Sao Tome : un exemple d’éradication du paludisme

Lundi 11 Décembre 2017 - 11:58

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Archipel situé en Afrique centrale, Sao Tome- et-Principe est en passe de devenir une exception dans la lutte contre le paludisme.

« Campagne de désinsectisation », annonce une grande affiche en bord de route illustrée d'un homme brandissant une lance à insecticide, masque blanc sur le visage et bouteille de produit chimique sur le dos. Comme deux fois par an depuis 2003, Sao Tome-et-Principe est en pleine campagne de « pulvérisation ».

Dans ces deux îlots du Golfe de Guinée, au large du Gabon, on ne meurt plus du paludisme, pourtant endémique il y a encore vingt ans.

En 2015, le paludisme a tué quatre cent mille personnes dans le monde, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), avec deux cent douze millions de cas pour la même année.

« Notre dernier mort a été enregistré en 2016. C’était un Portugais qui avait négligé les mesures de prévention et de traitement contre la maladie », affirme Hamilton Nascimento, coordinateur du Programme national de lutte contre le paludisme à Sao Tome.

En 2005, la maladie avait fait plus de cinq mille morts et touchait cinquante mille personnes à Sao Tome-et-Principe, toujours selon l'OMS. Avec son climat équatorial et humide, ce pays est propice à la prolifération de moustiques vecteurs du paludisme.

Une priorité

Depuis 2014, les cas de décès sont nuls, à l'exception de la dernière victime portugaise. L'île de Sao Tome est en phase de pré-élimination. A Principe, l’île voisine, le paludisme a déjà été officiellement « éradiqué ». Objectif du gouvernement: faire disparaître la maladie dans tout le pays d'ici à 2025.

Depuis les années 1980, peu après l'indépendance de la colonie portugaise en 1975, la lutte contre le paludisme est devenue « une priorité », explique M. Nascimento. 

Sao Tome-et-Principe, deux îles d'une superficie totale de 1000 km2, bénéficie de sa position insulaire et de sa population peu nombreuse, moins de deux cent mille habitants.

« Nous avons trois stratégies », détaille-t-il: « la pulvérisation dans les maisons, la distribution de moustiquaires imprégnées et la lutte contre les larves grâce à un insecticide biologique que l'on propage dans les eaux stagnantes ». 

En plus, les Santoméens bénéficient de médicaments antipaludéens gratuits et de campagnes de test dans tout le pays. Dès qu'un cas de paludisme est détecté, « l'hôpital suit le patient pendant vingt-huit jours », ajoute M. Nascimento. « Les malades sont pris en charge dans tous les centres de santé et des médicaments sont accessibles partout dans le pays », indique-t-il.

La lassitude commence cependant à gagner. « Le nombre de personnes qui ouvrent leurs portes aux pulvérisateurs a diminué », regrette-t-il. Des refus qui peuvent, à terme, « mettre en péril tous les efforts du gouvernement », selon la ministre de la Santé, Maria Jesus Trovoada.

Il n'existe aujourd'hui aucun vaccin contre la maladie. Et du fait de nombreuses mutations de celui-ci, la lutte contre le paludisme doit être continue.

Sous perfusion

Malgré une volonté affichée de se passer de l'aide internationale, Sao Tome reste à environ 90% dépendant de celle-ci, et le paludisme ne fait pas exception.

A la fin des années 1980, puis en 2012-2013, la maladie y faisait à nouveau des ravages suite à des manques de financement et à des résistances aux insecticides, explique M. Hamilton.

« Il nous faut souvent - environ tous les dix ans - changer d’insecticide car les moustiques développent des résistances », détaille-t-il. 

Même si le gouvernement a récemment augmenté son aide, le « Fonds mondial de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme », une fondation partenaire de l'OMS, finance la majeure partie de la lutte contre la maladie dans le pays.

Mais cette subvention du Fonds mondial pourrait diminuer de plus de 50%, s'est alarmée l'OMS dans un récent rapport. Alors que le pays "aura besoin de plus ou moins cinq millions de dollars entre 2018 et 2021 afin de poursuivre ses bons résultats".

« Si les efforts actuels sont réduits du fait de cette baisse (des financements), il y a un risque élevé de recrudescence de la maladie », assure Rebekka Ott, représentante du Fonds mondial à Sao Tome.

L'organisation s'inquiète aussi des conséquences de la fin des relations diplomatiques fin 2016 de Sao Tome avec Taïwan, pour se rapprocher de la Chine. Taïwan finançait la lutte à plus de 30%.

La Chine, dont le drapeau est déjà placardé sur le Centre national des endémies, devrait prendre le relais mais avec des « aides techniques » plus que des aides financières.

L'OMS avait annoncé, en avril 2016, que vingt et un pays dont six en Afrique (Algérie, Swaziland, Botswana, Afrique du Sud, Cap Vert, Comores), pourraient avoir éradiqué le paludisme en 2020.

 

Dona Elikia avec AFP

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cp/dr

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