Interview. Ghislaine Cheraline Matondo : « La finalité, c’est de récupérer les couches sociales qui acceptent de se reconvertir »

Vendredi 28 Juillet 2023 - 13:18

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Ghislaine Cheraline Matondo née Nsimba est la présidente de l’Association "Les Artisans de Loutassi." Cette association lutte pour la réinsertion des jeunes en conflit avec la loi et des femmes abandonnées par leurs maris. Elle vient d’initier un projet intitulé "Un jeune, un emploi." Les enjeux étant multiples, elle se réjouit d’apporter sa pierre à l’édifice dans la pacification du Congo, à l’heure où le grand banditisme court encore les rues des grandes agglomérations. Entretien.

Les Dépêches du Bassin du Congo (LDBC): Pouvez-vous nous parler de votre engagement dans la réinsertion des jeunes en conflit avec la loi, autrefois appelés kulunas ou bébés noirs ?

Ghislaine C. Matondo (G.C.M) : Cet engagement s’explique par le fait que la réinsertion ne concerne pas seulement les jeunes en conflit avec la loi et ceux qui ne le sont pas encore mais qui pourront le devenir demain, parce que moi-même réinsérée et encadrée. Ce qui fait de moi garnisseuse à ce jour. Nous avons également, dans cette formation, réinséré les universitaires. Nous avons également les dames qui ont été abandonnées par leurs maris.  Nous les avons converties en garnisseuses ainsi que leurs enfants. Tout ce travail nous amène aujourd’hui à lancer l'opération "Un jeune, un emploi, parce que nous avons remarqué que nombreux se sont retrouvés grâce aux formations que nous leur donnons.

LDBC : "Un jeune, un emploi" va apporter quoi de nouveau ?  On sait qu’il y a déjà des jeunes qui ont été formés par l’Association les artisans de Loutassi.

GCM : La particularité est de donner une formation qualifiée aux jeunes qui vont apprendre le métier, surtout de leur dire qu’au lieu d’avoir une machette dans la main pour chercher l’argent, on peut avoir un métier digne de ce nom pour avoir l’argent et bien prendre soin de sa petite famille. C'est de montrer aussi que les femmes abandonnées par leurs conjoints peuvent avoir un métier et s’occuper convenablement de leurs enfants au lieu de compter sur un mari. Certes, nous sommes encore à Moungali, mais nous allons descendre dans les autres arrondissements de Brazzaville pour récupérer tous ces jeunes, surtout si nous sommes accompagnés par les pouvoirs publics. La finalité, c’est de récupérer les couches sociales qui acceptent de se reconvertir dans le métier que nous leur proposons. Pour clore sur ce chapitre, l’opération "Un jeune, un emploi" concerne en priorité une partie des jeunes qui ne comprennent pas la vision du chef de l’Etat, Denis Sassou-N’Guesso qui disait, dès son retour au pouvoir en octobre 1997, que tout citoyen doit partir d’une extrémité à une autre sans être inquiété, quelle que soit l’heure. Voilà pourquoi ces jeunes qui ne comprennent pas font le banditisme, alors qu’ils sont la relève de demain. 

LDBC : Vous parlez des femmes dans vos propos. Est-ce qu’elles viennent de plus en plus par rapport aux jeunes ?

GCM : Nous pouvons nous réjouir de ce que nous avons aujourd’hui beaucoup de femmes qui sont devenues des garnisseuses. Ici, à Dix Maisons, vous voyez beaucoup de fauteuils fabriqués par des femmes qui ont ouvert des salles d’exposition. Ces femmes ont compris qu’elles peuvent faire ce métier.

LDBC : Aujourd’hui, c’est un plaisir, un moment de joie de voir les fruits du travail abattu. En retour, qu’est-ce que vous gagnez une fois que vous leur avez transmis ce savoir-faire?

GCM : Je dirai qu' à la suite de ces formations, je suis restée pour ces enfants une mère. Et puis, peut-être que parmi eux, il y aurait ceux qui allaient être à ma charge. Mais lorsqu’il est déjà réinséré, je me libère de certaines responsabilités vis-à-vis d’eux. Et entre nous les femmes, nous nous soutenons aussi. C’est une grande mutualité. Il y a des femmes qui ont eu des fils délinquants, mais aujourd’hui ils sont en train de faire ma force. Et ces femmes sont là pour me soutenir dans cette lutte contre la délinquance juvénile.

LDBC : Nous savons qu’il y a le Haut-commissariat à la justice restaurative qui vous accompagne. Quel est son niveau d’intervention à vos côtés ?

G.C.M : Aujourd’hui, ce Haut-Commissariat est notre parapluie dans la réinsertion de ces jeunes qui ont perdu les repères dans la société. Nous lui soumettons tous les projets que nous avons parce qu’il est l’institution nationale qui nous accompagne.

                                            

Propos recueillis par Achilles Tchikabaka

Légendes et crédits photo : 

Ghislaine Cheraline Matondo

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