Architecture d’intérieur : Xavier Lust offre un regard neuf sur le designMardi 11 Février 2014 - 20:00 Tenu à raison pour une figure majeure du design belge et international, il a présenté Un design au-delà des mots et des frontières donnant, au travers de deux conférences animées successivement, les 7 et 8 février, au Centre Wallonie-Bruxelles puis à l’Académie des beaux–arts (ABA), un véritable coup de projecteur sur le design et sa pratique personnelle. Designers et amateurs d’art de Kinshasa ont indiscutablement trouvé leur part dans le propos du designer belge célèbre pour ses (dé) formations de surfaces métalliques. Concepteur de mobilier, de mobilier urbain et de design industriel avec le doigté d’un artisan, il n’a de cesse de marquer le domaine de l’architecture d’intérieur par ses créations dotées d’une mystérieuse délicatesse. Dans sa présentation de son concept du design, discours en guise d’introduction, Xavier Lust a, d’entrée de jeu, tenu la « fonctionnalité, la beauté, la technologie et la culture » pour les « quatre paramètres indissociables d’une œuvre de design ». Et Xavier d’expliquer : « Si l’un d’eux n’est pas présent, par exemple si la fonctio nnalité n’est pas juste, si le prix de revient n’est pas adapté à la diffusion, cela ne fonctionnera pas sur le plan commercial ». Il préciseici que « le design est une démarche liée à la diffusion de mobiliers ou d’objets utiles ». Après ce préambule qui avait tout sons sens, Xavier Lust s’est étendu sur sa pratique personnelle, une belle opportunité pour l’assistance d’apprendre de ce designer avant-gardiste qui a cumulé deux bonnes décennies d’expérience. Parti de la genèse de son parcours, son cursus universitaire, à savoir ses études supérieures en architecture intérieure à Saint-Luc (Bruxelles 1988-1992), jusqu’à sa plus récente actualité, le discours est paru particulièrement enrichissant pour les étudiants en design de l’Académie des beaux-arts où Xavier Lust a fait salle comble. Diapositives à l’appui, l’assistance a vu défiler sous ses yeux les premières réalisations faites avec des matériaux de récupération et, par-delà, se rendre compte du cheminement de l’orateur étape par étape. Le designer a tour à tour mis la lumière sur ses premières expérimentations sur la matière, ses recherches, les assemblages et les prototypes réalisés entre 1990 et 1996 et l’ensemble des réalisations à son actif jusqu’ici. Les commentaires auxquels l’assistance a eu droit, à chaque œuvre présentée, ouvrait largement la porte sur l’univers de création de Xavier Lust à partir de Dyane. Il s’agit d’un tabouret fait d’un assemblage de matériau de récupération, une Citroën Dyane dont a été extrait la colonne de direction, le volant et le disque de frein, son œuvre initiale de 1989 qualifiée d’« essai pour le plaisir ». Dans la foulée de la présentation de ses créations, prototypes et essais de tables et chaises de formes diverses et pas seulement, il lui arrivait d’évoquer avec force et détails les processus des expériences originelles, quitte à souligner à l’adresse des étudiants qu’il faut « de la patience et persévérer dans le métier » pour des résultats probants. Ainsi Xavier Lust en est venu à parler de Paradoxe Mobile, un paravent créé en 1990 (en trois exemplaires) et vendu cinq ans plus tard, qui s’est révélé son « premier succès ». Il affirme ici d’expérience qu’ « avec une disqueuse et un poste à souder, on peut faire mille choses… Et dans le cas d’une production sérielle, c’est très rapide ».
Quand le génie s’exprime La différence entre le design et l’artisanat, une question abordée dans les détours de sa communication, a conduit le designer à évoquer un épisode de la naissance du design au travers du Viennois Michael Thonet avec son procédé de fabrication consistant à courber sous pression à vapeur (exemple de la fameuse chaise Thonet). Il l’a cité comme le premier à s’être engagée dans la voie du design tel que perçu de nos jours par le biais de la production en série, élément de différenciation entre le design et l’artisanat. Xavier Lust a tenu la création de la marque X-Lust, entre 1996-1997, comme la seconde étape de son parcours. La rencontre d’importateurs de meubles italiens de marques très prestigieuses prêts à assurer la distribution de ses créations dans les magasins de design avec Virgo comme premier projet. Il s’agit d’étagères en acier soudés dans lesquels il fallait placer soit des vitres (petits modèles), soit du bois (grands modèles). Au bout de quelques années, des problèmes de rentabilité et de production l’avaient convaincu de ne pas poursuivre sur cette lancée. L’expérience accumulée entre-temps fera qu’en 1999, une « intuition divine » l’a porté à essayer un « système incroyable, le pliage du métal en 3D ». À ce jour, « l’expression la plus simple de ce procédé » s’observe dans l’une de ses œuvres les plus marquantes, à savoir Le Banc. « La pièce qui m’a fait passer dans le monde de l’édition en Italie », reconnaît-il. Et Xavier de marteler ici que le procédé utilisé, en fin de compte, ne demandait pas l’usage de nouvelles technologies et que l’on doit pas croire « qu’il faut de nouvelles technologies pour innover, c’est une erreur ». Et il poursuit : « L'autre grande erreur c’est de croire que tout a déjà été fait dans le passé et que l’on ne peut plus rien inventer. C’est faux car avec de l’imagination, l’on va partout. Tout est possible avec ses mains, des matériaux très simples même ici au Congo, il n’y a pas de complexe à se faire. L’on peut petit à petit s’avancer vers des choses formidables ». Design Fab Kinshasa Notons que les conférences animées par Xavier Lust le week-end à Kinshasa étaient une initiative conjointe du Palais des beaux-arts de Bruxelles (Bozar) et de l’Académie des beaux-arts (ABA) de Kinshasa. Elles participaient au projet « Design Fab Kinshasa », une plate-forme conçue pour l’ouverture et la sensibilisation au design en RDC. Et les deux rencontres qui ont chacune accueilli grand monde s’inscrivaient dans le cadre des contributions théoriques dudit projet. Les workshops prévus en trois phases entre mai et novembre avec Xavier Lust en constitueront la seconde étape. Les rencontres autour d’Un design au-delà des mots et des frontières sont le premier jet d’une ambitieuse démarche à laquelle prendront part des praticiens confirmés, créateurs, artistes et designers. Au travers de « Design Fab Kinshasa », le Bozar et l’ABA poursuivent un triple objectif. Ils entendent de la sorte « révéler de nouvelles compétences à développer de manière spécifique dans le domaine du design en RDC » quitte à « encourager la production d’un design de qualité , que ce soit au niveau de la réalisation ou de la finition ». Ce, dans le but légitime de « valoriser le travail et augmenter la visibilité des designers congolais sur le plan international ». Les prochains workshops seront à destination des jeunes designers diplômés, des étudiants en dernière année mais aussi des spécialistes en architecture d’intérieur et/ou design métal battu capables de travailler en modelage, céramique, métaux, bois, béton, fonte, etc. Pour être inscrits dans les prochains ateliers, ils sont dès lors tenus d’envoyer « une note de motivation, trois images de leurs trois meilleurs projets par email à designfabkin@bozar.be (3mb max par image) » le 15 mars au plus tard. Les sélectionnés seront tenus au courant de leur sort par courrier, un thème de travail leur seront communiqués le 2 avril. La cerise sur le gâteau, au terme des workshops avec Xavier Lust suivi de la sélection finale des œuvres, ce sera les expositions à Kinshasa, Bruxelles, et (peut-être) à Milan de janvier à avril 2015. Nioni Masela Légendes et crédits photo :Photo 1 : Xavier Lust en conférence le samedi 8 février à l’ABA
Photo 2 : Paradoxe Mobile
Photo 3 : Le Banc, pièce en aluminium courbé, en version laqué rouge brillant, usage extérieur
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