Evocation : Mwana Okwèmet, le fétiche et le destin (21)Vendredi 16 Juillet 2021 - 13:59 21- Le bouton doré de Gbakoyo (suite) La case d’Ibara E’Guéndé était située au milieu du quartier où siégeait le pouvoir foncier de Bèlet. C’était, comme dans les villages mbochi de l’époque, une longue case aux murs de raphia et toiture de chaume prolongée par une toute aussi longue véranda aux colonnes. Celle-ci, appelé mbalé remplissait plusieurs fonctions. Elle servait à la fois de salon de réception des invités et autres visiteurs, d’espace des palabres, d’espace de la danse et des cérémonies funèbres et enfin de salle à manger où le soir les épouses apportaient des corbeilles pleines de nourriture. Situées des deux côtés latéraux de la case principale, les cases des épouses, des parents et autres membres du clan formaient deux lignes parallèles au milieu desquelles émergeait impressionnante la case du patriarche. L’arrivée d’une escouade de miliciens à l’heure du retour des champs avait intrigué les habitants. Ils s’étaient accoutumés à les voir le matin quand, la veille, un héraut avait prévenu le village sur la tenue d’une cérémonie administrative. Ainsi, en fût-il des premiers recensements de la population, comme de l’annonce des mobilisations destinées à pourvoir la main-d’œuvre à destination du goulag Chemin de fer Congo-Océan et autres travaux forcés. C’est pourquoi en dehors des hommes qu’il avait invités pour l’assister, des femmes et de nombreux curieux prirent place autour du mbalé du chef de la famille. Lembo’o-la-Mbongo, Mwana Okwèmet, Nia’ndinga et sa mère figuraient parmi les nombreuses femmes présentes à cette rencontre. Quand il fut assuré de la présence de ses frères les plus influents parmi lesquels on trouvait l’obscène Dimi Lemboffo, Ibara E’Guéndé l’hôte des lieux, interrogea Ngaleyko’o le chef de l’escouade, en usant de la courtoisie consacrée lors des palabres et autres affaires. Le milicien se leva, bredouilla quelques mots, s’excusa et sortit, suivi de ses camarades. Lorsqu’ils revinrent dans l’assemblée trois hommes, des porteurs ramenés d’Ossè’ndè déposèrent trois ballots à proximité des pieds d’E’Guéndé. Les ballots contenaient divers produits manufacturés dont deux dames-jeannes de vin rouge, deux pièces d’étoffe, deux couvertures ; deux houes, deux machettes, deux petits miroirs, des aiguilles, des onguents etc. Un bruit interrogateur parcouru l’assistance : on ne comprenait pas. C’est alors que Ngaleyko’o s’adressa à Ibara E’Guéndé en le désignant par le surnom de son défunt père :
L’assemblée retint son souffle. Tous les regards se braquèrent sur le milicien. On commençait à comprendre la signification à donner à l’étalage des produits déversés devant E’Guéndé. Il apparaissait, maintenant, qu’il était venu choisir une épouse dans la famille du patriarche. Cependant, au regard de la coutume, il y avait comme quelque chose qui ne clochait pas dans sa démarche. L’étalage ne s’expliquait pas. Ngaleyko’o continuait son plaidoyer :
Malgré la singularité de la procédure, E’Guéndé intervint pour poser la question d’usage au prétendant.
Il posa cette question en pensant que la souris mâle faisait partie de l’escouade de miliciens dont il était l’hôte. Piégé par l’apparente bienveillance d’E’Guendé, le milicien abandonna toute prudence, dévoila toutes ses cartes et précipita l’épreuve de force :
Il sortit le bouton doré arraché de la veste de Gbakoyo, le fixa entre l’index et le pouce de sa main droite et parcourut l’assistance en le faisant miroiter devant des visages incrédules.
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