Chronique : en 2020, il y aura toujours urgence climatique

Vendredi 3 Janvier 2020 - 16:56

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2019 s’achève, il est donc temps de faire un petit bilan sur l’état de la planète concernant le climat. Et le moins que l’on puisse dire est que les mauvaises nouvelles continuent de s’accumuler dans le ciel déjà nuageux de l’urgence climatique.

 

 Le premier constat est simple : l’humanité est incapable depuis 2010 de se montrer à la hauteur de l’urgence climatique. Les Etats les plus pollueurs ont collectivement échoué à infléchir la croissance des émissions des gaz à effet de serre. En conséquence, les pays devront réduire de 7,6% leurs rejets carbonés chaque année entre 2020 et 2030 s’ils veulent respecter l’objectif de l’accord de Paris de maintenir le réchauffement climatique à + 1,5 °C. Un effort deux fois plus important à fournir que s’ils s’étaient attelés à la tâche dès 2010.

Quand on note les Etats sur la question climatique, le stylo rouge est de rigueur en commençant par les Etats-Unis. Sous l’impulsion de leur « climatosceptique » président, les États-Unis sont officiellement sortis de l’accord de Paris, le 5 novembre dernier. Donald Trump a tenu en cela l’une de ses promesses de campagne, résumée en juin 2017 dans une formule sans équivoque : « j’ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris. ». Ce retrait des Etats-Unis est une mauvaise nouvelle pour la planète, surtout lorsque l’on sait que le pays de l’oncle Sam est responsable à lui seul de 14,5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Des émissions qui ont d’ailleurs augmenté cette année de 3,4%, après trois années de déclin. Autant dire que l’élection présidentielle américaine de novembre 2020 sera très suivie par les défenseurs de la cause environnementale.

Par ailleurs, l’Amazonie n’est pas la seule forêt à avoir souffert cette année. Selon un rapport de Global Forest Watch paru en août dernier, le monde a en effet perdu 12 millions d’hectares de forêts tropicales cette année, dont 3,64 millions de forêts primaires. 
Aussi la parution du rapport de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, le 6 mai dernier, a-t-elle fait grand bruit. Et pour cause : selon cette étude, un million d’espèces animales et végétales, soit une sur huit, risquent de disparaître à brève échéance de la surface de la Terre ou du fond des océans. De fait, le taux d’extinction des espèces est au moins des dizaines ou des centaines de fois supérieur à ce qu’il a été en moyenne durant les dernières 10 millions d’années.

Notons aussi au passage que le mois de juillet 2019 a été le plus chaud jamais mesuré dans le monde, selon les relevés de l’Agence océanique et atmosphérique américaine.

Peut-on faire ce bilan annuel en parlant des Etats-Unis sans parler de la Chine. Devenue lors de la dernière décennie le premier pollueur mondial, la Chine tente désormais de redresser la barre en investissant massivement dans les énergies renouvelables et la mobilité électrique. Le seul problème est que dans le même temps, la Chine est le pays qui compte le plus de projets de construction de nouvelles centrales à charbon. Entre janvier 2018 et juin 2019, la Chine a ainsi mis sur le réseau 43 gigawatts supplémentaires d’électricité à base de charbon, ce qui suffit à annuler les efforts de baisse des émissions de gaz à effet de serre réalisés par ailleurs dans le monde.

Autre fait majeur à retenir cette année. Le dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre persistant dans l’atmosphère, a battu un nouveau record de concentration cette année, à 407,8 parties par million (ppm), soit 147% de plus que le niveau préindustriel de 1750, selon le bulletin annuel de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publié le 25 novembre. La dernière fois que la Terre a connu une teneur en CO2 comparable, c’était il y a 3 à 5 millions d’années. La température était alors de 2 à 3 °C plus élevée qu’aujourd’hui, et le niveau de la mer était supérieur de 10 à 20 m par rapport au niveau actuel.

Parlons un peu de la fonte des glaces qui non seulement se confirme mais en plus s’accélère. Les scientifiques reconnaissent d’ailleurs qu’ils ont sous-estimé le phénomène, surtout au Groenland et en Antarctique, qui ont perdu en moyenne 430 milliards de tonnes chaque année depuis 2006. Sur le continent situé à l’extrême sud de la planète, la glace fond même six fois plus vite qu’il y a 40 ans. Un phénomène qui n’épargne pas non plus la montagne, où les glaciers se réduisent comme peau de chagrin. À l’image de l’Himalaya, qui a perdu jusqu’à un quart de sa masse glaciaire ces quarante dernières années, ou des Alpes, qui risquent de perdre jusqu’à 90% de ses glaciers si rien n’est fait.

Tout le monde admet qu’il est difficile de lutter contre le changement climatique sans investissements massifs. Sauf que là encore, les nouvelles ne sont pas bonnes. Ainsi, selon l’édition 2019 du panorama mondial de la Climate Policy Initiative, paru le 9 novembre dernier, la finance climatique mondiale a atteint 546 milliards de dollars cette année. Soit une baisse de 11% par rapport à l’année précédente, durant laquelle 612 milliards avaient été investis.

En signant l’accord de Paris, à l’issue de la COP21 en 2015, 197 pays se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement de la planète à 2°C, voire 1,5 par rapport aux niveaux préindustriels d’ici la fin du 21e siècle. Malheureusement aujourd’hui, on est loin du compte. Actuellement, les engagements pris en la matière mettent en effet la planète sur une trajectoire de réchauffement de 3,2 °C d’ici à la fin du siècle. Alors tâchons tous de mieux faire en 2020.

Boris Kharl Ebaka

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