Burkina Faso: si la médiation est rejetée

Lundi 21 Septembre 2015 - 16:45

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L’heure n’est toujours pas à l’apaisement au Burkina Faso une semaine après le putsch mené par les militaires du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) contre les institutions de la transition.

Ce mardi 22 septembre, un sommet extraordinaire de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) se réunira à Abuja, au Nigeria, autour de la crise burkinabè. Les dirigeants de cet espace sous-régional en proie à d’énormes défis sécuritaires examineront à cette occasion les propositions de sortie de crise élaborées par les présidents Macky Sall du Sénégal et Thomas Boni Yayi du Bénin, à l’issue des leurs entretiens avec les parties en conflit. Sur place au Burkina Faso, les positions restent tranchées entre les partisans du coup d’Etat perpétré le 17 septembre et ceux qui y sont farouchement opposés.

Le projet d’accord en douze points concocté par les médiateurs de la CEDEAO propose notamment la libération des personnes arrêtées par les putschistes, le rétablissement des autorités de la transition afin qu’elles mènent leur mission à son terme, et la prise d’une loi d’amnistie en faveur des hommes du général Gilbert Diendéré. À la tête du Burkina Faso depuis l’avènement du Conseil national pour la démocratie qui l’a porté au pouvoir dans une contestation unanime de l’opposition et d’une partie de la population burkinabè, l’ex-bras droit de l’ancien président Blaise Compaoré, chassé du pouvoir le 30 octobre 2014, parait à l’étroit.

Gilbert Diendéré a néanmoins, pour la première fois, goûté aux honneurs de la fonction suprême lorsqu’il a reçu, tour à tour, le 18 septembre, au pied de leur avion, les présidents Macky Sall et Thomas Boni Yayi venus chez lui en médiateurs, presque en virtuels homologues pour ses partisans. À la différence de ces derniers vus en tenue de ville, l’homme du 17 septembre arborait sa veste militaire, sans doute pour coller à la réalité trouble dans laquelle vit son pays présentement. Au moins, a-t-il, peut-être, tendu bonne oreille à ses hôtes de marque et accédé à leur exigence de réunir un sommet extraordinaire des chefs d’Etat consacré à la crise dont lui et ses proches sont tenus pour responsables.

Ce qu’il faut relever avant la réunion d’Abuja, c’est que la feuille de route de la médiation sénégalo-béninoise fait beaucoup de mécontents. Particulièrement dans les rangs des opposants au coup d’Etat, et même dans la rue, où des voix s’élèvent pour non seulement rejeter le projet d’accord, mais également dénoncer les médiateurs eux-mêmes. Pour les opposants, accorder une amnistie générale aux putschistes est la ligne rouge qu’il ne faut pas franchir. Il est entendu que l’idée de voir Gilbert Diendéré abdiquer pour laisser la transition se poursuivre avec le président Michel Kafando à sa tête ne fait pas des émules chez les putschistes et les responsables de l’ancien régime. On le voit, les dissensions sont profondes dans les deux camps.

Il semble aussi que les ressentiments à l’égard du Premier ministre, Yacouba Isaac Zida soient entiers. Le fait qu’il n’ait pas été libéré depuis le 16 septembre, jour de sa séquestration avec le président de transition et d’autres membres du gouvernement montre que le RSP, son ancien corps d’appartenance, lui garde une dent dure. Répondant à la question qui lui était posée sur le sort de Zida après sa « prise » du pouvoir, son ancien chef au RSP, Gilbert Diendéré se montrait dubitatif, indiquant qu’il pourrait être libéré sous peu.

Le cas d’Isaac Zida est en mesure de raidir davantage les positions chez les belligérants. Si en effet son départ de la primature est obtenu ainsi que celui des autres militaires membres de l’exécutif, les RSP pourraient nourrir le sentiment d’avoir gagné une bataille. Mais l’on écoute parallèlement le président du Conseil national de transition, Chérif Sy, s’étonner que la médiation démembre en quelque sorte les institutions de la transition. Il lui restera à invoquer la solidarité des trois composantes principales de la transition (présidence de la République, Primature, Conseil national de transition) pour refuser d’accompagner la médiation dans cette démarche.

À la vérité, la situation actuelle du Burkina Faso est complexe. Macky Sall le reconnait lorsqu’il invite les burkinabé à choisir entre l’apaisement général et la violence généralisée. On sent en effet murir dans les deux camps des antagonismes qui risquent de s’exprimer de la manière la plus inattendue et ainsi plonger le pays des « Hommes intègres » dans le chaos. L’attitude des militaires du RSP qui ont fait irruption, dimanche, à l’hôtel où travaillait la médiation, les déclarations de rejet de tout compromis entendues ici et là, sont un ferment de la discorde que seule la volonté partagée de se surpasser peut écarter. Pour l’instant, cette volonté est loin d’être palpable à gauche comme à droite.

Les suites de la réunion qui s’ouvre ce 22 septembre à Abuja nous dirons si les acteurs burkinabé ont suivi la voie de la concorde nationale, ou s’ils ont opté pour le repli sur soi. Mais ils devront retenir qu’une transition est souvent une période de grande fragilité pour un pays, car les transitions, même installées à la suite de soulèvements populaires recherchent toujours leur légitimité péniblement. À ce titre, qu’ils s’habillent en civil ou en uniforme militaire, les dirigeants à qui incombe la responsabilité de sortir leur pays de cette période ne doivent pas seulement privilégier leurs égo. Surtout ils ne doivent pas chasser l’étranger qui vient leur apporter la paix.

Gankama N'Siah

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