63 ans de l’indépendance de la RDC : Bob Bobutaka invite les dirigeants à être des hommes d’Etat

Mardi 4 Juillet 2023 - 14:00

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La République démocratique du Congo (RDC) a célébré ses 63 ans d’indépendance dans la méditation comme c’est l’habitude depuis quelques années. Dans une intervention à l’émission Métissage sur les ondes de Radio Okapi émettant à partir de Kinshasa, le Pr Bob Bobutaka Bateko a dressé un bilan mitigé de la gouvernance du pays. Il a instamment appelé les dirigeants et décideurs à devenir des hommes d’Etat.

Selon Bob Bobutaka, scientifique éclectique et interdisciplinaire, la RDC évolue en dents de scie, surtout lorsqu’on prend comme repère 1960, date de l’indépendance, jusqu’aujourd’hui. « Dans l’ensemble l’on peut dire que le gap est quand même important, il faudrait qu’on réfléchisse ensemble, qu’on travaille pour voir comment est-ce qu’on peut se relever, puisse qu’en 1960, du point de vue de l’économie, la RDC était comparable à l’économie du Canada et de bien d’autres pays, on avait même dépassé la Chine. Mais aujourd’hui, il faut voir comment est-ce que les dirigeants congolais ou même africains effectuent des visites en Chine pour chercher des financements, et dire qu’en 1960, c’est nous qui avions la primauté économique sur la Chine. Là-dessus, je crois qu’on doit travailler », a-t-il déclaré.

Il y a un autre élément, a-t-il fait savoir, sur le social. A en croire plusieurs études, que ce soit du Programme des Nations unies pour le développement, en termes d’indice du développement humain, ou bien de la Banque mondiale, on se rend compte, a-t-il dit, que la pauvreté s’accentue en RDC, et ce n’est pas un bon signe. « Du point de vue infrastructures, point n’est besoin d’évoquer les embouteillages que nous avons ici à Kinshasa, la tendance est facilement de dire que c’est le gouvernement actuel qui en est responsable, mais ça vient de très loin, et le pays ne se construit pas en une journée, nous avons eu beaucoup de gouvernements, beaucoup de présidents, s’il y avait vraiment eu l’esprit de faire quelque chose pour le pays, on serait très loin », a avancé le Pr Bob Bobutaka. Mais si on peut observer objectivement, a-t-il soutenu, on peut dire que ceux qui sont au pouvoir semblent être plus les hommes politiques en misant sur leurs propres intérêts, que de fournir l’effort de devenir des hommes d’Etat qui doivent travailler pour le peuple, pour la République.

 « Je prends un petit exemple : est-ce que c’est puisqu’on a été président de la République qu’on doit avoir une bonne partie de terre, avec faune et flore, et un système routier moderne, entre-temps le reste de Kinshasa, c’est la pauvreté accentuée ? Ceci dénote que les gens sont là pour des intérêts personnels au lieu de travailler ! Si on avait investi cela ne serait-ce que pour réparer, réaménager et renforcer les capacités d’infrastructures routières ici à Kinshasa, ce serait quelque chose de très bien, je n’ai pas froid aux yeux pour dire ce qui se passe à Kingakati, c’est un autre monde ! Et quand on est là, c’est à peine qu’on peut croire qu’on est à Kinshasa ! Finalement, les discours politiciens, on en a marre ! Quand les gens parlent, tout le temps que nous faisons cela, mais en réalité, il n’y a rien, nous sommes toujours en train de descendre, et ça, c’est regrettable », a-t-il déploré.

Maturité, cohésion nationale et publications scientifiques...

Mais d’un point de vue positif, a souligné cet analyste, les grandes strates ethniques du pays, notamment les Ne Kongo, les Katangais, les Balubas, les Bangala ou bien en termes ethnolinguistiques, le kikongo, le lingala, le swahili et le luba, on a eu des présidents qui ont représenté toutes ces strates-là. Et cela démontre qu’il y a une certaine maturité et l’on veut renforcer la cohésion nationale, et c’est bien. Aucune strate ne peut aujourd’hui dire qu’elle a été abandonnée, toutes ces strates importantes ont été représentées au sommet de l’Etat, d’abord avec le président Kasa-Vubu, ensuite Mobutu, les deux présidents katangais, Kabila père et fils, et le président Tshisekedi, c’est un point positif.

 « Il faudra réfléchir à comment inciter les Congolais à réfléchir, puisque quand le Congolais lient les Congolais, c’est d’abord sa fierté, et c’est très important. Si on n’arrive pas à permettre aux étudiants de décortiquer la pensée congolaise, en tout cas, ça ne sert absolument à rien. La force d’un pays, c’est la manière de réfléchir de ses propres habitants, j’espère que les efforts seront fournis pour qu’on renforce les presses universitaires, parce qu’on ne peut comprendre qu’il y a des réformes, on parle de tout, sauf des presses universitaires, on ne parle pas de librairies en milieux universitaires... », s'est préoccupé le professeur.

 Bob Bobutaka a ajouté : « ... tout le monde se représente autour de Lumumba comme héros national, mais qui a déjà exploité le livre de Lumumba ? Personne ! pire encore, même les activités autour du rapatriement de sa dent, il n’y a même pas eu de conférence. Et pourtant, au Ghana, on a célébré l’anniversaire de Kwame Nkrumah avec faste, et il y a eu des conférences dans les universités là-bas. Donc autant nous disons qu’il y a eu beaucoup d’efforts pour la publication scientifique, autant ceux qui dirigent doivent comprendre qu’il y ait ce genre de stratégies, de foires au niveau national et international où on peut attirer tout le monde pour réfléchir et consolider la pensée congolaise ».

Réfléchir « pays » …

Pour terminer en termes de publication, il a fait mention la richesse au sujet de l’os d’Ishango, l’ancêtre des mathématiques dont personne n’en parle au pays. « Or, les mathématiques, c’est l’intelligence artificielle. Je suis surpris dans mes différents voyages, surtout au Sénégal, au musée négro-africain de Dakar, où il y a beaucoup d’informations sur l’os d’Ishango. Mais nous-mêmes, dans notre musée national, y a-t-il des éléments sur l’os d’Ishango ? On doit arrêter et changer, le professeur, ce n’est pas seulement celui qui accumule des thèses, oui, une thèse, c’est le parchemin, mais ce qui est important, c’est ce qu’on a fait après la thèse. L’on ne doit pas donner l’impression d’être là que pour créer des professeurs, de thèses. Pour moi, ce qui est important, c’est de réfléchir pour socialiser ces pensées-là afin de participer au grand rendez-vous du donner et du recevoir... », a-t-il admis.

Le Pr Bob Bobutaka a conclu en mettant en évidence ce que le président Tshisekedi fait pour la nation. « Il faut reconnaître que depuis le départ du président Mobutu, le pays souffre sérieusement au sujet de la guerre dans l’Est, et l’on voit les efforts que le président est en train de fournir, il faut le souligner, et cela confirme le nationalisme et donne aux Congolais le goût d’avoir un pays, un Etat. Mais il faudrait que les scientifiques accompagnent cela avec des conférences, avec des publications », a-t-il conseillé.

 Bob Bobutaka est docteur en sciences de l’information et de la communication, théoricien en intelligence artificielle, expert en sciences de l’écrit et de la mémoire, et des archives, enseignant à l’Université de Kinshasa, à l’Université pédagogique nationale, à l’Université Kongo, à l’Université officielle de Mbuji-Mayi et à l’Institut supérieur des statistiques de Kinshasa. Prolifique, il est auteur d’une vingtaine d’ouvrages.

Martin Enyimo

Légendes et crédits photo : 

Le Pr Bob Bobutaka Bateko.

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