Italie-RDC : tensions sur un problème d’adoption

Samedi 21 Décembre 2013 - 14:15

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Une vingtaine de familles italiennes attendent depuis novembre à Kinshasa le feu vert des autorités pour l’adoption de petits Congolais

« Voilà que même le Congo se moque de nous ! » Ce commentaire peu amène est de Giorgia Meloni, députée italienne de droite, à propos de la rigidité dont feraient montre les autorités de Kinshasa sur des adoptions dont le principe avait été convenu et concordé depuis longtemps. L’affaire a pris soudainement une tournure autre, la diplomatie et la politique des deux côtés s’en sont saisies avec passion pour un résultat, pour le moment, nul. À Rome, la ministre des Affaires étrangères, Emma Bonino, a convoqué à la Farnesina l’ambassadeur Albert Tshisseleka-Felha pour s’expliquer sur ce qui est considéré ici comme un revirement des autorités congolaises.

Sans circonlocutions préalables, Mme Bonino a fait savoir à l’ambassadeur le mécontentent de son gouvernement. « Vous n’avez pas respecté les assurances verbales données à notre ministre, Cécile Kyenge. C’est déconcertant », a dit Mme Bonino, dont le franc-parler est connu de tous. Avec tout autant de franchise, la ministre italienne a fait comprendre à ses compatriotes que l’issue de cette affaire était des plus incertaines, et qu’elle semblait même évoluer plus « vers le négatif » que vers autre chose. « Mais nous continuons à déployer les efforts par tous les canaux possibles », a tout de même tempéré la ministre.

C’est qu’à Kinshasa le langage clair a également été manié durant la semaine : pas d’adoptions d’enfants congolais, point barre ! La décision aurait été signifiée aux ambassadeurs de France, d’Italie, des États-Unis, du Canada et de Grande-Bretagne : et là-dessus, la République démocratique du Congo (RDC) se montre intraitable. À Rome, l’affaire prend une dimension nationale : les familles concernées par des adoptions qui devaient égayer leurs vies à Noël ne cessent d’agiter tous les réseaux (l'une d’elle a même écrit au pape !) pour ne pas faire les frais de ce que les Italiens considèrent comme une attitude aux motivations peu claires.

Ce sont en tout vingt-quatre couples italiens qui se sont rendus à Kinshasa dans l’intention de ramener vers la Péninsule des enfants retenus pour être adoptables par eux. Mais la RDC, arguant de son droit de souveraineté, n’entend pas relâcher un aussi grand nombre d’enfants sous le seul prétexte qu’ailleurs ils vivront mieux. La ministre italienne de l’Intégration, Cécile Kyenge-Kashetu, d’origine congolaise, avait fait le déplacement de Kinshasa en novembre dernier entre autres pour dénouer l’écheveau de cet embrouillamini. Le problème est, selon elle, que « les couples bloqués à Kinshasa sont déjà, de fait, juridiquement reconnus comme les parents des petits Congolais ».

« Il y a des pays qui prennent des lois au gré des circonstances, cela entraîne des contradictions et des incompréhensions. Cette affaire est en passe de représenter un réel contentieux entre l’Italie et la République démocratique du Congo », a déclaré aux médias la ministre Kyenge. Déjà cible privilégiée de pesantes attaques sur ses origines raciales, ses compétences professionnelles ou la moralité de certains membres dans son entourage, Cécile Kyenge revient avec cette affaire, et à son corps défendant, au centre de l’attention des extrémistes de droite qui l’accusent d’avoir menti après sa mission de novembre dernier dans son pays d’origine.

Lucien Mpama