Opinion
- Éditorial - Les Dépêches de Brazzaville
- Réflexion - Jean-Paul Pigasse
- Le fait du jour - Gankama N'Siah
- Humeur - Faustin Akono
- Chronique - Boris Kharl Ebaka
- Brin d’histoire - Mfumu
- Tribune libre - Sergueï Lavrov
- Idées-forces - Les Dépêches de Brazzaville
- Analyse - Xinhua
Le spectre de La BauleVendredi 19 Décembre 2014 - 13:00 En 1989, à la Baule, le président français François Mitterrand conditionnait l’aide à la capacité des États africains à se démocratiser. On se souvient que seuls le Benin, le Congo, notre pays, et le Congo-Kinshasa s’engouffrèrent dans la voie des conférences nationales. On sait ce qu’il advint dans ces deux derniers pays : la déchirure. Le Congo a payé au prix fort cette démocratie de commande. Des guerres à répétition, un État exsangue et une population traumatisée. Voilà à quoi aboutissent les injonctions et les diktats de l’extérieur qui ne tiennent pas compte des réalités intrinsèques de chaque pays. Le nôtre en a fait l’amère expérience. Heureusement, il a pu exorciser les démons de l’anomie. Par son génie propre, et surtout, on a tendance à l’oublier, grâce à Denis Sassou Nguesso, il a pansé ses plaies, et la paix retrouvée, les exilés sont rentrés sans rendre compte de leurs égarements. Le Congo, dans un désir d’apaisement, s’est résolument lancé dans l’immense tâche de reconstruction d’un pays détruit par l’inconscience d’une classe politique dilettante. Les récents discours de l’actuel président français charrient les limons de cette intrusion permanente de l’ancienne métropole dans la gestion des États francophones souverains. Le 27 novembre dernier au palais de l’Élysée lors d’une interview aux médias français, François Hollande déclarait : « On ne peut interdire à des chefs d’État de se représenter plusieurs fois au scrutin ! Ce que je n’accepte pas, comme d’ailleurs les populations concernées, c’est qu’on puisse, au dernier moment, alors qu’il y a une règle constitutionnelle, la modifier. Surtout quand la règle constitutionnelle a été approuvée par référendum ». À Dakar, lors du 15ème Sommet de la Francophonie, le président français enfonçait le clou : « Là où les règles constitutionnelles sont malmenées, là où la liberté est bafouée, là où l’alternance est empêchée, j’affirme, ici que les citoyens de ces pays sauront trouver dans l’espace francophone le soutien nécessaire pour faire prévaloir la justice, le droit et la démocratie… » Commentant ce discours, certains hommes politiques à la petite semaine en ont déduit, avec une délectation morbide, que cette saillie s’adressait au président Sassou Nguesso. Quelle impéritie ! Inadmissible pour des hommes qui se voient califes à la place du calife et polémiquent sans réfléchir. Heureusement que François Hollande reconnaît au peuple, malgré lui, la capacité de remettre en cause, par un référendum, un texte qu’il avait lui-même adopté. Hélas, nos politiciens, dans leurs lubies, se prennent pour le peuple et s’instituent peuple, poussant des cris d’orfraie pour dire non à un éventuel référendum. Risible que tout ça ! Au moment où le débat sur la réforme des institutions bat son plein, le peuple congolais, le vrai, ne doit pas oublier qu’il vient de loin. Il a le devoir de refuser de céder aux sirènes de certains charlatans dont les mixtures mortifères ont causé bien de dégâts dans un passé récent. Faut-il le répéter ? Le Congo n’est pas le Burkina Faso. Deux pays, deux trajectoires, deux histoires antinomiques. Arrêtons cette inclination fantasmagorique de la comparaison inepte et inappropriée. Après le fameux discours de la Baule, le Congo a connu une guerre insensée et meurtrière. Les larmes et le sang ont coulé. « Les larmes et le sang des autres », celles du peuple congolais, victime expiatoire des élucubrations des protagonistes qui s’en sortent souvent sans égratignures. Dieu merci, nous sommes sortis de cet épisode tragique qui a laissé des traces indélébiles dans nos têtes. Il ne faut pas tenter le diable deux fois. Donnons un sens à notre destin collectif sans objecteur de conscience extérieur. Pour les ambitions de quelques aigris et les relents phobiques de leur aversion pour un homme, avons-nous le droit de laisser en place une constitution caduque, au regard de l’évolution endogène qui impose une nécessaire adaptation ? Non, évidemment. Le changement de la Constitution de 2002 est à la confluence de la nécessité et de la pertinence. Barré par l’âge dans son pays, le candidat congolais malheureux à la présidence de l’Oif (Organisation internationale francophonie), de l’avis général de ses concitoyens, était bon pour le service, en dépit de ses 76 ans. N’y a-t-il pas là un paradoxe ? Faut-il aussi rappeler que dans cette tranche d’âge, le Congo a des ressources indéniables ? Au demeurant, ce qu’il nous faut redouter, après Sassou Nguesso, ce n’est pas tant le vide que le trop plein de candidats immatures, sans envergure, sans génie, sans idée ni hauteur de vue, prêts à en découdre entre eux, par tous les moyens, pour satisfaire leur soif inextinguible de pouvoir. « Leur dénominateur commun, le même comportement hautain, la même vanité et le même égocentrisme excessif ». C’est la casse en perspective ! Avons-nous besoin de ça ? Non. Les gesticulations ne font pas un homme d’État, cette ascèse. Mfumu Edition:Édition Quotidienne (DB) |