Technologies numériques : après le pétrole et le bois, les TIC

Jeudi 2 Janvier 2014 - 16:09

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Plus de 100 milliards de FCFA ont été injectés ces dernières années, pour dynamiser le secteur des Technologies de I’information et de la communication (TIC). La cagnotte est loin d’être bouclée à en croire les travaux qui restent à réaliser. En 2014, soulignent des sources officielles, des ressources additionnelles devront être déployées car l’État congolais mise sur les TIC pour moderniser les autres secteurs traditionnels et diversifier l’économie 

Les technologies numériques ont vu leur rôle s'accroître dans la dynamique de l’économie globale du Congo. Elles ont ainsi participé à fortifier l’économie du pays en pourvoyant d’importantes ressources fiscales à l’État et ont contribué de façon significative à la création d’emplois. « Le secteur des TIC pointe aujourd’hui à la troisième place, après les secteurs du pétrole et du bois », précise Guy Rolland Ntsimba, directeur des Nouvelles Technologies au ministère des Postes et télécommunications.

Le numérique apparaît de ce fait au cœur de la stratégie de développement au regard de la nouvelle stratégie de diversification de l’économie du pays encore fortement dominé par les secteurs traditionnels, le pétrole et le bois. Le Congo vise l’émergence à l’horizon 2025 et compte, de ce fait, s’appuyer sur les technologies numériques pour y arriver.

Faire du Congo un hub technologique

La position géographique du Congo lui permet d’être un pays de transit grâce au chemin de fer Congo-Océan et au port de Pointe-Noire. Fort de ce positionnement stratégique, il espère ainsi transformer cet avantage en hub technologique pour toute la sous-région centrale. Le déploiement du premier technopole numérique attendu cette année et la mise en place d’incubateurs et autres zones économiques spéciales participeront à développer un écosystème fondé sur l’éclosion de contenus à haute valeur ajoutée. Cependant, suggère un spécialiste de la Maison des Informaticiens du Congo, il faudra que le pays crée des conditions favorables à la pénétration des TIC dans l’ensemble des segments de production, s’il espère concevoir d’importantes opportunités de développement de la filière numérique.

Il faudrait toutefois accentuer les efforts pour une meilleure structuration de la filière des TIC, conseillent des experts. « L’une des démarches attendues pour ce faire est de combler le déficit en termes de ressources humaines en mettant en place des dispositifs de formation adaptés aux besoins du secteur et des programmes de recherches capables de briser le vide », soutient Alain Ndalla, directeur général de Megatel Système, une société du secteur des TIC. « Il faudra également encourager la création d’incubateurs capables de fédérer des start-up pour une meilleure éclosion des technologies », complète Vérone Mankou, directeur général de VMK. La réactivation attendue de l’école des métiers de la Poste et des communications électroniques, pour former plus d’ingénieurs, devrait répondre à cette attente. Au cas contraire, le pays continuera de dépendre de la main d’œuvre et de l’expertise étrangère.

Organiser la filière TIC

Plus de 100 milliards de FCFA d’investissement ont servi à la mise en œuvre des trois grands projets d’infrastructures engagés par le Gouvernement. Le projet West Africa Cable System (Wacs), le Projet de Couverture Nationale (PCN), le Projet Central Africa Backbone Composante République du Congo (CAB-CIT CG).

Dans le cadre du projet Wacs, le Congo a achevé la mise en place technique des infrastructures d’accueil. Pour ce qui concerne celui de « Backbone » terrestre implémenté dans le cadre du PCN, les boucles métropolitaines ont déjà été déployées par les opérateurs. À ce jour, le Congo est connecté au réseau large bande grâce à l’aboutissement du projet Wacs. Entre Pointe-Noire et Brazzaville, la connexion est réelle. Cependant, le maillage de toute l’étendue du territoire en infrastructures de télécommunication n’est pas achevé. Il se poursuit notamment par le déploiement de la fibre optique, d’une part, de Brazzaville à la partie septentrionale du pays, et par la connexion des différentes villes, d’autre part. Les tests à Brazzaville et Pointe-Noire ont été lancés. « Les prospects, personnes physiques et morales, qui expérimentent cette fibre sont satisfaits des délices que cela leur apporte en attendant la mise a disposition du grand public », soutenait il y a quelques semaines le ministre Thierry Moungalla.

L’année 2014 devra être celle de la concrétisation de ce projet, à en croire les experts. L’économie numérique en dépend, et la transition analogique vers le numérique du secteur audiovisuel qui souffre encore de controverses entre acteurs concernés, dépendra également d’un meilleur accès au haut débit. Pour l’heure, le Comité national de coordination du passage de l’audiovisuel analogique au numérique doit se réunir afin d’adopter une démarche consensuelle. Les pays comme le Sénégal sont déjà à pied d’œuvre dans ce processus avec une coordination agissante et des résultats encourageants. En 2014, le Congo devra se débarrasser de l’imbroglio qui entoure encore ce comité mis en place par décret pour ne pas rater cette révolution technologique qu’espère l’Union Internationale des télécommunications en 2015.

Dans le même élan, sur ce chapitre haut débit, il faut noter l’interconnexion entre les États de la sous-région. En effet, le projet CAB est entré dans une phase décisive. Après études, le projet s’apprête à lancer cette année les travaux y relatifs au niveau des frontières du Congo, du Gabon et du Cameroun.

Il en ressort, au regard de cette analyse, que les attentes sont importantes et que beaucoup reste encore à faire. Pour l’heure, le secteur des télécommunications paraît mieux structuré que les autres secteurs de la filière TIC. Avec un taux de pénétration de 90% (pour une population estimée à 4,2 millions d’habitants) le marché de la téléphonie mobile est arrivé à maturité. Deux opérateurs déploient des offres de types 3G+, ce qui favorise davantage la pénétration de l’Internet mobile. Tous ces avantages sont matérialisés par une baisse continue des tarifs de communication. Durant ces cinq dernières années, on peut estimer entre 60 à 70% la baisse des tarifs de communication, combinée à l’amélioration de la qualité des services. La part de l’Internet commence à prendre de l’importance avec l’apparition des forfaits en connexion illimitée avec des tarifs d’abonnement de l’ordre de 30.000 FCFA mensuel. Mais les consommateurs sollicitent des tarifs de connexion encore plus bas, les forfaits mensuels étant encore réservés à une catégorie de clients nantis.

Si l’Internet mobile a du succès comme d’ailleurs dans la plupart des pays africains, l’Internet via haut débit fixe, demeure encore un problème. Les débits sont faibles car la connexion satellitaire coûte très chère. Dans les cybercafés, des grincements de dents ne manquent pas chez ceux qui espèrent en vain un téléchargement. En attendant le haut débit par la fibre optique et à des coûts accessibles, l’Internet fixe demeure un luxe. « Les coûts pratiqués par les fournisseurs d’Accès Internet à ce niveau sont encore loin des bourses des Congolais lambda. C’est ce qui justifie le succès de l’Internet mobile. Mais on ne peut pas tout faire avec son téléphone », explique un gérant d’un cybercafé.  

Gestion de la fibre optique et poursuite des réformes du secteur

Le développement du marché n’est pas encore terminé. La mise en service des infrastructures de télécommunications en cours de déploiement offrira - si les opérations se réalisent en toute concertation - un nouvel élan au développement du secteur, notamment sur le marché des données. C’est dans ce cadre, entre autres, qu’il faut saluer la mise en place du point d’échange Internet du Congo. C’est le tout premier point d’échange Internet de la sous–région d’Afrique centrale, assure l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques. « Pour l’essentiel, il s’agit d’optimiser l’utilisation de la bande passante, contribuant ainsi à rendre plus fluide les échanges Internet et à faire du Congo, un pôle d’excellence en matière de TIC », expliquait Yves Castanou, directeur général de l’Agence de régulation des postes et communications électroniques, lors de l’inauguration du siège de l’Institution. La récupération du nom de domaine .cg, et l’installation d’un data center, et l’acquisition et le déploiement de la fibre optique à travers le pays, devront être le jalon majeur et fondamental de l’implémentation d’une société de l’information.

La réflexion sur la création prochaine d’une structure spécifique de gestion de la fibre optique et de régulation de ces technologies de l’information et de la communication, dans le cadre de la mise en œuvre du cyber stratégie national, constitue sans doute une étape importante pour cette année.

Il en est de même au sujet de la poursuite des réformes institutionnelles avec une série de textes qui doivent accompagner l’arrivée de la société de l’information. Il s’agit précisément des projets de loi relatifs à la cybercriminalité, la protection des données à caractère personnel, les transactions électroniques et la lutte contre les délits Internet, afin de prévenir l’abus dans le domaine des TIC. 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

photo 1 : Une infrastructure de télécommunication. photo 2 : photo 3 :