Cinéma : la réalisatrice Pascale Touloulou veut entendre à tout prix La voix des statuettes

Jeudi 12 Novembre 2015 - 17:45

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En visite au Musée Ma-Loango, la jeune citadine est convaincue d’avoir reçu un message inaudible de la part de trois sculptures ancestrales qu’elle emporte avec elle dans l’espoir de trouver un interprète qui puisse le lui révéler de manière claire mais rien n’y est fait.

 Le masque teke du Musée Ma-Loango Toute la trame de l’histoire du documentaire La voix des statuettes de Pascale Touloulou se déroule sur son voyage initiatique qui n’en est pas vraiment. En effet, résolue à déchiffrer le message qu’elle aurait reçu de la part du masque teke de Lekoumou, de la statuette à trois têtes d’usage pour les cultes des jumeaux et la statue de l’ancêtre Bembe, la réalisatrice ne trouve pas satisfaction. Contrairement à ses attentes, il ne se trouve sur son parcours personne qui soit en mesure d’établir directement un lien avec ses objets significatifs de la tradition avec elle, car ils n’en maîtrisent pas vraiment les valeurs intrinsèques.

Pour le cas du masque, chacun y va un peu de son petit commentaire dans l’interprétation des symboles qui le compose. Et, en dernier ressort, elle apprend que le seul personnage habilité à lui en dire plus n’est pas en mesure de le faire en raison de son âge avancé. Le vieillard, qui ne sortirait même plus de sa maison, le portait autrefois et tout un mythe est raconté autour des pouvoirs exceptionnels dont il était pourvu.

Quant à la statue de l’ancêtre Bembe qu’elle confie au guérisseur Tembe na ba Mbanda, elle apprend qu’elle n’est ni plus ni moins qu’un simple bout de bois. L’œuvre ne comporte aucun esprit et donc ne peut lui avoir parlé lui affirme et reconfirme le guérisseur qui en vient même à lui demander si elle voulait qu’il le « charge » d’esprits. Ce à quoi il se refuse quand il apprend qu’elle appartient au musée. C’est un patrimoine de la nation, comme il l’explique à la réalisatrice, et donc ne peut pas servir à un usage personnel et elle ne peut prétendre s’en approprier.

Mise en garde

Curieusement, la statuette à trois têtes ramène Pascale Touloulou à ses origines. Son aïeul Malanda Ma croix Koma était un exorciste. Et son grand-père qu’elle trouve sur place, qui est du reste déjà un homme d’un certain âge au dos vouté, reconnaît la sculpture mais il met sa petite-fille en garde. Il lui conseille de marcher avec sagesse. Mais avant tout, il veut savoir pourquoi elle s’entête à croire que la statuette lui a parlé. À l’entendre faire l’exposé de ses motifs, il finit par comprendre la préoccupation de Pascale. Visiblement, elle tient à consulter les esprits quitte à trouver auprès d’eux une réponse ou, mieux, une directive sur ce qu’il lui convient de faire. « J’ai fini mes études, je travaille mais je ne suis pas mariée et encore moins mère », explique la réalisatrice du film à son grand-père. Ce dernier lui enjoint de rechercher plutôt la voie de Dieu que de recourir aux esprits. Pourtant, c’est dans la tradition que cette dernière veut trouver refuge, ou plutôt la solution à sa préoccupation. Il est surprenant alors de voir que ce soit la citadine qui pense de la sorte et qu’en retour, ce soit le gardien des traditions, censé l’encourager dans cette voie en raison de son ancrage aux coutumes, qui lui enjoigne de ne pas le faire. Il lui recommande au contraire de se confier en Dieu.

Pascale ne semble pas l’entendre de cette oreille. Elle l’a clairement dit lors de la projection de son film en ouverture du Festival Vision documentaire, le 10 novembre, à Kinshasa. En effet, dans le débat qui a suivi, elle a affirmé avoir l’intention de poursuivre son film dans le cas où elle en trouvait les moyens. Visiblement insatisfaite de n’avoir reçu aucune réponse allant dans le sens de ses attentes, elle entend poursuivre ses investigations. Son besoin d’entrer en communion avec le monde des esprits semble plus intense que jamais.

 

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

Le masque teke du Musée Ma-Loango

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