Les souvenirs de la musique congolaise : Création et épopée de l’orchestre Viva La Musica (2)

Lundi 16 Octobre 2023 - 13:47

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Créé en 1977 par Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, l’orchestre Viva La Musica fait une sortie fulgurante dans le gotha musical kinois au Bar Type K le 26 février 1977 devant un public venu nombreux, notamment la jeunesse du quartier Matongé de Kinshasa.

Aussitôt après sa sortie officielle, Jules Shungu Wembadio devient Papa Wemba, le siège de son orchestre est situé à son domicile de la rue Kanda Kanda à Matongé, un quartier ambiant de Kinshasa. Il se fait appeler chef coutumier du village Molokaï,  anagramme des rues Masimbanimba, Oshwé, Lokolama, Kanda-kanda et Inzia qui enserrent un espace du quartier Matongé proche du stade Tata Raphaël.

La première monture de Viva La musica se compose ainsi qu’il suit : Papa Wemba, Jadot le Cambodgien, Aziza, Espérant Kisangani, Bipoli (chanteurs), Otes et patcho star (drummers), Pinos et Pepito (guit. Basse), Rigo star Bamundélé et Juleva Liguagua (guit. Solo), Syriana (guit. Acc.), Ebalé Mbongé et « Mère supérieure » sont les premières chansons de Viva La Musica et Mukonyonyo est la danse du groupe. Les fanatiques de Viva La Musica deviennent des « villageois » et Papa Wemba fédère presque tous les jeunes autour du mouvement de la Sape (Société des ambianceurs et personnes élégantes), hérité des jeunes de Brazzaville, de Bacongo en particulier dont les maîtres à penser sont Ntary Callafard, Nkodia François Francos et autres... La coiffure en brosse remplace l’Afro, la démarche change, bien coiffé, bien parfumé, la tenue bon chic bon genre repris par Wengé BCBG.

La création de Viva La Musica entraine un bouleversement total dans la manière de vivre de la jeunesse congolaise, une façon magistrale de laver l’affront subit par Papa Wemba en décembre 1976 par son leader Mbuta Mashakado qui le chassa en plein concert de Yoka Lokolé.

Des titres splendides comme « La vie est belle » de Papa Wemba, « Santa » composé par le parolier du groupe Koffi Olomide ou encore « Est-ce que tu sauras », surnommé par les fans de Papa Wemba, le dernier chant du Rossignol, mettent en orbite l’orchestre Viva La Musica qui dès lors joue dans la Cour des grands, libéré de la forte influence de Mbuta Mashakado, Evoloko, Gyna Efongé et Mavuela Somo qui lui ont toujours fait de l’ombre.

Au fil du temps Papa Wemba s’émancipe et prend son envol avec Viva La Musica, sa trajectoire connaît des fulgurances et des expérimentations comme l’introduction du Lokole (instrument traditionnel) dans sa panoplie musicale et les featurings dont se repaissent aujourd’hui d’innombrables artistes de la Rumba congolaise, dont il est le vulgarisateur en digne hériter de Joseph Kabasélé grand Kalé, père de la musique congolaise moderne.

En 1978, Koffi Olomide réalise quelques enregistrements avec Viva La Musica comprenant de très belles chansons comme « Sango Ndambo », « Synza », « Samba samba », « Anibo ». Wemba est alors son père spirituel et son idole, le public l’adopte et il est sacré révélation de l’année avec la chanson « Anibo », œuvre exécutée par Viva La Musica de Papa Wemba.

Il sied de noter que Viva La Musica a mis le pied à l’étrier à plusieurs jeunes musiciens et en a lancé beaucoup d’autres, Emeneya King Kester est sans doute l’un de ses produits le plus emblématique. Vers la fin de l’année 1978, Papa Wemba est engagé dans l’Afrisa de Tabu Ley qui est en perte de vitesse, ce dernier vient ainsi à la rescousse, ils sortent la chanson « Lèvres Roses ». Son mariage avec Tabu Ley sera de courte durée. Pendant ce laps de temps, Eménéya coordonne les activités de Viva La Musica. Cet intermède laissera des traces dans l’épopée de cet orchestre car douze musiciens quittent le groupe parmi eux Emeneya Kester, Debaba, Petit Prince, Joly Mubiala (frère cadet de Kester), tous chanteurs et les guitaristes (Safro Manzangi, ToflaTofolo, Pinos, Mongo Ley, Huit kilos), les percussionnistes Patcho star et Otes Koyongonda alias moto na limbandi. C’est la création de l’orchestre Victoria Eleison par les dissidents susmentionnés conduits par King Kester Emeneya et dont la sortie officielle eût lieu le 24 décembre 1978.

Le soir du départ massif de ces musiciens, Viva La Musica devait livrer un concert pour honorer son contrat de production, ce qui du reste fut fait et contre toute attente connu un succès incroyable. Wemba réussit à sauver le navire Viva La Musica grâce à l’arrivée dans le groupe de nouveaux musiciens, en l’occurrence Debaba qui fit un come-back, Réddy Amisi, Lidjo Kwempa (chanteurs), Richacha (batterie), Iko (percussion), Guigui Toumpa et plus tard arrivèrent Luciana, Stella Uomo et Miloson.

Composition de l’orchestre : Fafa de Molokaï, Jadot Le Cambodgien, Lidjo Kwempa, Maray-Maray, Réddy Amisi (chanteurs), Bongo Wende, Milos, Stella, Ping Pong (guitares), John Pepito, Gauthier (guit. Basse), Richacha, Iko (batterie), Itshari (lokolé). Des enregistrements parmi lesquels « Ceci cela » de Lidjo Kwempa, « Libongo » et « Eliana » de Wemba, « Nana efi » de Maray-Maray furent à l’actif du groupe et firent tabac dans la sphère musicale des deux rives du fleuve Congo. A suivre...

                         

Auguste Ken Nkenkela

Légendes et crédits photo : 

En 1986, Viva La Musica de Papa Wemba devenait l’un des premiers groupes congolais à tourner au Japon/DR

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