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Anne-Émilie Carlos-Poto : une femme en avance sur son temps

Dimanche 2 Mars 2014 - 23:45

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Cette femme dynamique et pleine d’énergie a tissé sa toile très tôt et s’est constituée un réseau international. Dotée d’une solide expérience professionnelle dans les affaires, elle est aujourd’hui à la tête de Consult Trade, une société de consulting et d’import-export qu’elle a créée à Brazzaville en 2002. Femme d’affaires avisée, Anne-Émilie Carlos-Poto se considère comme une femme épanouie, mais toujours prête à affronter de nouveaux challenges, notamment en politique. Rencontre avec une femme aux multiples facettes

Anne-Émilie Carlos-Poto, directrice générale de Consult Trade Anne-Émilie Carlos-Poto, qui se dit être une enfant de l’indépendance (elle est née en 1960) est le produit d’un métissage culturel. « Je suis une métisse, et je trouve que tout être humain est métissé. Cela veut simplement dire que je peux aller partout et me sentir chez moi », confie-t-elle aux Dépêches de Brazzaville.

La chef d’entreprise a passé une grande partie de sa jeunesse en Belgique, où elle a étudié et obtenu une licence en gestion des entreprises et sciences de l’information et une maîtrise en management dans les meilleures institutions scolaires supérieures de Bruxelles. « J’ai estimé que toutes ces disciplines étaient complémentaires. Être chef d’entreprise suppose qu’on est un fin communicateur et un habile manager. J’ai compris très jeune que suivre toutes ces formations me permettrait de développer mes capacités et réaliser mes ambitions. »

C’est lorsqu’elle était étudiante en gestion des entreprises qu’Anne-Émilie a découvert le monde de la communication. Passionnée par la com, elle effectuera plusieurs stages, notamment dans le secteur du bâtiment au sein de la société Ilpa, une société de construction bruxelloise qui a à son actif la construction de l’hôpital de Dolisie, que sa société Consult Trade a du reste réhabilité il y a quelques années. Après cette expérience dans le secteur du bâtiment, elle réintègre le domaine de la communication dans une société luxembourgeoise et travaille avec le célèbre journaliste sportif belge Michel Lecomte à la Radio-Télévision belge francophone. « Mon travail consistait à redorer l’image de marque d’une personne ou d’une société. Je devais à cette époque redorer l’image écornée des Lions indomptables qui venaient de perdre la Coupe d’Afrique », se rappelle-t-elle. Il sied également de signaler son passage dans le Groupe Pierre Otto-Mbongo, où elle a eu à développer ses talents dans le domaine du négoce et à apporter sa vision dans le cadre des activités du groupe.

Le retour au pays

À la fin de ses études en 1983, elle rentre au pays avec son fiancé, décidée à mettre en pratique les différentes formations suivies en Europe. Fille de la célèbre femme d’affaires congolaise Mama Poto, c’est tout naturellement qu’elle intègre la société familiale, composée d’une usine de production de pagnes, la S-Intexkin, d’une société de commercialisation de pagnes et de l’Usine de panification de Kinshasa (Upak). « Ma mère était mon amie, ma confidente, j’ai beaucoup appris auprès d’elle. Mon père m’a légué son sens de prévenir les événements dans le cadre des affaires. C’est ainsi que je suis souvent en avance sur mon époque, comme il l’était à la sienne. »

Néanmoins, c’est au bas de l’échelle qu’elle débute dans l’entreprise familiale : « J’ai commencé comme simple vendeuse. Puis, comme je m’intéressais à tout ce qui est artistique, je suis passée au service dessin. Je ne sais pas dessiner, mais j’ai appris auprès d’un groupe de bons dessinateurs. Là, j’ai voulu créer un service de communication, mais cela n’a pas été bien perçu, car à l’époque la publicité ne semblait pas utile à l’entreprise. La marque était déjà bien ancrée dans les esprits. »

Après un passage dans toutes les directions de l’entreprise de conception de pagnes, Anne-Émilie intègre l’Upak où elle exerce son management « avec un peu plus de liberté ». Elle opère par la suite un retour dans l’usine de production de pagnes au poste de directrice commerciale. Entretemps, toujours dotée de l’esprit d’entreprise, elle avait déjà créé sa propre boutique d’habillement, Les Folies de Zelda, fréquentée aussi bien par les autorités que par les jeunes branchés du pays.

Participation significative à la reconstruction

En 1998, le Congo-Brazzaville sort de la guerre. Tout est à refaire et à rebâtir. Anne-Émilie Carlos-Poto, toujours en avance sur son temps, crée Consult Trade afin d’inciter les investisseurs à venir participer à la reconstruction du pays. Elle convainc le groupe Bouygues de se rendre au Congo. Les deux partenaires créent la Société de gestion d’électricité du Congo et installent l’éclairage public.

C’est également grâce à elle et à ses partenaires que le pays se dote de ses nouveaux documents de valeur. Elle se lance aussi dans la fabrication d’imprimés sécurisés : « Chaque fois que je me lance dans un domaine, je me forme pour mieux en appréhender les contours. C’est ainsi que je suis allée à Lyon, en Suisse et à Paris pour apprendre. »

Les valeurs de respect de l’autre, d’humilité, d’amour du prochain et de tolérance lui ont permis de gagner la confiance et le respect de ses nombreux partenaires avec qui elle collabore jusqu’à aujourd’hui.

Complémentarité homme-femme

Épouse comblée et femme d’affaires accomplie, Anne-Émilie Carlos-Poto se veut être le symbole de la femme africaine moderne universelle, même si elle avoue être « un peu de la vieille école » face à certaines prises de position. « Est-ce un héritage de ma mère ? Peut-être. Toujours est-il que je pense que dans le foyer, l’homme doit avoir un peu plus d’aura que la femme et cette dernière lui vient en appui. Les femmes doivent se mettre en tête que l’homme et la femme sont complémentaires. » C’est ainsi que de retour d’Europe avec son fiancé, fait-elle savoir, elle a refusé une offre d’emploi afin d’attendre que le futur père de ses enfants puisse avant tout trouver du travail. Néanmoins, précise-t-elle, « je suis un peu féministe, et je sais quand il faut l’être ».

Pour la directrice générale de Consult Trade, la journée du 8 mars consacre la lutte de l’émancipation de la femme et de sa liberté : « La femme peut aujourd’hui accéder à n’importe quel poste et exercer n’importe quel métier, autant que l’homme. C’est une grande évolution. » Dans ce sens, elle félicite l’action que mène le président Denis Sassou-N’Guesso pour promouvoir et valoriser le rôle de la femme dans la société.

Femme active et afro-optimiste, Anne-Émilie Carlos-Poto a désormais comme priorité l’éducation en Afrique qui, pour elle, est aujourd’hui en régression. Cette éducation, souligne-t-elle, concerne aussi bien les enfants que les adultes. Pour ce faire, indique-t-elle, les dirigeants du continent devraient mener des actions pour permettre à la jeunesse africaine d’avoir un avenir meilleur. Elle-même se dit très tentée par une carrière politique afin d’apporter « quelque chose de plus ». « Je suis une femme épanouie, mais je ne pourrai être heureuse que si mon voisin vit dans de bonnes conditions », conclut-elle. 

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Anne-Émilie Carlos-Poto, directrice générale de Consult Trade ©DR