Droits de l’homme : des éclaircissements attendus sur la situation du pasteur Daniel Ngoy Mulunda

Mercredi 9 Avril 2025 - 15:22

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Des organisations de défense des droits de l’homme ont tenu, le 9 avril à Kinshasa, une conférence de presse au cours de laquelle elles ont exprimé leurs inquiétudes sur la vie de l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Daniel Ngoy Mulunda, et appelé l’Etat congolais à éclairer l'opinion sur sa situation.

La conférence de presse a été organisée par l’Association africaine de défense des droits de l’homme (Asadho), Justicia Asbl, la Voix des sans voix pour les droits de l’homme (VSV), et les Amis de Nelson Mandela pour les droits de l’homme (ANMDH). « Nous (…) sommes profondément préoccupées et vivement inquiètess par les conditions inhumaines de détention du pasteur Daniel Ngoy Mulunda, ancien président de la Céni, en République démocratique du Congo (RDC) », ont indiqué ces organisations dans un communiqué conjoint lu par le président de Justicia Asbl, Me Timothée Mbuya.

Elles ont rappelé que l’ex-président de la Céni avait été enlevé, le 18 décembre 2024 à Lusaka, en Zambie, « dans des circonstances qui s’apparentent davantage au kidnapping », alors qu’il bénéficiait à cette date du statut de refugié politique reconnu par les autorités zambiennes et protégé par le Haut commissariat des Nations unies pour les refugiés (HCR). « Son transfert clandestin vers la RDC s’est opéré en violation manifeste des règles du droit international, notamment de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des refugiés, qui interdit strictement l’extradition ou le refoulement d’un refugié vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée », ont poursuivi les organisations de défense des droits de l'homme.

Détenu dans une opacité la plus totale

L’Asadho, Justicia Asbl, la VSV et ANMDH ont, en effet, regretté que depuis l’extradition irrégulière du pasteur Ngoy Mulunda de Lusaka, sa détention se déroule dans une opacité totale. « A ce jour, sa famille, ses proches, ses avocats, voire les ONG de défense des droits de l’homme et certaines instances internationales ignorent toujours le lieu de sa détention. Tandis que certaines sources évoquent un centre de détention des services de renseignement militaire (Ex-Démiap), d’autres encore affirment qu’il aurait d’abord été détenu dans des cachots secrets à Mbuji-Mayi, avant d’être transféré soit à Kinshasa, soit à Lubumbashi ». Cette incertitude sur son sort, ont-elles souligné, alimente une vive inquiétude accentuée par la circulation des rumeurs faisant état de son décès le 23 mars dernier.

Faisant allussion  à une floue vidéo qui avait circulé montrant un homme alité dans des conditions infrahumaines, ces organisations ont rappelé que « cette détention arbitraire, opaque et prolongée sans comparution devant un juge, constitue une violation de l’article 18 de la Constitution de la RDC, qui garantit à toute personne arrêtée le droit d’être immédiatement informée des motifs de son arrestation et de comparaître devant un juge compétent ». « Le traitement infligé au pasteur Daniel Ngoy Mulunda est d’autant plus préoccupant du fait que la RDC siège actuellement au Conseil des droits de l’homme des l’ONU, ce qui l’oblige à observer un comportement exemplaire en matière de respect des droits de l’homme », ont-elles insisté.

Une transparence sur le lieu de détention du pasteur Daniel Ngoy Mulunda

Des informations sur le lieu exact de détention de l’ex-président de la Céni et sur son état de santé sont exigées. Les organisations de défense des droits de l'homme ont demandé que sa famille et ses avocats puissent avoir accès à lui, afin de s’assurer du respect de ses droits fondamentaux. Elles ont rappellé dans ce sens la promesse faite par le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, sur l’humanisation des services de sécurité, la fermeture de tous les cachots clandestins ainsi que la fin des détentions arbitraires d’opposants politiques, de défenseures des droits de l’homme et de journalistes. « Plusieurs cas de détention dans des lieux secrets, sans base légale, continuent d’être signalés à travers le pays, en contradiction avec les principes d’un Etat de droit véritable », ont fustigé ces organisations.

Elles ont sollicité que le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, au cas où il serait en vie, soit déféré devant son juge naturel, dans les meilleurs délais, en respectant strictement des garanties judiciaires reconnues par la loi. Mais au cas où son décès serait confirmé, elles demandent l’ouverture d’une enquête crédible, indépendante et impartiale en vue d’établir les circonstances exactes de ce décès et en identifier les responsables afin qu’ils répondent de leurs actes. En l’absence d’une infraction avérée, l'Asadho, Justicia Asbl, VSV et ANMDH exhortent à sa libération pure et simple.

Elles condamnent, par ailleurs, la position prise par la Zambie qui, en violation frontale des principes du droit d’asile et du droit international humanitaire, a livré le pasteur Daniel Ngoy Mulunda à son pays où sa vie serait en danger. « L'Asadho, Justicia Asbl, VSV et ANMDH dénoncent également la non-conformité des autorités zambiennes aux obligations internationales auxquelles elles ont souscrites en matière de protection des réfugiés », ont-elles laissé entendre, demandant au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de prendre position face à cette situation qui compromet la crédibilité de la protection internationale qu’il est censé garantir. « Le silence et l’inaction du HCR sur un tel précédent risquerait d’ouvrir la voie à d’autres violations graves des droits des refugiés dans la région », ont-elles insisté.

Dans leurs interventions, Me Jean-Claude Katende et Timothée Mbuya, ainsi que Rostin Manketa et Franck Banza ont rappelé que le cas du pasteur Daniel Ngoy Mulunda  est emblématique. « C’est donc un plaidoyer que nous menons pour toutes les personnes qui seraient dans ces conditions », ont souligné ces activistes des droits de l’homme.

 

 

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

1- Des responsables des quatre ONG devant la presse/Adiac 2- Le pasteur Daniel Ngoy Mulunda lors d'une activité/R.O

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