RDC : bilan contrasté des émeutes contre l'adoption de la loi électoraleJeudi 22 Janvier 2015 - 18:45 Initiée par la Fédération internationale des droits de l'Homme, la Coalition ''Mon Vote doit compter'' vient de condamner « la sanglante répression des manifestations pacifiques contre l'adoption de la loi électorale », qui aurait fait quarante-deux morts à Kinshasa, selon elle. Un bilan apparemment surestimé, selon certains Kinois. Ce projet de loi sera voté au au Sénat. Les manifestants voulaient obtenir son retrait. Ils considèrent la dite loi électorale de « manœuvre politique en vue de la prochaine élection présidentielle prévue pour 2016 ». Depuis le 19 janvier, les Congolais de la RD Congo manifestent contre l'adoption du projet de loi qui doit modifier la loi électorale. La manifestation a tourné à l'affrontement, notamment à Kinshasa. La police anti-émeute aurait réprimé à balles réelles les manifestants, les empêchant de se diriger vers le Parlement pour se faire entendre. Des scènes de pillages ont été observées à Kinshasa. On aurait dénombré plusieurs morts, des dizaines de blessés et des arrestations. Les communications Internet et SMS ont été coupées. Réaction de l'opposition Certains membres de l'opposition disent avoir été arrêtés ou séquestrés. Ce serait le cas du président du Scod(ancien parti de la majorité présidentielle aujourd'hui dans l'opposition) , Jean-Claude Muyambo, de deux représentants de l'UDPS et de l'UNC. L'oppostion demande de respecter la Constitution et les engagements régionaux et internationaux, ainsi que le retrait du projet de loi en vue et « de garantir l’organisation des élections régulières, libres et transparentes ». Le président de l’Union pour la Nation congolaise, Vital Kamerhe, a qualifié l' acte de « confiscation de la démocratie par la famille politique de Kabila ». À Goma, Bukavu et Bandaka dans l'Ouest, des mouvements de protestation naissants auraient été aussitôt circonscrits. Réaction des autorités Selon les autorités, quinze personnes dont un policier ont été tuées. Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, a rejeté le caractère politique de la manifestation, et a assuré que ces actes de violence, auxquels il a associé principalement les étudiants, qui « seront punis par la justice ». Le gouverneur de Kinshasa a rassuré la population qu'il a invité à vaquer à ses occupations habituelles. Les écoles et les magasins restent fermés. L'une des résidences de l'artiste musicien Koffi Olomidé, au quartier Matonge, a été saccagée et pillée. Une organisation congolaise de défense des droits de l'Homme fait état de vingt-huit morts. Quelques foyers de tension résistent au calme apparent, notamment dans le campus universitaire de Kinshasa, où est passé le Premier ministre Matata Ponyo, le 21 janvier. Un important dispositif policier y est déployé, ainsi qu'au campus de Goma. Plusieurs villes de l'est du pays ont aussi été touchées par les troubles, notamment Bukavu. À ce jour, plus de 345 jeunes auraient été arrêtés pour vandalisme ou pillage. L'Église catholique, par la voie de l'archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo, a appelé les autorités congolaises à ne pas « tuer » leurs concitoyens. Il a appelé à « éviter le pillage ». Réaction de la communauté internationale C'est avec une certaine inquiétude que Washington a appelé toutes les parties au calme et à la tenue d’élections conformément à ce qui est prévu « par la Constitution ». La mission de l’ONU au Congo a demandé aux autorités et à l’opposition de respecter la Constitution et d’éviter tout recours à la violence. La secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean, a appelé au « calme et à la retenue », exhortant l’ensemble des acteurs politiques et de la société civile à privilégier, « dans un esprit de responsabilité et dans une démarche inclusive, le dialogue et le consensus nécessaires à la tenue d’élections ». Quant à l'Union européenne, elle a appelé au « respect des échéances électorales telles que fixées par la Constitution ». Pour la France, des débordements de cette nature n'ont pas lieu d'être dans le débat démocratique. Elle estime essentiel « que le cadre juridique et le calendrier global du processus électoral qui doit s’ouvrir cette année soient élaborés de façon consensuelle, dans le respect de la Constitution et des libertés publiques ». L'Union africaine, quant à elle, a appelé à la retenue et au dialogue. Elle se dit disposée à "aider les parties prenantes à surmonter les défis actuels". Plusieurs ambassadeurs occidentaux ont imploré les autorités du pays à abandonner le projet de réforme électorale, déjà adopté par l'Assemblée nationale et soumis au Sénat. Des représentants des États-Unis, de France, du Royaume-Uni et de Belgique ont rencontré le président du Sénat pour lui faire part de la tension populaire. Ils devront s'entretenir aujourd'hui avec son homologue de l'Assemblée nationale, Aubin Minaku. Le gouvernement a déposé, le 5 janvier, un projet de loi portant modification de la loi électorale. Le projet de loi disposerait que la liste électorale « doit être actualisée en tenant compte de l’évolution des données démographiques et de l’identification de la population ». La RDC couvre une superficie d'environ 2,5 km2, pour une population de 77 millions d'âmes. Le pays connaît une instabilité récurrente, et est régulièrement en proie à la violence. Les experts pensent qu'un recensement est difficilement réalisable en moins de 4 ans. Un calme apparent semble revenir à Kinshasa. L'opposition et les mouvements étudiants sont aux aguets du vote du Sénat avant de se prononcer sur les suites à donner à leur mouvement. L'internet est devenu indisponible dans le pays après 48 heures de manifestations.
Noël Ndong |