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Les Bantous de la capitale

Jeudi 7 Août 2014 - 19:52

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Les Bantous de la capitale, emblématique orchestre congolais et patrimoine musical mondial, préparent, fêteront, au cours de ce mois d’août, leur 55ème anniversaire, sous les auspices de Brazzaville, ville de musique du réseau des villes créatives Unesco. Ils sont nés le 15 août 1959, un an exactement avant l’indépendance de la République du Congo, dont nous célébrons cette année, le 54ème anniversaire, à Sibiti.

À l’occasion, de ces  55 ans, un ouvrage édité par les Editions Atelier Beaudley et intitulé, Les 8 pauvres Bantous, sera présenté au public, dans quelques jours. Son but est d’apporter un éclairage précis sur la création de cet orchestre, pour établir leur histoire. Le professeur des universités, Grégoire Lefouoba, tout fraîchement promu,  écrivait dans son récent ouvrage, le Curriculum vitae du Congo rive droite : « Le risque d’oublier certains aspects ou domaines de la vie du Congo est grand », à cause, dirons-nous, d’une histoire malmenée, détournée, tronquée et falsifiée ; une histoire cuisinée à la sauce de la déformation et de la manipulation. Que d’énigmes non résolus jonchent son parcours !

 Les 8 pauvres Bantous, titre inspiré par une chanson de Saturnin Pandi, éclaire l’évolution des Bantous, dans une volonté de conformité et de vérité historique. Pandi, Delalune, Essous, cofondateurs de l’orchestre Bantous n’ont que parcimonieusement livré leur part de vérité. Désormais, ne restent que deux cofondateurs, Edo Ganga et Célestin Kouka, sans lesquels, cet orchestre n’aurait pas vu le jour à Brazzaville. Et pour cause !

Contrairement à ce qui a été écrit, ici ou là, ce n’est pas l’imminence de l’indépendance qui a conduit les musiciens brazzavillois exerçant à Léopoldville à rentrer chez eux pour monter un orchestre. Ce sont plutôt les contingences existentielles à Léopoldville qui ont décidé Edo Ganga et Célestin Kouka à retraverser le fleuve pour s’installer à Brazzaville, en deux temps. Dans un premier temps, ils sont arrêtés, peu après les événements de janvier 1959 qui agitèrent Léopoldville, alors qu’ils allaient toucher leurs salaires chez Papadimitriou, leur employeur, dont les bureaux se trouvaient au centre ville. Alors qu’ils sont encore au commissariat, proche de ses bureaux, Papadimitriou ne fait rien pour obtenir leur libération. Transférés et écroués dans un camp militaire pendant quelques jours, ils sont libérés, suite à une intervention de l’abbé Fulbert Youlou, maire de la ville de Brazzaville. Ils sont renvoyés à Brazzaville.

Pendant qu’Edo et Celio échafaudent mille et un plans, Franco et Vicky Longomba, dépêchés par Papadimitriou qui se repent dans une lettre accompagnée d’une forte somme d’argent, réussissent à  les convaincre de regagner Léopoldville. Ce qu’ils font, à leurs corps défendant. De l’autre côté du fleuve, ils constatent que l’ambiance est devenue délétère et leurs rapports avec leurs collègues kinois, ambigus. Une rencontre fortuite avec Essous et Nino aboutit à une réunion à l’hôtel Régina, sur le boulevard Roi Baudouin (actuel 30 juin). Au cours de cette réunion, à laquelle participe Papadimitriou, le projet de la création à Léo (petit nom de la capitale du Congo-Belge), par les Brazzavillois. C’est Moustache Bakana, un proche des musiciens, qui suggère le nom Bantous. Les répétitions débutent à Kinsuka, une banlieue de Léopoldville.  Edo Ganga, Célestin Kouka, Delalune Loubelo (sociétaires de l’Ok Jazz), Essous, Pandi, Nino Malapet (transfuges du Rock’a Mambo), appuyés par Brazzos, autre musicien de l’Ok Jazz, s’y rendent en cachette. Mais le secret est  livré par Mantomena, le chauffeur de taxi qui les y conduisait. Furieux, les supporters de l’Ok Jazz agressent Edo et Celio qui repartent à Brazzaville, décidés à ne plus remettre les pieds à Léopoldville. Ils sont rejoints, après des tractations, par Pandi, Delalune puis Essous. C’est le deuxième temps de leur retour au bercail.

Emile Faignond met à leur disposition deux villas, la première, située au rond-point de Moungali, pour les répétitions, et, la seconde, sise à la rue Kinkala, près de l’actuelle maison commune de Moungali, pour leur hébergement. Après deux mois de répétition, les Bantous, composés de  Pandi, Delalune, Edo Ganga, Essous, Célestin Kouka, Dicky Baroza, Dignos et leur manager Moustache Bakana,  font leur sortie le 15 août 1959 chez Faignond. Ils deviennent, en 1962, Bantous de la capitale, à la faveur de la chanson éponyme de Célestin Kouka.

Avant l’heure, bon anniversaire aux Bantous de la capitale, monument de la musique africaine. C’est peut-être l’occasion de décorer, à titre individuel, les deux rescapés de l’équipe initiale, Edo Ganga, 81 ans et Célestin Kouka qui fêtera l’année prochaine ses 80 ans.

Mfumu

Edition: 

Édition Quotidienne (DB)

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