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Message du président de la République à l'audience solennelle de rentrée judiciaire de la Cour suprême

Lundi 15 Janvier 2024 - 16:30

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  • Monsieur le premier président de la Cour suprême ;
  • Monsieur le procureur général ;

Quatre ans après la proclamation de la République du Congo, notre pays s’est doté d’une Cour suprême qui a engagé, dès sa création, le pari de sa montée en puissance et l’ambition de sa modernisation.

Voilà 62 ans que la Cour suprême surplombe les cimes de la justice congolaise, tout au long d’un parcours marqué par d’importantes avancées.

Aussi, l’audience solennelle de rentrée judiciaire de la Cour suprême procède-t-elle de la volonté de permettre chaque année, à la plus haute juridiction nationale, de rendre compte de ses activités.

Cet événement judiciaire, qui fait partie des us et traditions des plus hautes juridictions judiciaires ou administratives, permet à la Cour suprême de mettre fin à cette longue léthargie et d’être en devoir de rendre compte de ses activités.

Cette exigence de redevabilité prend toute son envergure dès lors que le droit d’ester et de s’entendre rendre justice est inscrit en bonne place dans notre Constitution.

En effet, le peuple congolais, dans l’exercice de sa souveraineté, a retenu un triptyque qui sous-tend la véracité et l’effectivité de notre démocratie, à travers :

  • le pouvoir exécutif ;
  • le pouvoir législatif ;
  • le pouvoir judiciaire.

Le pouvoir judiciaire est consacré par la Constitution du 25 octobre 2015.

C’est pourquoi la justice n’est ni un slogan ni une vue de l’esprit. Elle est plutôt un réel besoin dont la satisfaction se mesure à partir de ce qu’en disent la cité et les parties impliquées dans les différents procès.

Une justice libre, indépendante, juste et équitable, rendue par des magistrats, à tous égards, dignes de confiance, demeure une quête permanente qui privilégie uniquement le triomphe de la règle de droit.

Dès lors, la loi s’impose à vous, ce qui implique qu’elle doit être respectée de la manière la plus stricte.

Respecter la loi est donc, pour le juge, un devoir sacré.

Ainsi, je vous renvoie à vos devoirs de juge en matière de bonne gouvernance juridique et judiciaire et de bonne administration de la justice.

L’éradication de tout ce que j’ai dénoncé sans cesse, en termes d’antivaleurs, demeure encore, à ce jour, une question d’actualité.

L’administration judiciaire doit l’inscrire au fronton des palais de justice et dans ses bureaux, puis en faire un point d’ordre du jour permanent de son travail quotidien.

En outre, je vous invite à améliorer fondamentalement les délais de jugement.

Vous devez combattre la lenteur qui érode l’image de la justice, ronge sa notoriété et peut, si l’on n’y prend garde, ruiner sa crédibilité devant l’opinion.

Avec près d’un millier de magistrats en fonction dans les cours et tribunaux et en attendant l’arrivée de nouveaux auditeurs de justice, le pari de la célérité et de l’efficacité dans le traitement des affaires peut et doit être gagné.

A l’évidence, je proscris sans réserve une justice hâtive et précipitée, souvent aux desseins inavoués.

Ce n’est pas cette justice que l’Etat congolais attend pour son peuple et tous ceux qui ont choisi notre pays comme terre d’accueil.

Votre responsabilité, mesdames et messieurs les magistrats, d’œuvrer à endiguer toutes formes de comportements infractionnels n’a de bornes que l’avènement d’une ère de plus grande confiance en vous et en la justice dont vous êtes les principaux animateurs.

  • Monsieur le premier président de  la Cour suprême ;
  • Monsieur le procureur général ;

De ce qui précède, convenons que la justice est également un régulateur pour l’économie, en particulier en ce qu’elle apporte, aux investisseurs, entrepreneurs et partenaires au développement, la sécurité et la garantie juridique attendues et espérées au sein de l’Etat de droit.

A ce propos, depuis l’antiquité, l’on considère que les magistrats sont toujours exposés au virus de la corruption. 

Sous la Grèce antique, par exemple, le délit de vénalité visait, entre autres, les magistrats lors de la reddition des comptes.

Platon condamne sévèrement la corruption, exigeant, je cite, que « ceux qui remplissent quelque fonction envers la Cité doivent la remplir sans recevoir un cadeau ».

Puis, il énonce comme loi de « ne pas accepter des cadeaux à l’occasion d’un service public. Qui n’obéira pas sera, une fois convaincu, mis à mort sans rémission ».  Fin de citation.

De nos jours, l’Etat perd systématiquement les procès qui engagent ses intérêts.

Il en est de même des grandes entreprises.

Je voudrais me tourner vers les huissiers de justice chargés de l’exécution des décisions et autres sentences.

A leur attention, je réitère que la mission de poursuivre l’exécution des décisions de justice ne peut s’accommoder de tout ce à quoi nous assistons ces derniers temps. Il s’agit particulièrement des frais exorbitants que les huissiers de justice font payer à celles des parties perdantes.

A cela, il faut ajouter leur propension et leur acharnement à saisir les comptes en banque des parties perdantes, les rendant, en totalité, insusceptibles de tout mouvement.

Certains huissiers s’illustrent par ces pratiques éhontées qui anticipent ou n’attendent jamais ni les effets du pourvoi en cassation engagé, ni encore moins la fin de la procédure.

De tels comportements, qui n’honorent guère le système judiciaire, ont conduit, sous d’autres cieux, à l’effondrement et à la ruine de pans entiers de l’économie nationale.

Au Congo, les opérateurs économiques doivent se sentir en sécurité s’agissant de leurs activités, d’où la nécessité de toujours veiller à améliorer régulièrement le climat des affaires.

Tout comme le magistrat, l’huissier de justice doit être un homme d’honneur, respectueux des lois et règles de son métier.

Ici, se construit le socle de confiance et d’assurance dont l’attractivité rythme la mobilisation des investissements étrangers en faveur du Congo. C’est la responsabilité du pouvoir judiciaire  qui n’a que trop porté préjudice à l’image et la crédibilité de notre pays vis-à-vis des partenaires au développement.

  • Monsieur le premier président de la Cour suprême ;
  • Monsieur le procureur général ;

La garantie et la sécurité juridique et judiciaire ne peuvent résulter que de la pertinence des décisions rendues en toute matière.

C’est là un rappel à votre devoir d’impartialité sans le respect duquel l’indépendance des magistrats ne deviendrait qu’une vaine prétention.

C’est pourquoi, le désintéressement, l’impartialité et l’équité, pour ne citer que ces valeurs morales, sont et doivent demeurer, de tout temps et en toutes circonstances, le crédo du juge.

Vous devez aussi vous approprier l’obligation que les dispositifs destinés à faire exécuter toutes les condamnations ou sentences prononcées, par ailleurs, par vous-mêmes, intègrent les préoccupations fondamentales de notre système judiciaire.

La Cour suprême doit avoir une doctrine claire résultant de l’application et de l’interprétation conformes de nos lois. Elle doit publier ses arrêts afin que les juridictions d’instance et d’appel les connaissent, s’en imprègnent et s’en servent pour donner une image harmonisée et régulée de notre justice.

L’obligation de motiver les décisions de justice doit être sacralisée. Nul magistrat ne peut l’éluder.

Le respect du sacro-saint principe du contradictoire doit être une des pierres angulaires de notre système judiciaire.

Il me revient souvent que des personnes n’ayant jamais comparu, devant une juridiction, ont pu être condamnées et n’ont été mises au courant du fait qu’au moment de l’exécution contre elles de la décision rendue.

De telles pratiques n’honorent pas notre justice et ne créent pas la confiance que le peuple doit avoir en sa justice.

Pour leur part, les audiences de flagrant délit doivent être réhabilitées selon les règles de l’art.

  • Monsieur le premier président de la Cour suprême ;
  • Monsieur le procureur général ;

Pour éradiquer les dysfonctionnements susmentionnés, la Commission de discipline des magistrats doit fonctionner pour être un véritable incitateur au devoir de probité, à l’exemplarité, au travail acharné et de qualité.

L’objectif à atteindre est de protéger l’institution judiciaire contre tous les comportements pouvant nuire à son prestige, à son rayonnement et à sa bonne considération.

En cela, la gestion de la carrière des magistrats doit s’appuyer sur des textes pertinents issus de notre droit positif et cesser d’être l’objet des fantasmes animés par des élans corporatistes.

 

ll n’y a pas de syndicat à la justice. La Constitution est très édifiante à ce sujet. L’interdiction de vous syndiquer, comme celle faite aux membres de la force publique, est la reconnaissance de ce que la justice comme la force publique sont pour l’Etat et la Nation : des piliers.

Chaque magistrat doit s’interpénétrer de ce que, dans chaque Nation, la justice doit, par la pertinence de ses décisions, convaincre, rassurer, sécuriser, bref, montrer son utilité et, de la sorte, participer au progrès de la Nation.

Sur ce chapitre, la discipline au sein des parquets doit être de rigueur, pour une bonne administration de la justice.

Je vous encourage à persévérer dans le travail acharné et conséquent afin que les statistiques à venir et tous autres rapports sur le fonctionnement des cours et tribunaux soient désormais plus éloquents.

A vous, bâtonniers et avocats des différents barreaux, votre rôle pour une justice de qualité est éminent et reconnu.

Tout en garantissant votre indépendance, Je vous exhorte à donner le meilleur de vous-mêmes afin que, de la contradiction jaillisse la justice, c’est-à-dire des décisions dont la pertinence fera la fierté de notre système judiciaire.

Greffiers et autres personnels de justice, vous êtes les collaborateurs des magistrats pour que la justice soit assurée  de manière efficace.

Pour cette année judiciaire, Je souhaite que s’intensifie l’effort de modernisation de notre système judiciaire par, entre autres, une meilleure organisation du travail au sein des cours et tribunaux.

J’ose croire que les faiblesses déplorées au niveau de l’effort au travail, comme au plan strictement éthique et moral, ne seront plus que de lointains mauvais souvenirs, à jamais révolus. La justice doit prendre sa juste place dans la grande œuvre nationale de construction de l’Etat de droit.

Je vous remercie.

Les Dépêches de Brazzaville

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