Mwana Okwèmet, le fétiche et le destin (28)Vendredi 24 Septembre 2021 - 13:30 -Lucie Na'ambesse Le vieux buffle accueillit sa déchéance administrative sans sourciller. Depuis l’annonce de la mort de ses deux fils au goulag Congo-Océan, il se sentait trahi et ne se faisait plus d’illusions sur la nature versatile des Ebamis. Comme il ne faut jamais jurer de rien, après sa destitution, ses précautions s’avérèrent fondées : il demeurait le Nga’ngalé seigneur du domaine a’Kongo. C’était un titre prestigieux qui maintint Ossè’ndé parmi les villages-centres, pivot des échanges culturels, commerciaux et, plus tard, administratifs et scolaires lorsqu’il fut réhabilité. L’éviction d’Ossè’ndè redistribua les cartes dans le jeu politique et administratif de la subdivision de Gamboma. Sur place, à Bèlet, cet impondérable administratif provoqua de vives inquiétudes dans les familles de Mwana Okwèmet et Nia’ndinga. Comme le reconnaîtra plus tard le milicien Ngaleyko’o, ses deux chefs, Gbakoyo et Tabba, fous de joie, étaient passés au vif du sujet le soir de l’arrivée des deux femmes dans leur domicile respectif. Au bout de quelques semaines, elles étaient en grossesse. La probabilité d’une affectation des compagnons de leurs enfants vers des pays inconnus inquiéta vivement les futures grands-mères, Lembo’o et Mouabouéré. Il eut plus de peur que de mal : les deux futures mères demeuraient sur le territoire mbochi. Toutefois, le sort, une nouvelle fois, ne fut pas tendre avec Mwana Okwèmet. Elle tira un mauvais numéro avec l’affectation de Gbakoyo à Ossèlè, loin à l’ouest, dans les parages de la rivière Pama. Tabba fut envoyé à Ngagna-Tsongo, chef-lieu de la chefferie Ondaï-Ndola. La famille maternelle de Nia’ndinga, originaire d’Akièlè-a-Tsongo, vivait à quelques dix kilomètres de ce village. Ossèlè village, perdu dans la vaste plaine qui côtoie la rivière Pama, fut touché par la grâce au cours de l’année 1912 alors que les colons français recherchaient un nouveau point d’implantation du chef-lieu de l’Alima. Tombé en disgrâce au cours de cette même année, Pombo avait connu son heure de gloire avec les passages de Pierre et Jacques de Brazza, puis de Paunel et Froment dans les dernières années du 19e siècle. Les candidatures de Boka élevé en bastion et prison par le capitaine André Lados et celle de Bèlet chez Obambé Mboundjè échouèrent à succéder à Pombo. Jusqu’à sa déchéance en 1938 au profit de Mabirou, Ossèlè joua sa partition comme ville principale de la subdivision de l’Alima. A la fin du mois de janvier 1926, naquit Lucie Na’ambesse. Le bébé illumina le foyer de Gbakoyo et Mwana Okwèmet, définitivement soudé par un lien de sang. Lembo’o-la-Mbongo et sa sœur Issongo Etumba avaient fait le voyage d’Ossèlè avant l’accouchement. Quelques jours après, Kassambé, le cousin maternel de Mwana Okwèmet, arriva à son tour. Comme à l’époque la coutume interdisait au beau-fils de se retrouver face à face avec la belle-mère, Kassambé jouait l’intermédiaire entre sa tante maternelle et Gbakoyo. Il s’adressait à ce dernier en l’appelant par ‘’ beau-frère’’. La naissance de Lucie avait comblé des attentes et fait tomber les dernières barrières érigées par la singularité de l’union entre le milicien et la fille d’Obambé Mboundjè. Le colosse Gbaya faisait maintenant partie de la famille. Kassambé, toutefois, revint à Eitala’a encore appelé Etoro avec une image qui le poursuivit jusqu’à la fin de ses jours. Ibo-la-Mbouandé, une bourgade située à quelques 15 km d’Ossèlè, fut accusée d’héberger une secte d’hommes-léopards. Ceux-ci, disait-on, avaient juré la perte du commanda pour le punir d’avoir envoyé leurs sociétaires à la Machine d’où certains n’étaient pas revenus. Gbakoyo conduisait l’équipe chargée d’appréhender les conspirateurs. Une fois sur place, il fit arrêter tous les adultes du village, hommes et femmes confondus. Ils furent tous mis à poil, ligotés et reliés les uns aux autres, hommes et femmes, par une corde passée autour de leurs cous. Cet étrange attelage prit le chemin d’Ossèlè tenu en laisse par un milicien. Kassambé et des compères se trouvaient au niveau de la passerelle qui surplombait la rivière Bofor à l’entrée d’Ossèlè lorsqu’ils furent témoins de l’arrivée de cette cohorte de miliciens et leurs captifs nus. Un milicien s’adressa à Gbakoyo en indexant les personnes nues :
Gbakoyo fit réhabiller ses prisonniers sous les yeux ébahis de son beau-frère et ses copains de voyage qui n’en revenaient pas.
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