Journée mondiale des startups 2025 : entre célébration et défis, « Osiane » trace la voie de l’innovation africaine

Mercredi 12 Mars 2025 - 12:45

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La Journée mondiale des startups, célébrée le 11 mars, nous rappelle que l’avenir du continent se construit également dans les incubateurs et les hubs technologiques. Mais au-delà des discours inspirants, comment transformer cette célébration en véritables opportunités pour les entrepreneurs africains ? Le salon Osiane, qui se tiendra en mai prochain, pourrait bien être une partie de la réponse.

C’est devenu une tradition depuis 2017 : chaque 11 mars, entrepreneurs, investisseurs et passionnés d’innovation se retrouvent autour d’une même célébration, la Journée mondiale des startups. L’initiative, née en Côte d’Ivoire et désormais reconnue internationalement, met en lumière ces structures agiles qui révolutionnent les économies. Mais pour les startups africaines, et particulièrement congolaises, cette journée symbolique résonne différemment, entre espoirs et défis persistants.

Une célébration née en Afrique pour l’innovation mondiale

Ce n’est pas un hasard si cette journée a vu le jour sur le continent africain. Terre d’innovation par nécessité, l’Afrique voit émerger des solutions technologiques qui répondent à des problématiques locales avec une ingéniosité remarquable. Du mobile banking aux plateformes d’e-commerce en passant par les solutions d’énergie renouvelable, les startups africaines ont prouvé leur capacité à innover malgré des ressources limitées.

En République du Congo, comme dans le reste du bassin du Congo, cette journée ne résonne pas encore comme un appel à l’action, malgré l’impératif de la diversification économique. Pourtant, les startups représentent un vecteur essentiel de création d’emplois et de richesse que le pays gagnerait à développer, à condition de leur donner enfin les moyens de leurs ambitions.

Osiane 2025 : une vitrine stratégique pour les startups du bassin du Congo

C’est précisément ce que propose le salon Osiane, dont la 9e édition se tiendra du 13 au 16 mai prochain, au Palais des congrès de Brazzaville. Sur le thème évocateur « Transformons nos défis en opportunités », ce rendez-vous incontournable de la tech en Afrique centrale – baptisé « Bongwana» – s’impose comme un prolongement naturel de la Journée mondiale des startups.

Co-organisé par l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques (ARPCE), Osiane bénéficie de l’appui institutionnel du régulateur, qui joue un rôle clé dans l’écosystème numérique nationale. L’implication de l’ARPCE témoigne d’une volonté de faire des startups un véritable levier de développement économique, notamment à travers un cadre réglementaire adapté et des initiatives structurantes.

« Un salon comme Osiane, c’est bien plus qu’une vitrine temporaire. C’est l’occasion de montrer que nos solutions peuvent rivaliser avec celles développées ailleurs, tout en étant parfaitement adaptées aux réalités africaines », affirme Tanguy Kouka, a la tête d’un projet sur l’agriculture numérique qu’il souhaite présenter bientôt.

Le challenge startups bassin du Congo, temps fort d’Osiane 2025, offre une plateforme privilégiée aux entrepreneurs de la région. Au programme : présentation de solutions innovantes, accompagnement par des experts et mentors, et surtout, visibilité auprès d’investisseurs potentiels. L’édition 2024 avait déjà réuni plus de 2000 participants, avec une dotation de 10 millions FCFA pour la meilleure startup.

Entre cadre législatif et défis persistants : le paradoxe congolais

Depuis l’adoption de la loi n° 71-2022 du 16 août 2022 portant attribution du label startup du numérique et de l’innovation technologique en République du Congo, les entrepreneurs nationaux disposent théoriquement d’un cadre propice à leur développement. Ce texte prévoit notamment des mesures incitatives comme l’octroi gratuit du nom de domaine .cg, le financement des procédures de protection de la propriété intellectuelle, l’accompagnement par des incubateurs agréés, ou encore la garantie du financement auprès des institutions bancaires.

Mais trois ans après son adoption, le constat est sans appel sur le terrain. « La loi était attendue, mais elle reste lettre morte faute de textes d’application », confie un entrepreneur tech de Brazzaville sous couvert d’anonymat. « La commission de labellisation prévue n'a toujours pas de décret qui fixe ses modalités de fonctionnement, et par conséquent, aucun label n’a encore été délivré », assure Borel Deby Gassaye, directeur de l’Écosystème digital à l’Agence de développement de l’Ééconomie numérique. Un vide réglementaire qui illustre le fossé entre les intentions législatives et leur mise en œuvre effective.

Malgré ce cadre juridique, en effet, les obstacles demeurent nombreux. Le premier d’entre eux reste l’accès au financement. Si la Journée mondiale des startups permet de mettre en lumière le potentiel des entrepreneurs, elle ne résout pas la question décisive des fonds nécessaires pour passer à l’échelle.

« Nous avons les idées, nous avons les compétences, mais il nous manque souvent ce coup de pouce financier qui nous permettrait de décoller vraiment », explique une jeune entrepreneuse. « La loi prévoit des garanties bancaires, mais en réalité, obtenir un crédit reste un véritable parcours du combattant. Nos banques, essentiellement commerciales, ne sont pas adaptées au financement des startups, qui nécessitent des banques d'investissement et du capital-risque », souligne Elwin Gomo, tech entrepreneur, co-fondateur de la startup SmartMbongo.

À ce défi financier s’ajoutent d’autres obstacles majeurs, notamment les problèmes d’infrastructures numériques : qualité de connexion internet inégale selon les zones, disparité d’accès au réseau entre zones urbaines et rurales, et coupures d’électricité qui perturbent la continuité des services numériques. Sans oublier le besoin criant de mentorat pour structurer des projets souvent prometteurs, mais qui peinent à se formaliser faute d’accompagnement adéquat.  

Au-delà des célébrations, des solutions concrètes

C’est là que la synergie entre la Journée mondiale des startups et des initiatives comme Osiane prennent tout leur sens. En offrant non seulement une visibilité ponctuelle, mais aussi des opportunités de networking, de formation et de financement, le salon répond à plusieurs freins identifiés et pourrait contribuer à donner vie aux ambitions portées par la loi de 2022.

Les objectifs affichés pour Osiane 2025 sont d’ailleurs clairs :  mobiliser les parties prenantes autour de l’innovation, promouvoir les synergies entre startups et grands groupes, encourager l’adoption des technologies émergentes comme l’intelligence artificielle ou la cybersécurité, et accompagner les petites et moyennes entreorises dans leur transition numérique.

« Ce que nous voulons, c’est créer un véritable écosystème favorable à l’innovation. Cela passe par la mise en relation des entrepreneurs avec les décideurs et les investisseurs, mais aussi par un travail de fond sur les infrastructures et la formation », explique Luc Missidimbazi, promoteur du salon Osiane.

2025 : Une année charnière pour l’écosystème startup africain

En cette année 2025, le contexte semble plus que jamais favorable aux startups africaines. Entre transition écologique, évolutions de l’intelligence artificielle et économie numérique en pleine mutation, les entrepreneurs du continent ont une carte majeure à jouer.

Des initiatives comme « Startup Tunisia » ou « French Tech » montrent la voie, tandis que des hubs comme Lagos, Nairobi ou Dakar s’affirment comme des pôles d’innovation reconnus. Le bassin du Congo, riche en talents mais encore moins régulier sur la scène tech continentale, pourrait bien être la prochaine région à émerger.

Pour cela, il faudra que la Journée mondiale des startups ne soit pas qu’une parenthèse annuelle, mais bien le symbole d’un engagement quotidien en faveur de l’innovation. Osiane 2025, avec son challenge startups et ses ambitions affichées, pourrait bien être un catalyseur essentiel de cette transformation.

Car au fond, comme le rappelle cette journée du 11 mars, derrière chaque application qui simplifie le quotidien, chaque service innovant qui répond à un besoin local, il y a souvent une startup qui, un jour, s’est interrogée : « Et si on essayait quelque chose de différent ? ». En République du Congo comme ailleurs, cette audace mérite d’être célébrée et soutenue bien au-delà d’une simple journée.

 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

1-Vainqueurs du challenge bassin du Congo 2024 / Adiac 2- Séance pitch par un entrepreneur Osiane 2024 / Adiac

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