Agriculture : les maraîchères de Kingabwa Ngwele réclament la restitution de leur site agricole

Samedi 22 Mars 2014 - 14:54

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Pour la sauvegarde des espaces publics, note-t-on, seule la volonté politique des pouvoirs publics pourra mettre fin à l’anarchie déplorée dans le domaine foncier gangrené par des spoliateurs de tout acabit.

La décision du gouverneur, André Kimbuta, de geler tout nouveau lotissement à Kinshasa est très attendue dans son exécution par les femmes maraîchères du site agricole de Kingabwa Ngwele dans la commune de Limete. Ce site est en train d’être spolié par certaines autorités tant civiles que militaires qui y construisent des maisons de type résidentiel. Ce site, raconte-t-on, a été octroyé aux paysans de Kingabwa sous le régime du feu maréchal Mobutu vers les années 1970. Du riz de grande qualité en passant par les légumes, haricots, manioc, gombo, piment et divers autres produits agricoles frais, tout est produit sur ce site qui alimente tant Kinshasa que l’arrière-pays.

« C’est depuis plus de trente ans que les maraîchères travaillent paisiblement sur ce site. Les choses ont commencé à se gâter lorsqu’en 2006, un fonctionnaire retraité du ministère des Affaires foncières a commencé à revendiquer, sur base de faux documents, le droit de propriété sur ce site avec la complicité de certaines autorités publiques », explique Charlotte Mulumba Ntumba, membre du comité des paysans de Kingabwa. Et de poursuivre : «  Et pourtant, ce terrain marécageux est régulièrement inondé d’eau durant une partie de l’année et n’est pas approprié pour la construction des maisons d’habitation ».

Au-delà de son usage agricole, le site de Kingabwa Ngwele est aussi, selon l’ONG « les amis de la nature », un espace vert mis en réserve depuis l’époque coloniale. Il procure de l’oxygène et de l’air frais aux habitants de Kinshasa. Il s’agit donc d’un des poumons de la capitale qui sert également de lieu de reproduction de poissons. Pour la sauvegarde du site, des multiples démarches ont été menées auprès des autorités gouvernementales sans succès. Et quoique le chef de l'État ait donné des instructions pour mettre fin à la spoliation de ce patrimoine public, rien de concret n’a été fait. « Notre cri d’alarme ne trouve toujours pas d’écho favorable. Au contraire, les policiers qui occupent indûment ce site continuent à nous violenter et à détruire nos récoltes », s’est plaint une autre maraîchère. 

Une taxe pour accéder au champ

Une source proche de l’ONG fait observer que si l’on n’y prend garde, quelque mille paysans dont 700 femmes risqueraient de se retrouver au chômage et sans moyens de subsistance du fait de la spoliation de leur terre. Conséquence : Kinshasa sera ainsi privée d’un important centre de production des produits vivriers. Au moment où la communauté internationale fait de la violence faite aux femmes son cheval de bataille, les mamans maraîchères continuent de faire les frais du zèle des policiers commis à la surveillance du site. « Elles sont privées de leur travail par les militaires et policiers qui leur exigent une taxe allant jusqu’à 5.000 FC pour accéder à leurs champs. Le produit de leur récolte est arraché et vendu par les policiers », indique Théodore Mudikongo, secrétaire général du syndicat des travailleurs de développement du Congo. En septembre 2023, un député national du PPRD, élu du Mont Amba, qui avait tenté de défendre la cause de ces pauvres femmes avait été arrêté et battu par des policiers faisant fi de ses immunités parlementaires.

Pour la sauvegarde des espaces publics, seule la volonté politique des pouvoirs publics peut mettre fin à l’anarchie déplorée dans le domaine foncier, fait remarquer le président de l’Union des agriculteurs du Congo. Il se soucie de la spoliation des terres agricoles par des particuliers sous la barbe de l’autorité étatique qui, selon lui, ne fait pas suffisamment dans ce domaine. « Une chose est de décider de protéger les terrains d’usage public, une autre est de faire régner l’autorité de l’État en mettant hors d’état de nuire tous les spoliateurs », a-t-il ajouté.                    

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Des mamans maraîchères en pleine récolte