Forum Build Africa : quelle moisson pour le Congo au-delà des débats ?Samedi 8 Février 2014 - 17:04 On a souvent pensé que les rencontres comme celle que vient d’abriter le Congo ne sont que de simples passe-temps, ou des prétextes pour permettre aux gouvernants de se faire une bonne image. Pourtant, les débats des 6 et 7 février au Palais des congrès de Brazzaville ont produit bien plus que ce qui était prévu car, au-delà des exposés et des échanges entre les différents acteurs, les engagements pris par les uns et les autres et les accords que le Congo a pu arracher apportent une plus-value à cette première édition du forum Build Africa Contre les 400 invités attendus, un millier est arrivé, a indiqué Richard Attias, l’organisateur des événements internationaux qui a travaillé pour ce forum. Certains sont venus pour copier les expériences des autres, d’autres ont fait le déplacement de Brazzaville pour proposer leur expertise. Mais tous ont utilement échangé sur les thématiques qui ne s’arrêtaient pas qu’aux seules infrastructures. En effet, ce ne sont pas des propos d’architectes qu’il s’est agi durant les deux jours au Palais des congrès de Brazzaville, mais de bien plus. Des problématiques aux propositions concrètes Ministres, chefs d’entreprises, bailleurs de fonds, porteurs de projets, experts et représentants de cabinets-conseils, facilitateurs, etc., se sont succédé à la tribune, comme que le voulait le programme, avec des interrogations et des réponses concrètes. Comment le développement des infrastructures peut-il soutenir la création d’emplois ? Les partenariats public-privé, PPP, sont-ils aussi pertinents qu’on le croit ? Comment reconstruire aussi durablement après des catastrophes ou des conflits ? Comment l’organisation des événements sportifs internationaux peut-elle développer le tourisme et accélérer la construction des infrastructures ? Faut-il tout privatiser ou doit-on laisser l’État gérer certains secteurs clés de l’économie ? Quelle place pour la main-d’œuvre locale dans le développement du continent ? La diversité des propositions émanant des uns et des autres en guise de réponses aux interrogations porte à croire qu’il est difficile de définir un meilleur modèle de développement ; que celui-ci ne se constate que lorsqu’il y a réussite ; que certaines entreprises ont mis du temps pour asseoir leur notoriété là où d’autres, pour n’avoir pas pris de risques, peinent à s’imposer. Finalement, il est apparu que bien des enjeux contribuent à l’échec ou au succès des politiques ou projets. Le plaidoyer du ministre Jean-Jacques Bouya sur le statut des compagnies aériennes et le débat qui a suivi étaient édifiants. Interrogé sur les obstacles de la reconstruction après une catastrophe ou un conflit, le ministre Claude-Alphonse Silou a dit, s’appuyant sur l’expérience de la République du Congo, que « l’homme est un premier obstacle après toutes les tracasseries administratives et de levée des fonds ». Tirant un lien entre stabilité et investissement, un autre intervenant, en réponse à une question similaire, n’a pas manqué d’évoquer « la bureaucratie qui freine bien des initiatives en Afrique ». Et cet engagement de former dix Congolais au management des sports ? C’est pour ne pas marginaliser certains acteurs qui, faute d’argent, ont malgré tout une expertise avérée, que le représentant de Summa (Turquie) a déclaré : « Il est nécessaire de bâtir une passerelle entre les PME et les grandes entreprises ». Les exemples qu’il a présentés à l’auditoire ont attesté du succès rencontré par son pays après la mise en œuvre de cette politique. Léon-Alfred Opimbat, un autre ministre congolais passé à la tribune, a expliqué les enjeux qui entourent la construction du complexe sportif de Kintélé dont le coût, on le sait, est d’environ 380 milliards FCFA. Une ambition qui contraste avec les performances des athlètes du pays. Comment est-ce possible et que faire pour relever le niveau des sportifs ? Selon les chiffres publiés, près de 8 000 athlètes sont attendus pour près de 2 000 autres personnes (officiels, encadreurs, journalistes, etc.). Un vrai challenge pour le Congo, même si Diamil Faye, dans un rôle de défenseur, a signifié que « porter une candidature n’est pas synonyme de l’organisation des Jeux ». Fondateur et PDG de Jappo Sport Consulting, il a aussi ajouté que « les bons résultats sportifs se construisent sur deux éléments importants : les infrastructures et la formation ». Devant cette réalité, le représentant du Groupe Alliances du Maroc, spécialisé dans le management des événements sportifs, a proposé la formation (gratuite !) de dix Congolais au management de sport. Dans son exposé, il a également insisté sur le spectre de l’éléphant blanc qui caractérise généralement l’Afrique. Un avertissement au gouvernement congolais qui doit réfléchir à la rentabilité du complexe en construction. La sortie de l’ombre pour les Africains À l’actif de ce rendez-vous de Brazzaville, le fait d’avoir permis aux Africains de se rencontrer. C’est peut-être trop dire. Ce qui est certain, c’est que sur ce continent qui se cherche, peu nombreuses sont les entreprises africaines qui accèdent aux marchés. Rares sont les opérateurs économiques africains qui tirent leur épingle du jeu. Pourtant Build Africa a permis de découvrir que l’Afrique a son expertise. À côté des grands groupes européens, américains, asiatiques, du Proche ou du Moyen-Orient, quelques groupes africains ont retenu l’attention du public. Si le forum de Brazzaville peut servir de déclic, il n’est pas impossible que les nombreuses grues qui dominent les villes africaines laissent flotter des pancartes d’entreprises aux mains d’Africains. À propos des villes africaines, une problématique au cœur des débats de Brazzaville, les experts qui sont intervenus ont non seulement dit ce qu’ils pensent, mais fait des propositions aux décideurs pour que le continent affiche un nouveau visage urbain. Tout un engagement. Ce que l’on retiendra… C’est que la formation de la jeunesse et d’une élite africaines est revenue sur toutes les lèvres. Presque. Experts étrangers et du continent, le président Denis Sassou-N’Guesso et les anciens chefs d’État du Sénégal, Abdoulaye Wade, et du Mexique, Vicente Fox, l’ont expliqué suffisamment. Jocelyn-Francis Wabout |