Tanzanie : la population demande à l’Allemagne le retour des ossements de ses ancêtresMercredi 15 Janvier 2025 - 22:46 « Les crânes et les os des personnes exécutées ont été emmenés en Allemagne pour servir à des expériences visant à prouver la théorie d’une prétendue supériorité raciale européenne », selon le documentaire The Empty Grave (« La Tombe vide »). Un article du Guardian retrace le passé douloureux de la Tanzanie à l’époque de la colonisation allemande. Comme l’étude sur le Rwanda, il montre que le travail de mémoire peut être perpétué, même plus d’un siècle après les faits. Pendant trente-trois ans, de 1885 à 1918, la Tanzanie a été colonisée par les Allemands, une période durant laquelle de nombreux mouvements indépendantistes se sont constitués et nombreux Tanzaniens ont pris les armes pour combattre l’occupant. La répression allemande sera systématique et violente. L’article du Guardian relate qu’entre 1905 et 1907, la rébellion des Maji-Maji aura fait plus de 300 000 morts dans le pays. Les crânes et les os de nombreux de ces opposants seront alors envoyés en Allemagne pour des études scientifiques, visant à étayer leurs théories sur les races et la prétendue infériorité des peuples africains. C’est la même logique raciste que l’on retrouve dans la classification imposée par les Belges lorsqu’ils dominaient le Rwanda. Aujourd’hui, les dépouilles de ces opposants tanzaniens sont éparpillées dans des musées européens et, depuis plusieurs années, des habitants d’un village du Sud de la Tanzanie ont entrepris des démarches pour que ces ossements soient rapatriés dans leur pays d’origine. Le documentaire The Empty Grave suit ces familles dans leurs démarches et montre que pour ces descendants, le vol des dépouilles les a privés de leurs rituels traditionnels. Des experts allemands procèdent aujourd’hui à des recherches ADN sur ces restes humains pour tenter de les identifier et pour pouvoir les rendre à leurs familles. Or, près de la moitié de ces ossements est aujourd’hui trop endommagée pour être exploitable. A la suite des démarches entamées en Allemagne, la Belgique a décidé, en avril 2024, de voter des lois sur la restitution des restes humains spoliés dans leurs anciennes colonies. Le cas de la Tanzanie nous apprend que les recherches historiques récentes et l’engagement des descendants permettent encore de faire avancer le travail de mémoire plus d’un siècle après les exactions des colonisateurs. Longtemps, les horreurs de la Shoah ont occulté les violences de la colonisation allemande en Afrique. En février 2022, plusieurs musées et universités d’Allemagne et d’Autriche ont restitué à l’État américain d’Hawaï des restes humains (58 crânes et ossements) volés il y a plus d’un siècle. Les Hawaïens espèrent ainsi guérir des blessures du passé. Au XIXe siècle, le commerce des crânes et ossements humains de provenance exotique battait son plein. Les musées allemands ont hérité de ces collections le plus souvent acquises dans un contexte colonial par les ethnologues de l'époque. Depuis quelques années, les pays et les peuples pillés se manifestent pour réclamer les restes de leurs défunts, qui n'ont rien de décoratif mais font partie intégrante de leur culture. Le temps est désormais advenu de restituer ces biens mal acquis, car les restes humains des ancêtres ont pour les peuples noirs une signification très particulière, les défunts occupant dans leur culture une place encore plus grande que les vivants - et dont les restes peuvent participer aux prières rituelles. Noël Ndong Notification:Non |