Environnement : Brazzaville, le Djoué et les hippopotames

Vendredi 12 Janvier 2024 - 14:21

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Le fait est coutumier à Brazzaville. En période des hautes eaux, un hippopotame descend de son habitat du haut-Djoué pour camper au confluent du fleuve Congo, sinon dans les environs. Dans tous les cas, il a besoin d'eau douce, des aires suffisamment peu profondes pour qu'il puisse se tenir debout tout en étant complètement submergé.

En cette période de grandes crues du fleuve Congo et ses affluents, le fait se répète. C’est au pont du Djoué que le pachyderme a fait escale, offrant un spectacle aux Brazzavillois par ses bâillements. Conséquence : de nombreux Brazzavillois se déplacent pour aller voir l’animal. Les embouteillages s’enchaînent sur la grande voie, unique entrée et sortie de Brazzaville intra-muros. Au-delà du spectacle, le séjour de l’hippopotame dans les eaux peut aussi être vu comme une leçon de « mieux cohabiter » avec un animal aux mille vertus.

En se donnant à cœur joie au spectacle vespéral du « Ngouvou », les Congolais apprennent beaucoup sur cet immense animal. Au Congo, la population des hippopotames estimée à 50 (selon l’UICN) est en baisse. Il y a une centaine d’années, ils étaient en grand nombre. Les écrits sur la création de Brazzaville le soulignent clairement, jusqu’aux actes de massacre de cette espèce. Les Malamine et autres Jacques de Brazza, De Chavannes, etc., en étaient de grands chasseurs. On peut, d’ailleurs, lire dans le gros document du centenaire de Brazzaville : « Brazzaville 1880-1980 », les éloges sur Malamine « qui tirait le buffle et l’hippopotame comme pas un » ou encore Albert Verstroffer qui écrit : « Pour varier l’ordinaire des hommes qui se composait de manioc, de bananes et de poisson sec, j’allais chasser l’hippopotame un jour par semaine. En certains points du lac, c’est par bandes de 50 à 100 qu’on les voyait (…) là où l’eau calme leur permettait de se chauffer et de dormir paisiblement au soleil (…) Nous avions tout  le temps de nous glisser  au milieu, de jeter notre dévolu sur un sujet de belle apparence et de l’abattre à bout portant ; encore pouvions-nous parfois en tirer deux ou trois autres. Nous revenions avec trois ou quatre tonnes de viande que nous mettions à sécher et boucaner. Cette viande nous servait de monnaie d’échange avec les naturels et à nous procurer, par ce moyen, des vivres frais dont nous étions privés » (1888-Souvenirs évoqués par M. Albert Verstroffer, Brazzaville 1880-1980, pp.136-137).

Mais cette surexploitation qui  s’est étendue jusqu’à une période récente n’est pas sans conséquence. Selon les spécialistes, « les hippopotames sont particulièrement vulnérables à la surexploitation en raison de leur très faible rendement reproductif ; un déclin ≥30% est marqué pour l'hippopotame en raison de cette très faible productivité. Les hippopotames produisent une progéniture tous les deux ans et ont une période de gestation de huit mois, une période de lactation de douze mois (mais qui peut être de dix-huit mois ou plus), et une durée de génération de 10 ans (Eltringham, 1999 ; Lewison & Pluháček, 2017). Les femelles atteignent la maturité sexuelle entre 9 et 10 ans, et conçoivent pour la première fois entre 7 et 15 ans (Smuts & Whyte, 1981) ».

Depuis 2008, l’hippopotame est totalement protégé de la chasse en République du Congo. Outre le Djoué, on peut facilement observer des hippopotames dans les aires protégées, notamment aux parcs nationaux d’Odzala-Kokoua, Conkouati-Douli, ou encore dans les réserves de faune de Nyanga Nord, Léfini et Tsoulou

La revue africaine d’environnement et d’agriculture note qu’à Uvira, en République démocratique du Congo (RDC), il a été constaté que l’hippopotame participe à l’équilibre écologique dans le milieu. Les endroits habités par des hippopotames avaient beaucoup de poissons, du fait qu'ils se nourrissent de leurs excréments. Dans une étude sur la caractérisation des environnements abiotiques et biotiques de l’activité de pêche dans la zone humide de Nyangara (RDC), des chercheurs ont montré que les bouses d’hippopotames apportent une grande quantité de silicium dans l’eau et sont importantes pour les micro-algues qui nourrissent la faune et la flore aquatiques. On reconnaît également des vertus thérapeutiques des parties d’hippopotame.

Au regard de ce qui précède, on est en droit de porter une grande attention sur le Djoué avec son bassin drainé de 6000 Km2 du Sud-Ouest des plateaux batékés jusqu’au fleuve Congo et dont la présence  d’hippopotames s’est avérée.

L’hippopotame qui se donne en spectacle ces derniers temps au pont du Djoué, près de dix ans après le spectacle d’un autre qui avait campé dans les eaux du bras-mort du fleuve Congo à coté de la presqu’île de Kioudi, précisément en 2015, en provenance toujours du Djoué, peut être considéré comme un appel à un classement de l’habitat de ce lieu comme réserve aquatique afin de protéger réellement l’ensemble qui est indissociable : l’animal et son habitat. 

Gastrone Balimba

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