Interview. Le Dr Mboungou-Bouesse Blondy parle des avantages et des inconvénients des produits de la pharmacopée vendus à la sauvette

Mardi 25 Février 2025 - 19:30

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Le marché congolais regorge de nombreux vendeurs ambulants ou fixes de produits de la pharmacopée connus sous le nom de "Bana ya ma nganga'' ou de vendeurs de "Bokoko". Leur activité n’est régie ni par des lois ni par des décrets. Dans le cadre d’une enquête menée auprès des consommateurs et chercheurs, le Dr Mboungou-Bouesse Blondy, chercheur pharmacologue à l’Institut national de recherche en sciences de la santé (Irssa), revient sur les questions que l’on se pose sur l’interdiction ou non de la vente de ces produits.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Dr Mboungou-Bouesse Blondy, en tant que spécialiste en pharmacologie, quel est le danger qui résulte de l'achat des produits pharmaceutiques dans la rue ?

Dr Mboungou-Bouesse Blondy (Dr M.B.B.) : Les personnes qui vendent les plantes médicinales à la sauvette doivent faire excessivement attention. Sur les plantes médicinales il y a plusieurs vertus, mais il y a certaines qui ont prouvé soit leur innocuité, soit leurs effets pharmacologiques, mais chez d’autres, par contre, on ne connaît pas. Donc, il y a un problème de toxicité qui se pose, d’autant plus que chaque produit à la base est un poison, c’est seulement la dose qui fait le bon produit. Je conseillerai à ces personnes de passer par les sachants que nous sommes à l’Irssa, nous traitons ce problème en terme de toxicité.

L.D.B.: Que conseillez-vous aux personnes qui en prennent ?

Dr M.B.B. : EIles doivent faire excessivement attention. Par un exemple, je vous présente une liane dont je tais le nom devant la presse. Cette liane est utilisée pour des traitements  contre la faiblesse sexuelle ; c’est une liane aphrodisiaque. Nous ici, avant que nous puissions la valoriser, nous avons mené les études et sommes passés sur les notions de toxicité. Nous avons aussi trouvé des effets aphrodisiaques comparatifs à un produit vendu en pharmacie qui est le Viagra. L’avantage, c’est qu'elles peuvent continuer à le prendre, vu que c’est naturel, mais il faut toujours jouer au niveau des doses.  A notre niveau, on a constaté que si vous prenez cette liane au-delà de 50 cm, il y a des effets au niveau du cœur. EIle entraîne ce qu’on appelle l’accélération cardiaque. Le vendeur n’a pas ces notions. Lui, c’est sa marchandise qui compte. Il doit se rapprocher des personnes habiletées.

L.D.B. :  Y a-t-il un effort qui se fait au niveau de la sensibilisation ?

Dr M.B.B. : Sur la sensibilisation, il y a des efforts. Le scientifique ne travaille pas seul, mais avec des détenteurs des connaissances ancestrales, ce qu’on appelle couramment les tradipraticiens. Question de les sensibiliser, de jouer sur les notions de toxicité. Sur le plan scientifique, ces produits peuvent induire des maladies iatrogènes, c’est-à-dire des pathologies causées par la prise de ces médicaments. Alors si le tradipraticien n’a pas vraiment ces notions-là, il peut provoquer des problèmes de santé, notamment ce qu’on appelle les effets secondaires au niveau des reins, du foie, etc.

L.D.B.: Vos relations avec l’association des tradipraticiens ? 

Dr M.B.B.: Nous avons de bonnes relations avec l’association des tradipraticiens. Avant de valoriser leurs produits, ils les amènent à l’Irssa. C’est nous qui les valorisons et leur donnons l’autorisation d'administrer ces produits aux malades. Nous fixons même les doses. Ils sont très importants pour nous, parce que ce sont eux qui nous orientent, surtout en ce qui concerne les informations sur les plantes.

L.D.B. : Qu’avez-vous à dire sur les tisanes ?

Dr M.B.B : La science parle avec les résultats. Il y a des tisanes qui ont été approuvées, d’autres ont causé beaucoup de dégâts, surtout au niveau du foie, qui est un organe qui assure tout ce qui est transformation et beaucoup plus au niveau des reins. Donc, en matière de tisanes, j’insiste là-dessus, il y a des molécules chimiques qu’on ne peut pas associer. S'il y a un sujet qui est atteint du paludisme et qui présente aussi des infections, ce que font les tradipraticiens, c'est qu'ils mélangent parfois ces deux tisanes et les donnent aux malades. C’est une faute majeure. Il y a des molécules chimiques qui se trouvent dans ces deux tisanes qui ne méritent pas d’être ensemble. Au niveau de l’Irssa, nous avons des moyens nécessaires pour pouvoir séparer ces molécules et retrouver chaque principe actif qui serait responsable de ces thérapeutiques et à ce moment-là, dire au tradipraticien ce qu’il faut donner au malade, notamment à ceux qui souffrent des antécédents.

L.D.B. : Votre dernier mot ?

Mon dernier mot est de dire aux décideurs de financer la recherche, d’autant plus qu'elle est le pilier du développement d’une nation. Aucune nation dans le monde ne s’est développée sans la recherche. Nous sommes prêts à travailler, nous attendons aussi de leur part des financements pour pouvoir augmenter encore la force, surtout pour nous les chercheurs.

Propos recueillis par Guillaume Ondze

Légendes et crédits photo : 

1-Le Dr Blondy Mboungou-Bouesse / Adiac 2- Le laboratoire de l'Irssa /Adiac

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