Relations intercontinentales : un pont entre l’Europe et l’Afrique en cours de constructionMercredi 16 Avril 2025 - 11:30 L'idée qui relevait hier de l’utopie géopolitique semble aujourd’hui prendre une forme plus concrète : établir un lien physique entre l’Europe et l’Afrique, par un pont ou un tunnel sous-marin à travers la Méditerranée. Des projets de connexion par tunnel ou pont, discutés pour 2030 ou 2040. Une faisabilité technique aux enjeux géostratégiques qui soulèvent débats et espoirs. Que le pont passe par le détroit de Gibraltar ou relie directement la Tunisie à la Sicile, le projet intercontinental se distingue par son ambition hors norme. Il réveille à la fois les espoirs d’un monde plus connecté et les débats géostratégiques sur les frontières du XXIᵉ siècle. L’idée d’un lien fixe entre l’Afrique et l’Europe ne date pas d’hier. Le concept fut repris tout au long du XXᵉ siècle, mais les contraintes techniques, sismiques et politiques freinèrent toute tentative. Aujourd’hui, la résurgence de ce projet, portée par les nouvelles capacités de forage sous-marin et un contexte international en quête de coopération Sud-Nord, relance l’intérêt. Le tunnel sous-marin du détroit de Gilraltar, récemment réactivé par les gouvernements espagnol et marocain, prévoit une galerie ferroviaire de 42 km, dont 27,8 sous la mer. Selon les premières modélisations techniques, ce serait le plus profond tunnel sous-marin du monde, atteignant 500 mètres par endroits. Une étude de faisabilité est en cours, avec la société allemande Herrenknecht en charge des évaluations techniques et une livraison théorique envisagée autour de 2040. Un pont entre Tunisie et Sicile aux réalités géopolitiques et logistiques Parallèlement au tunnel, une initiative distincte et tout aussi spectaculaire se dessine : le pont Jean Monnet, qui relierait la Tunisie à la Sicile sur plus de 140 km. Porté par le « Centre pour la beauté politique », une organisation non gouvernementale autrichienne, ce projet se positionne comme une réponse humanitaire et politique aux flux migratoires souvent meurtriers en Méditerranée centrale. La structure, qui inclurait aussi 1000 plateformes flottantes de secours, serait terminée à l’horizon 2030, avec un coût estimé à 230 milliards d’euros. Les concepteurs mettent en avant une vision utopique : faire du pont un symbole de fraternité, un outil de lutte contre les réseaux de passeurs, et une alternative légale et sécurisée à l’exode par embarcations précaires. Mais les interrogations sont nombreuses, tant sur la faisabilité technique que sur l’impact environnemental et les implications diplomatiques. Qu’il s’agisse du tunnel ou du pont, ces projets nécessitent une coordination interétatique sans précédent. L’Union européenne, bien qu’invitée à financer, se montre encore prudente, tandis que le Maroc et l’Espagne mènent leurs efforts bilatéraux. Les défis logistiques ne manquent pas : profondeur marine, sismicité, circulation maritime dense, protection des écosystèmes. S’ajoute une dimension politique forte : relier l’Afrique à l’Europe, ce n’est pas seulement construire une infrastructure, c’est aussi reconfigurer les représentations géographiques, économiques et symboliques des deux continents. Ce lien physique questionne la gestion des frontières, la mobilité des personnes, mais aussi la souveraineté des territoires traversés. De l’attrait d'un tourisme intercontinental à une vision du futur Au-delà des considérations politiques, un tel ouvrage représenterait un atout touristique considérable. Comme le tunnel sous la Manche l’a fait pour l’Angleterre et la France, une liaison Afrique-Europe pourrait devenir une porte d’entrée stratégique pour les flux touristiques, économiques et culturels. Tanger, Gibraltar, Palerme ou Sfax verraient leur statut évoluer en véritables hubs intercontinentaux, mêlant hébergements modernes, circuits patrimoniaux et infrastructures de transport multimodales. L’essor d’un tel projet pourrait redessiner la carte du tourisme eurafricain, en connectant directement deux mondes trop souvent séparés par l’histoire et la géographie. Ce mégaprojet continental n’en est qu’à ses balbutiements. Entre études de faisabilité, quêtes de financement, débats publics et impératifs écologiques, le chemin reste long avant que ne jaillisse du béton ou de l’acier entre deux rives. Pourtant, dans un monde, où les distances se réduisent à mesure que les crises s’intensifient, relier l’Afrique et l’Europe par un pont, autrement qu’à travers le prisme migratoire, pourrait devenir un levier de coopération historique. En ce mois d’avril, il est encore permis de rêver - tout en gardant les pieds fermement ancrés sur les terres (et les eaux) à relier. Noël Ndong Notification:Non |