Circulation routière : l’injure, un outrage ou bien un défouloir pour les chauffeurs ?

Vendredi 21 Février 2014 - 21:38

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Montez dans un taxi, un autobus ou embarquez simplement dans la voiture d’un ami, vous ne ferez pas un kilomètre sans qu’une injure ne soit distribuée. Personne n’est épargnée par ce comportement, qui n’est pas que le propre des transporteurs en commun, car même des personnes dignes de considération versent dans ce travers dès qu’elles montent au  volant

En effet, à Brazzaville, mais aussi à Pointe-Noire, il est fréquent d’entendre « Maman na yo » (« Ta mère ! » en français), « Mwana makango ! » (« Bâtard ! »), « Zoba ! » (« Idiot ! », etc. Il est vrai que ces adversaires de circonstance n'en arrivent aux mains que rarement. « C’est une façon pour nous de nous défouler, parce, voyez-vous, nous sommes au volant toute la journée. Et c’est stressant. Faire cela nous permet de nous relaxer », explique un chauffeur de taxi.

Qui s’assemble se ressemble, dit l’adage, bon nombre d'usagers de la route ont adopté ce comportement. Cachés derrière leurs vitres, parfois fumées, certains citoyens n’hésitent pas à les baisser et à sortir la tête pour une petite seconde à consacrer à l’injure. Même sans baisser la vitre, le geste de la main ou le klaxon renseigne sur les propos non entendus.

Oui à l’injure, non à la bagarre !

Dans ce que d’aucuns considèrent comme un sport, les bagarres ne manquent pas malgré les règles de jeu qui les interdisent. « Il ya des gens qui perdent facilement leur calme et prennent les autres au collet pour engager la bagarre. Il s’agit de nouveaux arrivants dans la circulation. Mais ceux-là ont parfois la malchance d’être pris à partie par les autres conducteurs. »

Ces hommes qui ont dans leurs mains la vie de ceux qu’ils conduisent surprennent parfois, d’autant plus que la loi congolaise proscrit toute injure publique et expose tout contrevenant à une amende. Interrogé sur ce comportement honteux qui devient une tradition, les promoteurs des auto-écoles rejettent toute responsabilité avant de faire observer la différence à faire entre la formation et l’éducation. « Celui qui injurie dans la rue ne fait que trahir son éducation. Ce n’est pas une formation reçue au niveau de l’auto-école. En tant que formateurs, nous ne pouvons pas encourager les conducteurs à proférer des injures. Ce n’est pas possible et ce n’est pas de notre ressort », a expliqué Jonas Babindamana, promoteur d’une auto-école.

Vers l’institution d’une pénalité

Une injure est une parole offensante adressée à une personne dans le but de la blesser délibérément en cherchant à l'atteindre dans son honneur et sa dignité. Malgré sa proscription par la loi, surtout lorsqu’elle est publique, pourquoi ce comportement demeure-t-il impuni, surtout lorsque cela se passe sous le regard des agents de police ? C’est pour mettre un terme à ces travers que la police a initié depuis quelques mois des séminaires de sensibilisation. Une réflexion est engagée s’il faut ou non instituer une pénalité. « Dorénavant, pour celui qui injure son voisin, on relève son immatriculation et il sera sanctionné. Bientôt les tribunaux vont juger de ces petites infractions », a annoncé un formateur qui a requis l’anonymat.  

Ce que dit la loi

Comme la diffamation, l'injure peut constituer un délit ou une contravention selon les conditions dans lesquelles elle est proférée et peut être passible de peine de prison ou d'amende. En particulier, la gravité des sanctions varie selon qu'elle est publique ou non, qu'elle est ou non précédée de provocations de la part de la personne injuriée, et selon la qualité de la personne à laquelle elle s'adresse selon qu'il s'agit d'un particulier, d'un fonctionnaire ou d'une institution, par exemple. L'injure crée automatiquement un préjudice à l'encontre de la personne injuriée. Le code pénal (article R.621-2) fait de l'injure non publique une contravention de première classe, soumise à une amende.

Parfait-Wilfried Douniama