Sportissimo: le football congolo-congolais dans une tour d'ivoire

Jeudi 27 Juin 2019 - 21:46

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Le football congolo-congolais a vécu sa période référentielle dans l’espace temporel des années 72, 73 et 74 du siècle dernier. À cette époque, la République du Congo et sa voisine, la République démocratique du Congo, avaient plané à l’instar de l’aigle dans le ciel du football africain, en clubs et en équipes nationales.

Les Diables rouges, alors Congo-sport, ne se sont pas pliés à la volonté de n’importe quelle sélection nationale africaine à Yaoundé, au Cameroun, pour monter sur le podium du sacre, faire retentir l’hymne national et faire flotter le drapeau congolais à la remise du trophée de champion d’Afrique des nations de football.

 Le peuple sportif congolais vit en rétrospective cette folle épopée consacrée dans le sempiternel vocable Yaoundé 72. Désiré Mayala « Larbi » et Adolphe Bibanzoulou « Amoyen », deux anciens de Congo-sport, qui revenaient d’un stage de formation d’entraîneurs en Allemagne, avaient pris les destinées de l’équipe nationale pour la conduire jusqu’au sacre, en dépit de la contestation de certains de leurs coéquipiers. C’était donc l’affaire prise à bras-le- corps par les Maxime Matsima, Gabriel Dengaki, Alphonse Niangou, Joseph Ngassaki « Zeus », Jacques Yvon Ndolou, Noël Minga « Pépé », Jonas Bahamboula-Mbemba « Tostao », Jean-Michel Mbono « sorcier », Paul Moukila « Sayal », Joseph Matongo « Soukous », etc.

Contre vents et marées, le duo congolais du staff technique fit confiance à sa sélection et, en retour, elle aussi fit de même. Cette mutuelle et réciproque confiance a produit les fruits de l’unique titre africain du football congolais, qui continue à vibrer dans les cœurs du public, même en cet instant de son évocation. À cette époque, les sélectionnés de l’équipe nationale avaient fait du football un art où il fallait éclore l’expression de sa créativité sur la scène footballistique et procurer du plaisir au public ayant fait le déplacement de l’arène sportive pour vivre le spectacle qui lui était offert sans atermoiements. Et ces artistes, sans aucun complexe, ne visaient pas de l’argent dans la production de leur art. Ils passaient en narcisses de manière à être adulés dans la masse. Une stratégie pour certains de conquérir les cœurs des celles qui pouvaient se faire élire en leurs compagnes de la vie. Pour d’autres, ce vedettariat avait occasionné de l’aubaine en trouvant de l’emploi, à l’exception peut-être de François M’Pelé et Jean-Bertrand Baleckita « Eusebio » qui étaient déjà professionnels en France. Evidemment, chaque époque a ses mœurs. En ce temps-là, l’amour du football pour le football était équitablement partagé par les joueurs et le public, contrairement en ce moment où les joueurs mettent en avant-poste de l’argent pour leur survie. En tout cas, chacun avait trouvé sa part belle aux spectacles de football.

Une année après, en 1973, de l’autre côté du majestueux fleuve Congo, c’était un club, l’AS Vita aujourd’hui AS V-Club de Kinshasa, qui s’imposait sur le continent, remportant le titre de champion d’Afrique des clubs champions avec un entraîneur congolais, Yvon Kalambay-Ngoy ; le vocable sélectionneur étant une nouveauté.  Ce club avait une armada de joueurs dans laquelle, il y avait une attaque dite mitraillette composée de Pierre Ndaye Mulamba, Jean Kembo, alias « Monsieur but », Adelard Mayanga « Good year », sous la conduite clairvoyante du « seigneur Gento » Kibonge Mafu, sans oublier dans l’entre-jeu « Maufranc » Mambweni, Romain Mutufwila, et en défense le « Général » Mange, Lembi « Lemos », Luyeye et le libero de charme Lobilo Boba avec comme gardien de but Tubilandu.

Il y a lieu de rappeler que V-Club avait le soutien massif de ses nombreux supporters appelés « Moscovites » ou « Bana mbongo » et un président pas comme les autres, l’artiste musicien Luambo Makiadi « Franco de mi amor ». Les joueurs de l’AS V-Club étaient pratiquement à l’abri des besoins primaires. En 1974, l’ascenseur est rendu à Brazzaville, en République du Congo, où une autre équipe, le Club athlétique renaissance aiglon (Cara), composé notamment de Paul Tandou, Gabriel Dengaki, Gaston Nganga-Mouivi, Joseph Ngassaki « Zeus », André Mbouta « Bella », Gilbert Poaty « Hidalgo », Bakekolo « Baker », Makani, Mbemba « Bellard », Alphonse Yanghat, Sebastien Lakou « Abossolo », etc., sous l’encadrement de l’entraîneur roumain Cicérone Manolache,  redorait quelque peu le blason du football congolais qui n’a pu récidiver en nationale en 1974, au Caire, en Egypte, pour conserver son titre de champion d’Afrique des nations de football remporté à Yaoundé, au Cameroun. L’on pourrait dire qu’en 72, 73 et 74, le football congolo-congolais se passait le relais comme en athlétisme, au bonheur de leurs publics respectifs.

Ce sont les Léopards de l’ex- Zaïre qui vont rallumer le flambeau du football de ces deux pays du Pool Malebo, dont leurs capitales, Brazzaville et Kinshasa, sont les plus proches du monde mais séparées par le fleuve qui porte le nom de ces deux pays. Pierre Ndaye Mulamba sera proclamé meilleur buteur avec neuf buts marqués au cours de cette phase finale de la CAN, jamais égalés ni dépassés jusqu’à ce jour où le roi africain du royaume des buteurs est dans l’au-delà. Cette année-là, les Léopards avaient représenté le football africain à la Coupe du monde de football en Allemagne. Ils étaient revenus en Afrique la queue entre les pattes sans aucune victoire ni marqué un seul but sur les trois matches du tour des groupes. Depuis lors, le football suscité est demeuré comme dans une tour d’ivoire, cherchant comment retrouver ses lettres de noblesse. Et pour sauver les meubles, en 2007, les Diables rouges U20 étaient sacrés champions d’Afrique de leur catégorie, à Brazzaville. Les Léopards, de leur côté, étaient sortis vainqueurs au Championnat africain des nations en 2009, à Abidjan, en Côte d’Ivoire, et en 2016 à Kigali, au Rwanda. En 2012, l’AC Léopards de Dolisie a remporté la Coupe de la confédération africaine de football et, de l’autre côté, c’est le Tout-puissant Mazembe qui sauve de temps en temps cet élogieux parcours de 72, 73 et 74 du football congolo-congolais.

 

Pierre Albert Ntumba

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