Ce sont des enseignants que nous avons identifiés sur des critères corrects (ancienneté, diplômes). On les forme maintenant en pédagogie parce qu’on peut être médecin sans être enseignant.

LDB : la formation est animée par des Canadiens, est-ce une bonne touche ?

Pr R B : L’AFD finance par l’intermédiaire du ministère de l’Enseignement technique qui a contracté sur appel d’offre une assistance technique des Canadiens qui sont experts dans ce genre de choses. Ils nous accompagnent depuis 2014 et le projet prendra fin en décembre 2016.

Propos recueillis par Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

Le Prof Richard Bileckot et les experts pendant la remise des ouvrages aux apprenants ; crédit photo Adiac

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