Interview. Yanick Gemaël Mboumba-Mboumba : « La paix est le seul idéal qui mérite tout notre engagement »

Jeudi 10 Avril 2025 - 22:31

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L'écrivain et universitaire congolais Yanick Gemaël Mboumba-Mboumba vient de publier un nouvel essai intitulé « La paix et le réalisme existentialiste ». Nous avons profité d'un entretien avec l'auteur pour en parler.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.): Vous évoquez souvent la notion de "réalisme existentiel" dans votre ouvrage. Comment définissez-vous ce concept ?

Yanick Gemaël Mboumba-Mboumba (Y.G.M.): Le réalisme existentiel, c'est l'idée selon laquelle l'être humain doit affronter la réalité telle qu'elle est, sans l'idéaliser ni la fuir. Il ne s'agit pas d'un pessimisme, mais d'une lucidité qui intègre la complexité du monde. La paix, dans cette perspective, n’est pas un état figé, mais un processus dynamique qui exige une confrontation avec nos contradictions individuelles et collectives.

L.D.B.C. : Donc, la paix ne serait pas seulement l'absence de conflit, mais plutôt un effort conscient ?

Y.G.M.:  Exactement. Trop souvent, on perçoit la paix comme une simple accalmie entre deux périodes de troubles. Mais en réalité, elle demande un travail permanent sur soi et sur nos sociétés. Elle exige de composer avec nos différences, nos intérêts divergents et parfois même nos instincts les plus primitifs.

L.D.B.C.: Peut-on dire que cette vision s'oppose aux approches idéalistes qui prônent une paix utopique ?

Y.G.M. : Tout à fait. Le danger du pacifisme naïf, c'est qu'il ignore les rapports de force réels. Une paix durable repose sur une gestion intelligente des conflits, et non sur leur déni. L’histoire nous montre que les traités de paix échouent lorsqu’ils sont construits sur des illusions plutôt que sur des réalités tangibles.

L.D.B.C. : Dans cette optique, quel rôle joue la conscience individuelle ?

Y.G.M. : Elle est primordiale. Chacun doit d'abord faire la paix avec lui-même avant de prétendre instaurer la paix autour de lui. La plupart des conflits naissent de frustrations internes projetées sur autrui. C'est pourquoi le réalisme existentiel implique une introspection profonde, une maîtrise de soi et une acceptation du tragique de l’existence.

L.D.B.C. : Certains pourraient voir cette vision comme dure, voire fataliste. Que leur répondez-vous ?

Y.G.M. : Je leur dirais que ce n'est pas du fatalisme, mais du courage. Affronter la vérité est difficile, mais c’est le seul moyen de bâtir quelque chose de solide. Une paix durable ne peut être fondée sur des illusions ou des promesses vides. Elle repose sur une lucidité assumée et une action déterminée.

L.D.B.C. : En quoi cette approche pourrait-elle influencer la gestion des conflits aujourd’hui, notamment en Afrique ?

Y.G.M. : En Afrique, nous avons souvent souffert de solutions superficielles imposées de l'extérieur, sans prendre en compte nos réalités culturelles et géopolitiques. Une approche de paix ayant pour base le réalisme existentiel exigerait d'abord une reconnaissance honnête des causes profondes des conflits : économiques, identitaires, historiques. Il s’agirait ensuite de construire des solutions adaptées à notre contexte, en impliquant réellement les peuples concernés et en tenant compte des rapports de force en présence.

L.D.B.C.: Un dernier mot pour conclure ?

Y.G.M.: La paix est un combat. Mais c'est le seul qui mérite d’être mené, car il conditionne tout le reste. Seulement, pour qu'elle soit réelle, elle doit être enracinée dans la vérité et non dans l’illusion.

 

Propos recueillis par Aubin Banzouzi

Légendes et crédits photo : 

Yanick Gemaël Mboumba-Mboumba / DR

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