Opinion
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La SapeSamedi 27 Décembre 2014 - 13:18 Au début des années 80, la Mec (Maison des étudiants congolais), paisible résidence, sise au numéro 20 de la rue Béranger, près de la Place de la République dans le IIIe arrondissement de la capitale française, devient, sans jeu de mot, la « Mecque de la sape », pour les sapeurs qui doivent y accomplir un «pèlerinage». Le métro République est le lieu où il faut être vu pour être reconnu par la communauté des sapeurs. Loubaki l’Enfant dit Mystère est l’un des porte-étendards de la mode à Paris, avec quelques autres Congolais, Jacques Mulélé et Souris Cacharel, pour ne citer que les plus connus. Loubaki l’Enfant Mystère est décédé à Paris. Sa dépouille mortelle, rapatriée à Brazzaville le 24 décembre dernier, a été inhumée le lendemain, jour de la fête de Noël. C’est à la fin des années 70 que « Mystère » se rend en France. Au début de la décennie 80, il rentre fréquemment au pays avec des fringues qu’il vend aux amoureux de la sape. Il ouvre un magasin de vêtement dénommé « Mystère Saperie 1920 », non loin du cinéma Rio à Bacongo, haut lieu de la sape à Brazzaville. Pour mémoire, il faut rappeler qu’au début des années 60, l’État congolais, à l’instar d’autres pays africains et non africains, avait construit ou acheté des immeubles en France afin d’héberger ses étudiants. L’État congolais possédait un premier immeuble sis dans le XIIème arrondissement dans la rue Broca et des appartements dans la rue Boussingault pour les étudiants et stagiaires mariés, puis, un deuxième immeuble dans la rue Béranger, pour remplacer le premier, devenu exigu. C’est donc l’immeuble de la rue Béranger qui devient le réceptacle de tous les Congolais, boursiers de l’État ou «aventuriers», qu’on désigne aussi sous le vocable de «Parisiens». Il s’agit ici des Zaïrois et surtout des Congolais, partis à l’aventure en Europe par leurs propres moyens, en France, principalement. Pour les «aventuriers» dont certains vivent dans des studios de Paris ou de sa périphérie, la Mec est le lieu de ralliement. C’est à cet endroit que Wemba rencontre quelques célébrités de la Sape (Société des ambianceurs et des personnes élégantes) qui vont l’adouber, lors de son premier séjour parisien, en 1980, sous les auspices de la maison d’édition Visa 80 de Luambo Makiadi. En signe de reconnaissance, de gratitude, et en forme de clin d’œil, en direction de ceux qui ont garni sa garde-robe de vêtements — griffés — de grandes marques de la capitale parisienne, Wemba crée la chanson Matebu, acte fondateur du phénomène libanga. Il est intéressant de noter que la sape, de tous temps, a eu une bonne cote dans les deux Congo. Elle est foncièrement liée à la musique. À Brazzaville, par exemple, comme l’écrit Sylvain Bemba (50 ans de musique du Congo-Zaïre, Présence Africaine, Paris, p73.): « Poto-Poto et Bacongo rivalisaient alors d’élégance et de prestige. Lorsqu’un grand bal était organisé, n’entrait pas sur la piste qui voulait. Un véritable chef de protocole appelé «président de la cour» était chargé de sélectionner les couples les mieux habillés, les mieux rompus aux entrechats des danses européennes ». Les choses ne se passaient pas différemment à Léopoldville. Au début de la décennie 50 du siècle dernier, les personnalités comme Maître Taureau, Sukami Marcel, Zomambu, Kabayidi Paul, Loukakou Emmanuel, Litongué Léon, Heingis, Kester, Scotty Martin, Pierre Doumar, et d’autres sur la rive gauche ; Rombaut Fylla Saint-Eudes, Pierre Lobagne, François Bondawe, Émile Gentil, Guy Léon Fylla, Pembellot sur la rive droite, sont réputés pour leur mise vestimentaire et leur talent de danseurs. On n’hésitait pas à leur sujet d’user du terme crâneur. Sur leurs traces suivent les Callafard Ntary, Molinard, Basile Makangou, Egwindi, Jean-Pierre Massembo, Maurice Diouf, Lombé, Lamotha, Siméon Obambi dit maître Sarrault, Alphonse Itoua Akindou dit Baguette, récemment décédé, Francos Nkodia, Andoche Ntoumi, Gomez de Mackanda ou encore Alexis Pamboud, Ouya Gaby, Wapity. Ces derniers appartiennent à divers clubs de jeunes. Les femmes ne sont pas en reste. Parmi tant d’autres : Kambissi, Mvouaka Rachelle, Tchicaya, Madami, Pierrette, Alphonsine, Charlotte. Elles sont souvent regroupées en associations à l’image, à Poto-Poto, de « La Violette », chantée par Tino Mab dans Mariana ou à Léopoldville (Kinshasa), « La Mode », dont la classe a été souvent vantée, par Franco en particulier, dans la chanson « La Mode ya Pius ». Longtemps après cette génération, à l’époque où les maisons de commerce Altex, Tissus Km, Chaussures de France, etc. régentent la mode à Brazzaville, Massengo Fonctionnaire, Gervais Malanda dit Mulamba, Sokate Mavouba, Ken Taty, Jean-Louis Monekolo, Lhony Thierdo, Louis-Marie Awé, Ibara Freddy, Blanchard Moyo, Lazare Meza, j’en oublie d’autres, prennent la relève du bon goût dans la sape, avant qu’elle ne sombre dans le sacre du mauvais goût et du burlesque à la fin des années 70, avec Chantal Ntsayi, l’une des premières égéries de la sape féminine. Adieu Loubaki L’Enfant Mystère. Mfumu Edition:Édition Quotidienne (DB) |