Immortelles femmes pionnières en Afrique : Jeanne Martin Cissé, première femme à présider une assemblée générale de l'ONU

Jeanne Martin Cissé, née en 1926, à Kankan, en Guinée, est institutrice dans sa ville natale de 1944 à 1946.  C'est cours de la décennie  de 1940 qu'elle se retrouve dans le lot des fonctionnaires africains qui se conscientisent et deviennent le creuset de la vie politique en Afrique occidentale française (AOF). Au sein de ces milieux de jeunes fonctionnaires, elle fera la connaissance de Sékou Touré, figure du syndicalisme des travailleurs des Postes et télécommunications et de Madeira Keita, premier secrétaire du Rassemblement démocratique africain (RDA) en Guinée.

Engagée dans la lutte anticoloniale du RDA, Jeanne Martin Cissé devient une éminente figure féminine en AOF où elle va représenter les femmes de cette formation au congrès de la Fédération internationale démocratique des femmes. Elle effectue donc son premier voyage en Europe où sa première réunion sera l'occasion pour elle de prendre conscience de la similitude des situations entre les femmes des Antilles, d'Afrique, d'Asie et d'Indochine. Elle tisse ainsi ses premiers réseaux à l'échelle internationale, avec Eugénie Cotton, présidente de la Fédération internationale démocratique des femmes, Fanny Adelmar de l'Argentine, Ransome kuti du Nigeria.

En 1958, Jeanne Martin Cissé effecue à nouveau deux grands voyages, d'abord au congrès de la Fédération internationale démocratique des femmes à Vienne, en Autriche, puis dans les pays du bloc de l'Est, notamment en Chine et en Russie. Elle rentre en Guinée au lendemain du "Non"  au référendum où elle décide de poursuivre le combat de femme mitante depuis Conakry. En 1959, Jeanne Martin Cissé participe au premier congrès de l'Union des femmes Ouest-africaine à Bamako, au cours duquel sont dénoncées la polygamie, les mutilations génitales féminines et les inégalités hommes- femmes.

En 1972, elle est la représentante de la Guinée aux Nations unies et, son pays étant cette année membre non permanent du Conseil de sécurité, elle devient alors la première femme présidente du Conseil de sécurité. Elle prend une part active aux débats sur la reconnaissance des mouvements de libération des colonies portugaises, la condamnation du régime de Rhodésie du Sud et le règlement des conflits israelo-arabes. Elle voyage en Amérique du Sud en 1973 car elle est aussi ambassadrice siégeant à New York, auprès du Brésil, de l'Argentine et du Vénézuela. Dans les années 1970, ses convictions panafricaines se doublent  d'une volonté de rapprochement des pays avec les mouvements afro-américains et fait venir Stokely Carmichael, leader des Blacks Panthers, et sa femme Maryam Makeba aux festivités nationales en Guinée. Jeanne Martin Cissé est élue présidente du Comité spécial des Nations unies contre l'apartheid .

En 1974, elle effecue plusieurs missions en Europe, en Guyane pour plaider la cause de l'African national congress en Afrique du Sud et reçoit mandat en 1975 de visiter les camps de réfugiés de la swapo, puis se rend en Zambie et en Tanzanie. En 1984, après le coup d'état militaire qui conduit à la mort de Sékou Touré, Jeanne Martin Cissé est emprisonnée  pendant plus d'une année avec d'autres dignitaires du régime. En 1985, elle est contrainte de quitter la Guinée pour le Sénégal.

Jeanne Martin Cissé a reçu plusieurs distinctions dont le prix Lénine pour la paix en 1975 ; Aline Soe Diatta de l'organisation sénégalaise yewe yewe en 1989;  l'ordre national du Mali en 1999 et la médaille d'honneur amilcar Cabral du Cap Vert en 2006.